Deux poids, deux mesures   
24/05/2007

Trois jours après l’ouverture du procès des salafistes mauritaniens, aucun fait n’est venu accrĂ©diter la thèse, que nous avions affaire Ă  des terroristes. Les prĂ©venus n’ayant pas commis d’actes violents, les questions du Parquet ont tournĂ© sur la crĂ©ation en 2000 d’une organisation salafiste et sur le sĂ©jour en 2004, de quelques jeunes, dans les camps d’une organisation jihadiste, bien avant, que cette dernière, ne lance en juin 2005 une attaque terroriste contre la Mauritanie.
Au rythme oĂą Ă©volue ce procès qui a rĂ©vĂ©lĂ© des tortures inhumaines infligĂ©es aux prĂ©venus, (lesquelles sont en fait, de vĂ©ritables sĂ©ances de formation de futurs Kamikaze si les tortionnaires ne sont pas poursuivis); certains se demandent si les salafistes mauritaniens prĂ©sentĂ©s devant la justice, sont jugĂ©s pour des faits, ou s’ils sont poursuivis pour l’idĂ©ologie qu’ils portent.



Dangereuse certes, cette idĂ©ologie ne l’est guère, plus que d’autres convictions, sĂ©ctaristes, racistes, ou anarchistes, fièrement affichĂ©es et proclamĂ©es par des Mauritaniens qui se pavanent dans nos rues.
Par dĂ©ficit de connaissance ou par mauvaise foi, les enquĂŞteurs avaient sciemment perçus tous les salafistes Ă  travers un prisme rĂ©ducteur. Tous les salafistes ont-ils dĂ©crĂ©tĂ©, sont des terroristes. La rĂ©alitĂ© est autre.
FondĂ©e sur la pensĂ©e d’exĂ©gètes comme Ibnou Teymiya, Mohamed Abdel Wahab et Rabi’i El Madkhali, le salafisme prĂ´ne le retour Ă  l’Islam du premier siècle (du dĂ©voilement du Message du Prophète Mohamed, (PSL) jusqu’au dernier des Khalifes Rachidiens) tant en termes de croyances, que de rites.
Deux Ă©coles traversent le courant salafiste. L’une originelle, appelle Ă  un jihad interne qui doit se traduire par l’enracinement de la foi et des pratiques, en vue de changer les sociĂ©tĂ©s musulmanes de l’intĂ©rieur, Ă  travers l’enseignement et la diffusion des sciences religieuses. Le deuxième courant «Takfiriste» prĂ´ne le jihad tout azimut, Ă  la fois contre les mĂ©crĂ©ants et leurs alliĂ©s musulmans. Ce courant est celui du GSPC, d’Al Qaida, il ne fait pas de diffĂ©rence entre musulmans et non musulmans. Et il est unanimement condamnĂ© par les musulmans du monde entier qui en sont souvent victimes : (attentats d’Arabie Saoudite, d’ IndonĂ©sie, de Tunis, de Casablanca, de Lemgheiti, et d’Alger).
Tout indique que les salafistes mauritaniens prĂ©sentĂ©s devant le parquet le 21 mai sont adeptes du salafisme originel. Ils n’ont pas commis d’actes violents. Ils Ă©taient lĂ  bien avant l’an 2000 et après. Ils ont toujours privilĂ©giĂ© la prĂ©dication (Daawa ) et l’enseignement des prescriptions religieuses . Leur approche est largement partagĂ©e par les symboles de l’Islam mauritanien officiel. Ces derniers n’appellent-ils pas souvent dans leurs prĂŞches, Ă  l’attachement aux percepts du «Es salaf Essaleh»?
C’est au milieu de 2003 que des jeunes mauritaniens sortants des mahadras pour la plupart, frustrĂ©s par les orientations diplomatiques (toujours inchangĂ©es) de Ould Taya, la dĂ©liquescence qui ronge les fondements de l’Etat, la rĂ©pression sanglante menĂ©e par IsraĂ©l contre le peuple palestinien, la guerre cruelle lancĂ©e contre des pays musulmans au nom de la lutte contre le terrorisme et la chasse lancĂ©e contre l’islamisme mauritanien, Ă©taient allĂ©s Ă  la rencontre du GSPC dont les camps n’étaient pas loin de Bassiknou. Ils ne sont pas revenus en Mauritanie faire sauter des Ă©difices publics ou tendre des embuscades Ă  l’armĂ©e rĂ©gulière. Le rapport du directeur de la surĂŞtĂ© de l’Etat adressĂ© Ă  l’époque, au Procureur de la RĂ©publique, Ă©tait clair comme l’eau de roche : «La guerre contre l’Irak a attisĂ© leurs sentiments et ils nous dĂ©clarĂ© avoir suivi des entraĂ®nements militaires, (uniquement), pour aller se battre en Irak, ou en Afghanistan» Ă©crivait-il le 4 mai 2005.
Faut-il rappeler que parallèlement au dĂ©part de ces jeunes salafistes vers les camps du GSPC, d’autres jeunes dont des islamistes, prenaient Ă©galement la route vers les foyers d’une guĂ©rilla qui larvait contre le rĂ©gime de Ould Taya au Burkina Faso et au nord et de la CĂ´te d’ivoire. Ces jeunes ont introduit en Mauritanie des cargaisons d’armes dĂ©couvertes Ă  Toujounine en septembre 2004. Ils sont revenus pour passer Ă  l’action…ici. Le 2 septembre 2005, ceux, parmi eux, qui furent arrĂŞtĂ©s, condamnĂ©s ou jugĂ©s par coutumace ont Ă©tĂ© amnistiĂ©s. Certains d’entre eux siĂ©gent aujourd’hui au Parlement Mauritanien. Ce ne sera pas le cas pour les jeunes salafistes, qui voulaient (seulement) se battre ailleurs. Ils ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©s, maltraitĂ©s et privĂ©s de libertĂ© provisoire et de procès durant deux longues annĂ©es avant d’être prĂ©sentĂ©s devant le Parquet le 21 mai 2007. En somme, ceux qui sont passĂ©s Ă  l’action se sont vus amnistiĂ©s, et ceux qui Ă©taient au stade d’intention pour aller se battre, ailleurs, sont poursuivis. Cela s’appelle : deux poids, deux mesures!

Isselmou Ould Moustapha


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