La dimension militaire de la lutte antiterroriste* / Colonel El Boukhary O. Ahmedou   
02/03/2013

Un axe fondamental d’une approche globale fondée sur l’expérience de la Mauritanie en matière de lutte contre le terrorisme

En guise d’introduction, quelques observations liminaires nous semblent utiles à souligner pour situer le sujet dans le cadre global des bouleversements et des incertitudes qui....



...entourent la perception des défis sécuritaires aujourd’hui, et à indiquer le caractère personnel et les limites de l’approche.


1-De manière générale, à l’ère de la mondialisation, la pensée stratégique a du mal à trouver des repères clairs, précis et acceptables par tout le monde. Cela est encore plus vrai lorsqu’il s’agit de traiter la problématique de la lutte antiterroriste au Sahel. Les facteurs d’appréciation étant complexes, souvent diffus, et toujours changeants, le thème continue de susciter controverses et débats. La présente réflexion n’échappe pas à cette contrainte.

 

2- Les conflits armĂ©s interĂ©tatiques classiques ont tendance Ă  diminuer. Par contre, le terrorisme et ses liens avec la criminalitĂ© transnationale, eux, sont d’une ampleur et d’une intensitĂ©, toujours plus inquiĂ©tantes, qui font d’eux des Ă©lĂ©ments structurants des politiques de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© Ă  l’échelle mondiale.


3-La vision stratégique de la Mauritanie, s’inscrit parfaitement dans cette logique fondée sur la perception du terrorisme comme un défi sécuritaire évolutif, global et structurant. C’est sous cet angle que l’on va présenter sa dimension militaire, selon la « lecture » personnelle de l’auteur, à travers deux axes principaux:
-Les facteurs de vulnérabilité et d’identification des défis sécuritaires au Sahel, notamment ceux qui touchent la Mauritanie.
-Les aspects militaires du dispositif national de lutte contre le terrorisme.

Facteurs de vulnérabilité et d’identification des défis sécuritaires

 

Il est admis que les contextes de conflictualité et de crises créent les conditions favorables pour l’émergence et le développement des trafics illicites, de la circulation incontrôlée des armes, ainsi que le crime organisé et le terrorisme.
Cet axiome explique le fait que les défis sécuritaires auxquels la Mauritanie fait face sont largement liés à son environnement géostratégique régional instable.

 

Contexte géostratégique régional


 Comme le montre la gĂ©opolitique rĂ©gionale, (Figure A), sur chacun des pays frontaliers de la Mauritanie, pèse une menace permanente de conflit armĂ©, latent ou ouvert: Sahara Occidental (en AlgĂ©rie et au Maroc) ; Casamance (au SĂ©nĂ©gal); « conflit du Nord» (au Mali).
Un peu plus loin, au nord du continent, dans les pays qui ont connu le « Printemps arabe » (Libye, Tunisie et Egypte), instabilitĂ© « postrĂ©volutionnaire » et convulsions politiques constituent, avec la problĂ©matique de la rĂ©organisation des forces de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ©, un aspect nouveau des incertitudes de l’environnement gĂ©ostratĂ©gique dans le monde arabe et musulman.  À l’est et au sud-est, dans les pays sahĂ©liens et africains (de la GuinĂ©e Equatoriale jusqu’à la Corne de l’Afrique, en passant par la CĂ´te d’Ivoire, le Niger, le Tchad, le Soudan…) des dĂ©fis sĂ©curitaires importants frappent les pays de cette rĂ©gion. Ils se traduisent pour beaucoup parmi eux par le fait qu’ils sont en prise directe avec les phĂ©nomènes du terrorisme, des rebellions et de la criminalitĂ© transfrontalière. Ces phĂ©nomènes donnent naissance Ă  des bandes et groupes armĂ©s qui s’attaquent aux forces de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© nationales, sapent l’autoritĂ© des Etats, terrorisent les populations, commanditent ou exĂ©cutent des prises d’otages et mènent ou s’associent Ă  des actes de criminalitĂ© transnationale et de banditisme : narcotrafics, contre bande, migration clandestine, piraterie maritime ... Ce tableau de menaces multiformes, bien connu dans plusieurs rĂ©gions du monde, trouve au Mali depuis quelques annĂ©es son terreau. Il connait aujourd’hui des Ă©volutions graves au Sahel, depuis l’occupation du nord Mali et la guerre qui en a rĂ©sultĂ©.
Ce conflit est potentiellement porteur de conséquences lourdes pour la région comme pour le monde.
Il en résulte pour la Mauritanie des menaces transfrontalières dont la dangerosité dépend en grande partie de la maîtrise de données géostratégiques propres au pays.

 

Le contexte national et le défi du contrôle des frontières

 

À la fois pays arabe, musulman et africain, la Mauritanie occupe une position gĂ©ostratĂ©gique intĂ©ressante sur la cĂ´te ouest africaine, Ă  la charnière du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne. Elle couvre une superficie de plus d’un million de kilomètres carrĂ©s pour une population d’un peu plus de trois millions d’habitants et compte près de 5800 km de frontières Ă  surveiller, dont 750 km environ de façade maritime sur l’ocĂ©an atlantique, et plus de 5000 km de frontières continentales, qu’elle partage avec le Sahara Occidental, l’AlgĂ©rie, le Mali et le SĂ©nĂ©gal.   
Ses longues frontières terrestres, aux caractĂ©ristiques sahariennes, sont aisĂ©ment franchissables. À cette porositĂ©, s’ajoutent les opportunitĂ©s que le pays offre sur les plans politique et Ă©conomique, qui font de lui l’une des destinations africaines privilĂ©giĂ©es par les jeunes candidats Ă  la migration clandestine en provenance des pays subsahariens vers le Nord, qui cherchent Ă  passer par la Mauritanie ou Ă  s’y Ă©tablir.

Le défi terroriste au sahel et sa nouvelle configuration

 

Le défi terroriste au Sahel connait aujourd’hui d’importantes évolutions, depuis que rebelles et « djihadistes » ont occupé le nord du Mali, il y’a plusieurs mois. Plus récemment, l’intervention armée en cours d’une coalition internationale, dans le conflit, donne un grand coup d’accélérateur aux changements et inscrit la lutte anti terroriste, dans cette région, dans un cadre géopolitique beaucoup plus global et plus large que par le passé.
Cette célérité des évènements nous interpelle pour réexaminer notre perception de l’évolution de la menace, tout en gardant à l’esprit que, dans ce contexte mouvant et incertain, il est impossible d’avancer des éléments d’analyse constants, fiables et incontestables, au sujet d’un phénomène complexe et aussi changeant. Tout au plus, notre ambition se limite à avancer quelques pistes de réflexion, susceptibles d’apporter des éclairages, à travers les dix points suivants :

 1- Les bandes mobiles d’AQMI, une menace originelle Ă  caractère rĂ©gional. 

 

DĂ©s le dĂ©but des annĂ©es 2000, le terrorisme commence Ă  se dĂ©velopper et Ă  s’installer durablement aux frontières nord et est de la Mauritanie, qui deviendra par la suite l’une de ses cibles prĂ©fĂ©rĂ©es dans la rĂ©gion. C’est ainsi qu’elle connaitra plus d’une vingtaine d’actions violentes et souvent meurtrières, de 2005 Ă  2011.  Son adversaire a toujours Ă©tĂ© constituĂ© de bandes armĂ©es se rĂ©clamant d’AQMI ou de son ancĂŞtre, le GSPC. Ces bandes Ă©taient relativement bien connues et leurs principaux chefs identifiĂ©s. Elles Ă©taient rĂ©pertoriĂ©es et habituellement localisĂ©es dans les zones dĂ©sertiques les plus reculĂ©es du nord du Mali. Elles s’y dĂ©ployaient en Ă©lĂ©ments lĂ©gers, et s’y dĂ©plaçaient sans cesse, faisant de la mobilitĂ© et de la dissĂ©mination leur principale stratĂ©gie de dĂ©fense et d’attaque. C’est comme cela qu’elles menaient leurs actes terroristes après avoir parcouru de longs trajets et qu’elles se retiraient aussitĂ´t après vers leurs zones de retranchement. Leurs adversaires directs se limitaient pour l’essentiel aux pays de la rĂ©gion, sahĂ©liens et maghrĂ©bins. Leurs tentatives rĂ©pĂ©tĂ©es d’installer des cellules actives dans chacun de ces pays ont souvent Ă©chouĂ©.


 

 2-Une nouvelle configuration complexe de la menace terroriste, un dĂ©fi mondial aux caractĂ©ristiques mouvantes.

 

Ce tableau relativement limpide est en train de changer aujourd’hui. Les bandes affiliĂ©es Ă  AQMI n’ont plus le monopole du terrorisme, prĂ©sentent moins d’homogĂ©nĂ©itĂ© que par le passĂ© et leur rapport « furtif » Ă  l’espace est, lui aussi, en train d’évoluer. Bref : une nouvelle configuration des dĂ©fis sĂ©curitaires est en train de se dessiner. L’étude des menaces transfrontalières au Mali offre un paysage qui rend compte de cette dynamique complexe. Parallèlement, dans le camp adverse, la multiplicitĂ© des intervenants, Etats et organisations,  engagĂ©s sur le champ des opĂ©rations, ajoute une dimension nouvelle Ă  la complexitĂ© de la lutte antiterroriste, au Sahel, qui prend une ampleur internationale sans prĂ©cĂ©dent. Tous ces facteurs rĂ©vèlent le caractère mouvant du dĂ©fi terroriste dans cette rĂ©gion. Il se distingue par des variables très Ă©volutives : le nombre et le type d’acteurs ainsi que le recours Ă  la violence et Ă  la force armĂ©e, avec tout ce que cela engendre de changement dans les rapports de force entre belligĂ©rants ou dans les alliances, dans les tactiques ou dans les modes opĂ©ratoires.


 3-Un nombre grandissant de groupes armĂ©s,  une lecture contrastĂ©e suivant une Ă©chelle de dangerositĂ© variable.

 

 Actuellement, plusieurs bandes ou groupes armĂ©s,  « Djihadistes », rebelles  et autres, rivalisent d’imagination pour tirer profit du conflit malien. Il s’agit d’acteurs multiples, aux mobiles distincts et aux modes d’action diffĂ©rents, qui ne prĂ©sentent pas le mĂŞme intĂ©rĂŞt d’un point de vue criminologique. Cependant, tous exploitent la situation chaotique qui prĂ©vaut dans le nord du pays pour rĂ©sister et se renforcer, pour s’y implanter durablement et, le cas Ă©chĂ©ant, pour Ă©largir leur rayon d’action au-delĂ  du Mali. L’étude de ces groupes sur la base de leur rapport au terrorisme, Ă  l’extrĂ©misme et Ă  la criminalitĂ© transnationale, nous conduit aux remarques suivantes :


a- "Islamistes"  armĂ©s et terroristes au Sahel, des alliances et des pactes dangereux.

 

Six groupes « islamistes » armĂ©s connus s’associent ou cohabitent depuis le dĂ©but de la crise malienne. Sur l’ensemble de ces groupes, quatre au moins prĂ´nent ouvertement le terrorisme « djihadiste » comme idĂ©ologie et le pratique comme mode d’action: AQMI, le groupe Bel Moktar, MUJAO et Bokou Haram. Les deux autres, Ansar Eddine et Ansar Charia, revendiquent « l’application de la Charia » et se sont alliĂ©s depuis leur crĂ©ation avec les prĂ©cĂ©dents dont sont issus plusieurs de leurs membres et de leurs unitĂ©s combattantes. Ils Ă©voluent vers plus de radicalisation, sous l’impulsion des groupes terroristes citĂ©s plus haut et avec leur aide et soutien actifs. Cette alliance ou pacte a toujours prĂ©sentĂ© une source d’inquiĂ©tude pour la Mauritanie. La communautĂ© internationale en a pris conscience et y a rĂ©agi avec force depuis qu’Ansar Dine a prĂ©parĂ© et conduit une forte coalition composĂ©e de l’ensemble des groupes « djihadstes » pour s’emparer de la rĂ©gion de Mopti au centre du Mali. Pourtant, jusqu’à cette date, Ansar Dine a toujours Ă©tĂ© invitĂ©e Ă  la table des nĂ©gociations, et considĂ©rĂ©e par les Etats mĂ©diateurs dans cette crise, comme par le Conseil de SĂ©curitĂ© de l’Onu,  comme un interlocuteur « frĂ©quentable ». Est-ce lĂ  la bonne voie pour dĂ©solidariser ce groupe « islamiste » des mouvances terroristes « djihadistes »?  Certainement pas!

 

b-Faiblesse des mouvements de contestation ou de rébellion laïcs devant les extrémistes « islamistes » et les terroristes.

 

 D’autres groupes, dont un mouvement composĂ© essentiellement de touaregs (MNLA) et un mouvement constituĂ©, lui, d’arabes (MAA), revendiquent l’indĂ©pendance ou l’autonomie de l’Azawad. Ils se disent « laĂŻcs », se dĂ©marquent du terrorisme « djihadiste » et le rejettent. Ils en subissent d’ailleurs lourdement les consĂ©quences, en devenant une cible militaire facile pour les groupes « islamistes » armĂ©s. En particulier, ces derniers ont fait subir au MNLA de sĂ©rieux revers, montrant ainsi que les mouvements de rebellions et de contestations « laĂŻcs » ne font pas le poids devant les extrĂ©mistes « islamistes » et les terroristes.

 

c-Prudence vis-Ă -vis des milices progouvernementales.

 

 Plusieurs autres groupes de miliciens (issus des Ganda-Izo, de Ganda- Koy, des milices arabes et des survivances de l’ArmĂ©e malienne) sont proches de l’Etat malien. Affaiblis actuellement et dĂ©semparĂ©s, ils pourraient se reconstituer Ă  la faveur de la rĂ©organisation des forces armĂ©es maliennes et Ă  la faveur de l’intervention militaire en cours. Cependant, leurs membres ne sont pas clairement identifiĂ©s et ne sont pas Ă  l’abri de dĂ©rives pouvant se traduire par des comportements prĂ©judiciables d’un point de vue sĂ©curitaire, notamment par des exactions contre les populations ou mĂŞme par le passage Ă  l’ennemi. Ces craintes sont d’autant plus justifiĂ©es que ces groupes se constituent souvent sur la base de critères ethniques et qu’un grand flou entoure leur doctrine d’emploi et les motivations rĂ©elles de leurs membres. Toutes ces considĂ©rations constituent une bonne raison pour ĂŞtre prudent vis-Ă -vis de ce type de concept de forces qui ouvre la voix Ă  la multiplication de groupes armĂ©s difficilement contrĂ´lables.


4.La territorialité, un nouveau rapport à l’espace multiplicateur de menaces.

 

Une recomposition des groupes armĂ©s est en train de s’opĂ©rer. Elle est liĂ©e Ă  leur rapport Ă  l’espace, tant dans son acception gĂ©ographique que politique qui changent selon les rapports de force du moment. Profitant de la faiblesse de l’Etat malien et de sa crise institutionnelle qui a paralysĂ© beaucoup les forces de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ©, ces groupes ont rĂ©ussi pendant plusieurs mois Ă  s’installer dans les zones peuplĂ©es et les villes du nord du pays, cherchant Ă  avoir des territoires Ă  eux, Ă  y asseoir leur autoritĂ©, Ă  les dĂ©fendre, Ă  gĂ©rer les populations au quotidien et Ă  s’organiser en consĂ©quence. L’établissement d’un « Emirat » terroriste, est devenu manifestement leur objectif. Force est de constater que ce projet a connu ses dĂ©buts de mise en Ĺ“uvre. Sa rĂ©alisation prĂ©sente une nouvelle forme de menace directe, très grave non seulement pour les pays limitrophes dont la Mauritanie, mais aussi pour la rĂ©gion, et pour les nations Ă©prises de paix, de dĂ©mocratie et de progrès. L’intervention militaire de la communautĂ© internationale, en cours, au cĂ´tĂ© des forces de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© maliennes, vise Ă  l’empĂŞcher. Elle doit faire Ă©chec aux tentatives des terroristes visant Ă  s’approprier ce territoire sahĂ©lien. 


5.De grandes capacités d’adaptation, des stratégies et modes d’action variables selon le rapport de force.

 

L’occupation du nord du Mali a montrĂ© que les bandes terroristes n’hĂ©sitent pas Ă  attaquer de front des forces gouvernementales mal prĂ©parĂ©es au combat pour les chasser et s’emparer des lieux. Une fois implantĂ©es dans les zones peuplĂ©es et les villes, elles s’intègrent aux populations, se confondent avec elles et s’en servent comme boucliers humains. Dès lors, il devient difficile de les dĂ©loger. Et lorsqu’on y arrive, au prix d’énormes sacrifices, humains et matĂ©riels, ces bandes font montre d’une grande capacitĂ© d’adaptation. Leur rĂ©action consiste Ă  Ă©viter le combat frontal dès qu’elles se rendent compte que, comparativement aux forces en face, le rapport de forces leur est nettement dĂ©favorable. À la place, elles font de nouveau recourt Ă  la mobilitĂ© et Ă  la dissĂ©mination comme stratĂ©gie, et aux tactiques et modes d’action terroristes habituels: attentats, prise d’otages, assassinats, infiltrations…Cette stratĂ©gie d’évitement et de dispersion risque de se traduire par des tentatives d’installation et d’activation de « cellules dormantes » dans les pays de la rĂ©gion. En particulier, l’exploitation dans ce but des mouvements de rĂ©fugiĂ©s chassĂ©s par le conflit est Ă  craindre. Avec les dizaines de milliers qu’elle en a hĂ©bergĂ©s, la Mauritanie devra ĂŞtre sur ses  gardes !


6-L’émergence d’autochtones et l’« ethnisation » des groupes djihadistes, synonyme d’un « terrorisme de proximité ».

 

 La prĂ©dominance d’autochtones et de Subsahariens au sein de ces groupes parait ĂŞtre une forte tendance aujourd’hui. Ils constituent le gros des effectifs, mais aussi ils sont de plus en plus nombreux aux postes de commandement, supplantant parfois les chefs issus du GSPC. Certes, beaucoup parmi eux restent au sein d’AQMI, mais ils sont plusieurs Ă  constituer des groupes diffĂ©rents, ou plus ou moins concurrents de celle-ci (MUJAO, Ansar Eddine , Ansar Charia), ou ouvertement ses ennemis ( MNLA, MAA, MIA…).  Cet enracinement local est tel que les groupes s’organisent sur des bases ethniques : touaregs, arabes, peuls, songhaĂŻs… Il en rĂ©sulte une empreinte locale du terrorisme, qui Ă©tait jusque ici perçu par la majoritĂ© des populations comme un phĂ©nomène Ă©tranger introduit et maintenu au Sahel par « des gens venus d’ailleurs ». Il est Ă  craindre que cette « ethnisation », qui touche de plus en plus les groupes et mouvements « djihadistes », rende ces derniers plus proches et plus acceptables aux yeux des autochtones, sachant la soliditĂ© des liens familiaux, tribaux et ethniques dans la rĂ©gion. 


7-Enlèvements+criminalitĂ© transnationale = une rente financière crĂ©atrice d’économie criminelle et de mercenariat.

 

 GĂ©nĂ©ralement, dans le nord du Mali, beaucoup de monde, y compris les groupes armĂ©s non terroristes, se livre Ă  la contrebande, profite autant que faire se peut du narcotrafic. En outre, de forts soupçons pèsent sur certains de ces groupes, quant aux liens avec le rapt. En effet, l’enlèvement est une technique complexe, qui fait appel Ă  des sĂ©ries d’actions qui s’enchainent pour former un cycle: repĂ©rage des cibles, sous-traitance, acheminement des « colis », mĂ©diation pour la libĂ©ration des otages contre payement de rançon, blanchiment et recyclage de l’argent des rançons, prĂ©paration d’une nouvelle opĂ©ration de prise d’otages. Ce cycle donne lieu Ă  un large Ă©ventail de services que l’on peut payer. Rares donc sont les groupes qui n’auraient pas des membres intĂ©ressĂ©s ou ayant participĂ© Ă  une ou plusieurs Ă©tapes du processus d’un enlèvement pour en tirer des avantages financiers. Cependant, c’est aux terroristes « djihadistes » que « l’industrie de l’enlèvement » constitue la source principale de financement, une condition existentielle pour eux, leur première raison d’être aujourd’hui au Sahel. Toutes leurs activitĂ©s s’organisent principalement autour de cette « industrie ». Ils y recrutent et engagent des membres et collaborateurs d’horizons divers, comme des multinationales. Ils l’ont dĂ©veloppĂ©e en faisant recours Ă  la sous-traitance qui s’avère ĂŞtre un « job » très juteux. Sa pratique est appelĂ©e Ă  se dĂ©velopper davantage dans la rĂ©gion, si des mesures ne sont pas prises pour pallier ce risque.  Pour des bandes ou des gens tournĂ©s vers « l’argent facile », cela devrait les inciter Ă  s’y investir. On assistera alors Ă  l’émergence de groupes spĂ©cialisĂ©s dans ce « sale business », en quelque sorte un genre nouveau de sociĂ©tĂ©s militaires privĂ©es criminelles comme celles qui fleurissent en Somalie, en se livrant Ă  la piraterie maritime. Des fournisseurs potentiels de mercenaires !


8.Un déficit de leadership, source potentielle d’anarchie au Sahel.

 

 Les observateurs de la scène sĂ©curitaire relèvent un manque notoire de chefs qui s’imposent par leurs qualitĂ©s de leader, par leur ascendant naturel. Il en rĂ©sulte une multiplicitĂ© des centres de dĂ©cision, un laxisme ou un dysfonctionnement des chaĂ®nes de commandement. Ce dĂ©ficit de leadership touche les diffĂ©rentes catĂ©gories de groupes et frappe tous les acteurs de la crise au Mali. On l’observe au sein de l’Etat, des groupes rebelles de l’Azawad comme au sein des groupes « islamistes » armĂ©s et terroristes. Concernant ces derniers, cela pourrait s’expliquer par les revers subis par le terrorisme sur le plan international. Ce dĂ©faut de leadership est aussi l’une des causes principales des dĂ©mĂ©nagements, des scissions ou « mĂ©tastases », selon l’expression de certains experts, au sein des groupes. C’est dans cet esprit que l’on doit analyser les comportements d’insoumission dans les mouvances « Djihadistes ». Autrement, comment pourrait-on imaginer de grands chefs terroristes de la stature de Bel Moktar,  rejeter  des dĂ©cisions prononcĂ©es par leur hiĂ©rarchie supĂ©rieure !  Il en dĂ©coule par ailleurs que les discours angĂ©liques, l’endoctrinement subi par les membres, finissent par montrer leurs limites, les mobiles personnels (intĂ©rĂŞt matĂ©riel, appartenance ethnique ou tribale, goĂ»t du pouvoir…) se substituant aux motivations idĂ©ologiques. La consĂ©quence de ce « pragmatisme Ă©goĂŻste » est que l’on prĂŞte allĂ©geance Ă  une personne et non Ă  l’institution. Cela est de nature Ă  favoriser une certaine anarchie, Ă  multiplier les bandes armĂ©es et les groupes incontrĂ´lables.

9.Une instabilité des alliances et une multiplication des groupes armés, d’autres aspects de l’incertitude régnante.

Le comportement dĂ©loyal que l’on observe chez les individus, se traduit sur le plan collectif par des changements d’alliances entre groupes. Toutefois, la nĂ©cessitĂ© de faire face Ă  l’intervention Ă©trangère pousse les principaux groupes ciblĂ©s Ă  chercher un terrain d’entente pour coordonner leurs actions face Ă  l’ennemi commun : la coalition constituĂ©e de la France,  de l’Etat malien, de la CDEAO et de leurs alliĂ©s. On a vu des signes des ces alliances conjoncturelles avec les tentatives de fusion ou de rapprochement entre Ansar Dine, Ansar Charia et MUJAO. AQMI les y encourage. Mais l’organisation, connait elle-mĂŞme, ses propres descensions qui sont manifestes depuis la scission de Bel Mokatr et ses hommes. D’ailleurs, il n’est pas exclu que ce dernier opère, de nouveau, des changements d’alliances depuis le revers militaire cuisant qu’il a subi lors de la tentative d’enlèvement avortĂ©e de In Amenas au sud de l’AlgĂ©rie. En tout cas, ses capacitĂ©s d’attirer des alliances ou des adhĂ©sions pourraient en prendre un coup actuellement. Ce qui, au fond, ne devrait pas dĂ©plaire Ă  ses rivaux terroristes, notamment au sein d’AQMI. Car, paradoxalement,  en dĂ©pit des discours rassembleurs affichĂ©s, de « haine de l’Occident et des rĂ©gimes d’apostats », les rapports de force jouent, dans les rapprochements entre factions, un rĂ´le essentiel, parfois plus dĂ©cisif que l’idĂ©ologie declarĂ©e. Et comme ceux-ci sont changeants, les alliances restent Ă©phĂ©mères. Pour l’illustrer davantage, rappelons-nous de l’alliance Ă©tablie entre le MNLA, qui est « laĂŻc », et le mouvement Ansar Dine qui, lui, est « islamiste », pour conduire, tous les deux, la rĂ©bellion  touarègue. Mais, très tĂ´t, grâce au soutien dĂ©terminant des groupes d’AQMI et du MUJAO,  Ansar Dine s’est vite dĂ©barrassĂ© de son alliĂ© « laĂŻc », sans toutefois couper totalement les liens avec lui. Ce maintien de liens aurait-il un rapport avec la scission qu’a connue rĂ©cemment ANSAR Dine et le revirement politique de bon nombre de ses cadres qui ont crĂ©Ă© le MIA (Mouvement Islamiste de l’Azawad) ? L’interrogation nous rappelle les incertitudes qui entourent actuellement les groupes armĂ©s au Mali et leurs « mues » de plus en plus frĂ©quentes frĂ©quentes.

 10.Recyclage du discours « djihadiste », Ă  travers la capitalisation mĂ©diatique des Ă©checs militaires.


Lors de l’opĂ©ration du complexe gazier de Ain Amenas, Moktar Bel Moktar a tentĂ© de donner Ă  l’action un grand Ă©chos mĂ©diatique, en dĂ©pit de son bilan militaire trop lourd pour lui. À cet effet,  il a saisi l’opportunitĂ© de pouvoir diffuser en direct grâce Ă  certains sites et chaĂ®nes tv (France 24, Al Jazeera…) pour diffuser sa propagande mensongère. En effet, en Ă©tablissant un lien de causalitĂ© avec l’opĂ©ration « Serval »,  Bel Lawar a prĂ©sentĂ© son crime comme une rĂ©ponse Ă  « l’agression d’un pays musulman, par les croisĂ©s français qui bĂ©nĂ©ficient du soutien du rĂ©gime d’apostats algĂ©rien». En exposant ses activitĂ©s dĂ©lictueuses, sanguinaires et suicidaires, sous cet angle, « d’acte de bravoure justifiĂ©, motivĂ© et imposĂ© par le devoir de la foi », il vise un double objectif : 1) recycler  le discours de haine de l’Occident ; 2) masquer l’échec militaire cuisant qu’il a subi lors de cette tentative d’enlèvement d’étrangers ; Ă©chec qu’il a voulu compenser par une forte capitalisation mĂ©diatique. C’est Ă©galement ce que vise le MUJAO en revendiquant les attentats suicides et les opĂ©rations d’infiltration Ă  GAO, qui ont pourtant Ă©chouĂ©. C’est dire que dans la doctrine des terroristes, l’action militaire comporte d’abord un objectif politique. Quand ils sont Ă  la dĂ©fensive, ou lorsque leur action capote, l’opĂ©ration est utilisĂ©e pour servir de vecteur au discours idĂ©ologique. Ce n’est pas en termes de bilan de vies humaines qu’ils calculent perte et profit : c’est l’effet mĂ©diatique qui les intĂ©resse. Force est de reconnaitre que ce discours semble toujours porter fruit. C’est en tout en cas ce que laisse comprendre le recrutement de jeunes « candidats au martyr » observĂ©s rĂ©cemment dans le nord du Mali, notamment Ă  GAO et Ă  Kidal.
 

Dispositif national de lutte contre le terrorisme

 

Le concept de dĂ©fense mauritanien inscrit la lutte contre le terrorisme dans le cadre d’une vision globale oĂą les facteurs de sĂ©curitĂ© et ceux du dĂ©veloppement sont Ă©troitement liĂ©s. En ce sens, son dispositif militaire est la traduction d’objectifs gĂ©nĂ©raux qui prennent en compte le caractère global du dĂ©fi sĂ©curitaire, Ă  la fois rĂ©gional et international. Ces objectifs consistent Ă  dĂ©fendre le territoire et la population, Ă  assurer le rayonnement et la contribution de la Mauritanie dans la sĂ©curitĂ© au Sahel, au Maghreb, en Afrique et dans le monde, et Ă  dĂ©fendre les valeurs du pacte moral, politique, Ă©conomique et culturel qui lie les citoyens Ă  l’Etat. Partant de cette grande ambition, l’approche militaire concerne l’ensemble des aspects relevant des fonctions de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© et vise Ă  remplir trois fonctions principales : anticipation, protection et intervention.  Le dispositif mis en place Ă  cet effet peut se dĂ©cliner Ă  travers ses fondements juridiques, les principes directeurs Ă  la base de son Ă©laboration et de sa mise en Ĺ“uvre, ainsi que son articulation et sa place centrale dans l’organisation gĂ©nĂ©rale des moyens de l’Etat.

 

Fondements juridiques 

Ce concept général en matière de lutte contre le terrorisme repose sur des bases juridiques évolutives, mais aussi pérennes. Elles vont des différents textes législatifs et réglementaires organisant les forces de défense et de sécurité, depuis l’indépendance en 1960, jusqu’aux lois et règlements spécialisés les plus récents, en passant par la Constitution de 1991 et ses amendements successifs.
De ce corpus, relativement fourni, on retiendra  trois catĂ©gories, qui forment la base juridique de la dimension militaire:


a-Des textes spécialisés qui constituent, sans doute, les pièces maitresses dans tout l’arsenal antiterroriste: la loi relative à la lutte contre le terrorisme (Loi n° 2010-035 du 21 juillet 2010) et la loi contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (Loi n°2005-048 du 18/07/2005).


b-Des données constitutionnelles au vu desquelles, il découle des fonctions générales assignées aux uns et aux autres que tout le pays est engagé dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale. Il en va des devoirs du Président de la République (art. 24 ; 29 et 34), jusqu’à ceux du simple citoyen (art.18), en passant par ceux du gouvernement (art. 43) et de l’institution parlementaire (art. 57), des partis politiques et des organisations de la société civile (art.11).

c.Des lois organiques permettant de mobiliser et d’engager les forces de défense et de sécurité dans la lutte anti terroriste : la loi de 1960 qui implique les forces armées, en leur confiant les missions « d’assurer la défense du territoire national, le maintien de l’ordre et le respect des lois » ; deux autres lois qui chargent, de manière explicite, la Police (Loi n° 2010-007 du 20/06/10) et le Groupement Général de la Sécurité Routière (Loi n° 2010-032 du 20/07/10), de la lutte anti terroriste.

 

 Principes

 

1. ComplĂ©mentaritĂ© et synergie dans l’action : Comme les menaces liĂ©es au  terrorisme sont transfrontalières, dĂ©stabilisatrices de l’ordre public et ne reconnaissant pas la Loi, la doctrine d’emploi des forces fait fusionner les notions de dĂ©fense nationale et de dĂ©fense du territoire avec celle de sĂ©curitĂ© intĂ©rieure. C’était dĂ©jĂ  l’essence mĂŞme de la loi crĂ©ant les Forces armĂ©e (ArmĂ©e, Gendarmerie, Garde) qui fait fĂ©dĂ©rer entre elles les missions de dĂ©fense du territoire national, de maintien de l’ordre et le respect des lois. Elle permet  d’optimiser l’engagement de l’ensemble des forces de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© pour faire face aux phĂ©nomènes d’insĂ©curitĂ© liĂ©s au terrorisme et la criminalitĂ© transnationale. Contrairement Ă  d’autres pays, grâce Ă  cette loi, la  Mauritanie règle la dĂ©licate question du clivage entre les prĂ©rogatives des militaires et celles des forces de sĂ©curitĂ©, appelĂ©es par ailleurs forces de police.

2.Mobilité, souplesse et modularité : Le caractère mouvant de la menace terroriste qui évolue au voisinage des frontières nord et est du pays, en changeant de lieux, de formes et de volumes en permanence, a conduit à la réorganisation des forces, à les adapter selon les circonstances de manière à leur procurer le maximum d’atouts sur l’ennemi en terme de capacités de déplacement, de souplesse et de modularité. Sur la base de ce principe, de nouvelles unités, de formats variables, (GSI, CSI, Fusiliers…), sont crées, d’autres sont réaménagées et des équipements réalisés : moyens plus légers de transport terrestre, de soutien logistique et d’armement, des moyens aériens de reconnaissance et d’appui au sol… Les moyens de commandement (structures, procédures opérationnelles et liaisons) sont, eux aussi, reformés pour assurer la mise en œuvre des forces de façon souple et rapide, un effort particulier étant mis sur les moyens d’aide à la mobilité (navigation, communication…). Ces principes président au déploiement des forces, notamment pour la surveillance des frontières selon l’évolution des menaces. Ils font que l’axe d’effort est actuellement mis sur la frontière avec le Mali.

3.AgressivitĂ© et motivation : Le point fort du terrorisme « djihadiste » rĂ©side incontestablement dans la grande dĂ©termination de ceux qui s’y livrent et se sacrifient pour sa cause. Pour les combattre efficacement, les unitĂ©s engagĂ©es doivent ĂŞtre dans un Ă©tat d’esprit meilleur ou, au minimum, comparable. Elles doivent avoir un très bon moral pour prendre l’ascendant sur un ennemi aussi motivĂ© et agressif. Des modes d’action aux consĂ©quences psychologiques prĂ©judiciables pour l’ennemi sont Ă  planifier. C’est dans cet esprit que les forces armĂ©es nationales se dĂ©ploient largement le long des frontières en mettant l’effort sur les « zones Ă  risque » et qu’elles mènent Ă  chaque fois que nĂ©cessaire des opĂ©rations prĂ©emptives visant l’ennemi dans ses retranchements et bases de regroupement les plus menaçants. Au delĂ  de l’élimination des menaces imminentes, ces opĂ©rations comportent un message persuasif, susceptible de porter un coup Ă  la dĂ©termination de l’adversaire, de le faire douter et de le dissuader de prendre l’initiative de nous attaquer Ă  l’avenir. Cette capacitĂ© de dissuasion sera d’autant plus crĂ©dible et facile Ă  afficher que des mesures d’incitation seront entreprises pour motiver nos troupes. Toute une stratĂ©gie de moyens est Ă©tablie Ă  cette fin. Elle couvre l’amĂ©lioration des aspects opĂ©rationnels (entrainement, Ă©quipements, organisation…). Comme elle concerne les domaines relatifs aux conditions des militaires de façon gĂ©nĂ©rale (avancements, stages, indemnitĂ©s…) en avantageant les membres des unitĂ©s engagĂ©es dans les zones « Ă  risque ». 


4. InteropĂ©rabilitĂ© et coopĂ©ration : Toutes les composantes des forces de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© participent activement Ă  la lutte antiterroriste en y engageant des moyens importants suivant les spĂ©cificitĂ©s de chacune. Appartenant Ă  des corps distincts (ArmĂ©e, Gendarmerie, Garde, Police, SĂ©curitĂ© Routière…), les acteurs impliquĂ©s dans ce combat prĂ©sentent suffisamment de variĂ©tĂ©s et de diffĂ©rences pour que cela donne lieu Ă  des impĂ©ratifs en matière d’interopĂ©rabilitĂ©. Il s’agit de rechercher une concordance optimum entre toutes ces ressources dissemblables et de les mobiliser efficacement afin d’obtenir l’effet recherchĂ©. Cela concerne notamment les Ă©quipements, les procĂ©dures et les doctrines d’emploi. À une Ă©chelle supranationale, cette interopĂ©rabilitĂ© est d’autant plus nĂ©cessaire que la lutte anti terroriste fait de plus en plus appel Ă  la coopĂ©ration Ă©trangère. Du fait du caractère transnational de cette lutte, les forces de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© nationales accordent en effet une place importante Ă  la coopĂ©ration, tant bilatĂ©rale que multilatĂ©rale.  Les domaines du renseignement, de la formation et du soutien logistique sont les plus concernĂ©s. Sur le plan bilatĂ©ral et rĂ©gional, la planification et la conduite d’opĂ©rations de surveillance et de contrĂ´le des frontières menĂ©es conjointement avec des pays voisins (SĂ©nĂ©gal, Mali…) s’inscrivent dans ce cadre, de mĂŞme que les efforts dĂ©ployĂ©s avec les « pays du champ »  en vue  de mettre au point des outils opĂ©rationnels Ă  vocation sous- rĂ©gionale. Sur ce point, espĂ©rons que les leçons du conflit du Mali donnent une impulsion et une dynamique plus efficaces Ă  la coopĂ©ration militaire interafricaine. Plus largement, sur le plan international, les Forces ArmĂ©es et de SĂ©curitĂ© nationales dĂ©veloppent un partenariat actif dans les domaines de la formation et de l’équipement avec d’autres pays (Etats-Unis, France, Royaume-Uni…) et institutions (Dialogue mĂ©diterranĂ©en, UE, « 5+5 »…). S’agissant du renseignement, le pays adhère aux structures Ă  caractère rĂ©gional comme l’UnitĂ© de Fusion et de Liaison (UFL), le Centre Africain d’Etude er de Recherche sur le Terrorisme (CAERT) qui offrent un cadre de partage et de dĂ©veloppement. À ces possibilitĂ©s en matière de lutte antiterroriste, s’ajoutent les opportunitĂ©s fournies par les organismes onusiens : le ComitĂ© Contre le Terrorisme (CCT), l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC)…

5.Une stratĂ©gie de communication pour rĂ©pondre aux impĂ©ratifs opĂ©rationnels. Comme mentionnĂ© au paragraphe 10 du chapitre prĂ©cĂ©dent, la communication constitue un axe d’effort dans la stratĂ©gie terroriste. Pour eux, tous les moyens sont bons, pourvu qu’ils contribuent Ă  vĂ©hiculer leur message. Les forces armĂ©es rĂ©gulières, elles, sont soumises Ă  l’obligation de rĂ©serve. Cependant, elles savent aujourd’hui que le temps de la « grande muette » est rĂ©volu. Agir efficacement dans ce contexte, dominĂ© par des dĂ©fis asymĂ©triques et par les NTIC, passe par investir le champ de la communication. Cet impĂ©ratif est devenu une constante dans les stratĂ©gies militaires. De leur cĂ´tĂ©, les forces armĂ©es et de sĂ©curitĂ© mauritaniennes s’engagent dans  cette voie. Leur but final est de faire adhĂ©rer les citoyens et les partenaires Ă  la politique de dĂ©fense du pays contre le terrorisme, en les informant sur son organisation et ses rĂ©alisations. Leur approche consiste Ă  informer, tant en interne qu’en externe, en situation de crise ou en temps normal, Ă  sensibiliser et Ă  encadrer les professionnels de la communication et Ă  aider les autres partenaires et acteurs pour la rĂ©alisation de produits communicationnels. Des outils institutionnels spĂ©cialisĂ©s, comme par exemple la DCRP (Direction de la Communication et de la Relations Publiques), sont mobilisĂ©s Ă  cette fin. Ils restent cependant perfectibles, notamment pour amĂ©liorer le rendement et le dĂ©veloppement de liens de confiance et de coopĂ©ration efficaces avec les mĂ©dias privĂ©s et internationaux. 

 

Organisation générale de la défense et de la sécurité

 

L’organisation des moyens de défense et de sécurité découle du caractère présidentiel du système constitutionnel mauritanien. De ce fait, le Président de la République est le chef suprême des Forces Armées, comme le montre l’organigramme ci-dessous.

 


 À ce titre, il supervise la lutte antiterroriste et dispose pour ce faire de moyens opĂ©rationnels composĂ©s des forces de dĂ©fense (ArmĂ©e, Gendarmerie) qui relèvent du Ministre de la DĂ©fense, et des forces de sĂ©curitĂ© (Garde, Police, Groupement pour la SĂ©curitĂ© Routière) qui, elles, dĂ©pendent du Ministre de l’IntĂ©rieur. Comme il a des structures d’aide Ă  la dĂ©cision et de conduite : Etat-major Particulier, Conseil National de SĂ©curitĂ©, Direction de la SĂ©curitĂ© ExtĂ©rieure...
Il oriente l’action du gouvernement en matière de politique de défense et de sécurité.
À ce schĂ©ma de moyens gĂ©nĂ©raux, que fait apparaitre l’organigramme, on doit ajouter les unitĂ©s spĂ©cialisĂ©es, comme les (GSI), Ă©voquĂ©es dans le chapitre prĂ©cĂ©dent, et souligner d’autres dispositions organisationnelles qui dĂ©coulent des principes de souplesse et de modularitĂ© expliquĂ©s dans le mĂŞme chapitre. Celles-ci permettent, par exemple, la mutualisation en cas de besoin des structures et moyens de commandement, d’appui et de soutien : centres de commandement, bataillons logistiques, moyens de la 3ème dimension...


Conclusion


De par sa position géographique, la Mauritanie se trouve exposée aux défis du terrorisme et de la criminalité transnationale qui se développent au Sahel et qui la touchent directement depuis quelques années. Ces menaces connaissent aujourd’hui des développements graves avec la crise qui s’est instaurée au Mali depuis plusieurs mois, et qui connait actuellement des évolutions rapides depuis l’intervention armée d’une coalition formée autour de la France et de la CDEAO. Les risques de débordement de cette situation sur les voisins mettent la région face à d’énormes défis sécuritaires.
Pour y faire face, il se trouve que l’Etat mauritanien a élaboré depuis quatre ans une stratégie globale, évolutive et multidimensionnelle, qu’il continue de développer et d’adapter. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’action des forces de défense et de sécurité. Leur démarche repose sur un concept général fondé sur des bases constitutionnelles et législatives nationales, qui en font aujourd’hui un axe central de la politique générale du pays en matière de défense. Cet axe mobilise d’importantes ressources, suivant des principes d’action et une stratégie de moyens, qui répondent aux impératifs propres à la lutte antiterroriste.
La flexibilitĂ© Ă©tant l’élĂ©ment clĂ© dans le dispositif, celui-ci est appelĂ© Ă  Ă©voluer en permanence.  Sa souplesse permet son adaptation et sa mise en Ĺ“uvre suivant l’évolution du contexte gĂ©ostratĂ©gique et conformĂ©ment aux impĂ©ratifs du moment.

 

Colonel El Boukhary O. Ahmedou O. Mohamed Mouemel                       elbukhary_mm@yahoo.fr
 * PrĂ©sentation  faite lors du Colloque organisĂ© l’ Institut Mauritanien des Etudes StratĂ©giques (IMES) Ă  Nouakchott du 12 au 14 fĂ©vrier 2O13


    
             


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