Trois jours après l’ouverture du procès des salafistes mauritaniens, aucun fait n’est venu accréditer la thèse, que nous avions affaire à des terroristes. Les prévenus n’ayant pas commis d’actes violents, les questions du Parquet ont tourné sur la création en 2000 d’une organisation salafiste et sur le séjour en 2004, de quelques jeunes, dans les camps d’une organisation jihadiste, bien avant, que cette dernière, ne lance en juin 2005 une attaque terroriste contre la Mauritanie. Au rythme où évolue ce procès qui a révélé des tortures inhumaines infligées aux prévenus, (lesquelles sont en fait, de véritables séances de formation de futurs Kamikaze si les tortionnaires ne sont pas poursuivis); certains se demandent si les salafistes mauritaniens présentés devant la justice, sont jugés pour des faits, ou s’ils sont poursuivis pour l’idéologie qu’ils portent.
Dangereuse certes, cette idéologie ne l’est guère, plus que d’autres convictions, séctaristes, racistes, ou anarchistes, fièrement affichées et proclamées par des Mauritaniens qui se pavanent dans nos rues. Par déficit de connaissance ou par mauvaise foi, les enquêteurs avaient sciemment perçus tous les salafistes à travers un prisme réducteur. Tous les salafistes ont-ils décrété, sont des terroristes. La réalité est autre. Fondée sur la pensée d’exégètes comme Ibnou Teymiya, Mohamed Abdel Wahab et Rabi’i El Madkhali, le salafisme prône le retour à l’Islam du premier siècle (du dévoilement du Message du Prophète Mohamed, (PSL) jusqu’au dernier des Khalifes Rachidiens) tant en termes de croyances, que de rites. Deux écoles traversent le courant salafiste. L’une originelle, appelle à un jihad interne qui doit se traduire par l’enracinement de la foi et des pratiques, en vue de changer les sociétés musulmanes de l’intérieur, à travers l’enseignement et la diffusion des sciences religieuses. Le deuxième courant «Takfiriste» prône le jihad tout azimut, à la fois contre les mécréants et leurs alliés musulmans. Ce courant est celui du GSPC, d’Al Qaida, il ne fait pas de différence entre musulmans et non musulmans. Et il est unanimement condamné par les musulmans du monde entier qui en sont souvent victimes : (attentats d’Arabie Saoudite, d’ Indonésie, de Tunis, de Casablanca, de Lemgheiti, et d’Alger). Tout indique que les salafistes mauritaniens présentés devant le parquet le 21 mai sont adeptes du salafisme originel. Ils n’ont pas commis d’actes violents. Ils étaient là bien avant l’an 2000 et après. Ils ont toujours privilégié la prédication (Daawa ) et l’enseignement des prescriptions religieuses . Leur approche est largement partagée par les symboles de l’Islam mauritanien officiel. Ces derniers n’appellent-ils pas souvent dans leurs prêches, à l’attachement aux percepts du «Es salaf Essaleh»? C’est au milieu de 2003 que des jeunes mauritaniens sortants des mahadras pour la plupart, frustrés par les orientations diplomatiques (toujours inchangées) de Ould Taya, la déliquescence qui ronge les fondements de l’Etat, la répression sanglante menée par Israél contre le peuple palestinien, la guerre cruelle lancée contre des pays musulmans au nom de la lutte contre le terrorisme et la chasse lancée contre l’islamisme mauritanien, étaient allés à la rencontre du GSPC dont les camps n’étaient pas loin de Bassiknou. Ils ne sont pas revenus en Mauritanie faire sauter des édifices publics ou tendre des embuscades à l’armée régulière. Le rapport du directeur de la surêté de l’Etat adressé à l’époque, au Procureur de la République, était clair comme l’eau de roche : «La guerre contre l’Irak a attisé leurs sentiments et ils nous déclaré avoir suivi des entraînements militaires, (uniquement), pour aller se battre en Irak, ou en Afghanistan» écrivait-il le 4 mai 2005. Faut-il rappeler que parallèlement au départ de ces jeunes salafistes vers les camps du GSPC, d’autres jeunes dont des islamistes, prenaient également la route vers les foyers d’une guérilla qui larvait contre le régime de Ould Taya au Burkina Faso et au nord et de la Côte d’ivoire. Ces jeunes ont introduit en Mauritanie des cargaisons d’armes découvertes à Toujounine en septembre 2004. Ils sont revenus pour passer à l’action…ici. Le 2 septembre 2005, ceux, parmi eux, qui furent arrêtés, condamnés ou jugés par coutumace ont été amnistiés. Certains d’entre eux siégent aujourd’hui au Parlement Mauritanien. Ce ne sera pas le cas pour les jeunes salafistes, qui voulaient (seulement) se battre ailleurs. Ils ont été arrêtés, maltraités et privés de liberté provisoire et de procès durant deux longues années avant d’être présentés devant le Parquet le 21 mai 2007. En somme, ceux qui sont passés à l’action se sont vus amnistiés, et ceux qui étaient au stade d’intention pour aller se battre, ailleurs, sont poursuivis. Cela s’appelle : deux poids, deux mesures!
Isselmou Ould Moustapha
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