Courrier/Commission mixte PĂŞche RIM-UE : La Mauritanie consolide ses acquis   
24/02/2013

(Maintien de l’exclusion du poulpe etc.) La Commission Mixte prévue au Protocole de Pêche 2012-2014 signé entre la Mauritanie et l’Union Européenne a terminé ses travaux, après deux jours d’intenses négociations. Convoquée à la demande de l’UE à l’issue de la réunion du 22 janvier passé de la Commission des Pêches du...



..Parlement EuropĂ©en, cette  Commission Mixte qui a siĂ©gĂ© les 19 et 20 courant Ă  Paris, revĂŞtait une importance capitale pour les Armateurs EuropĂ©ens, et particulièrement Espagnols.
Pour la Mauritanie, cette réunion de la Commission Mixte est le cadre qui lui permet de formaliser les acquis du Protocole, tout en créant les conditions garantissant le niveau d’utilisation minimal requis dudit Protocole, ce qu’elle a parfaitement réussi.

 

Contexte et attentes des Armateurs Européens
Les Armateurs EuropĂ©ens attendaient de cette rĂ©union la renĂ©gociation des conditions techniques et financières introduites au nouveau Protocole de PĂŞche car, de leur point de vue,  entre le rĂ©amĂ©nagement des zones de pĂŞche, l’introduction des quotas et  leur impact sur le relèvement du niveau des redevances (progression de 300 Ă  400%), l’exercice de la pĂŞche n’est pas Ă©conomiquement viable. Ceci sans parler de la question centrale pour l’Espagne que reprĂ©sente l’exclusion de la pĂŞche aux cĂ©phalopodes.
Lors de la rĂ©union  du 22 janvier de la Commission des PĂŞches du Parlement EuropĂ©en, la ConfĂ©dĂ©ration Espagnole des PĂŞches (CEPESCA) avait prĂ©sentĂ© un exposĂ© sur l’impact des conditions techniques et financières du nouveau  Protocole: En plus de la baisse attendue des captures de ses navires d’une part (Ă  cause des nouvelles zones de pĂŞche) et de la progression de leurs charges d’exploitation (principalement Ă  cause du relèvement des redevances), CEPESCA faisait par ailleurs Ă©tat d’une perte d’activitĂ©s pour le secteur au niveau des Canaries, estimĂ©e Ă  100 Millions d’Euros et plus de 3.000 emplois. Ces retombĂ©es et emplois sont  essentiellement gĂ©nĂ©rĂ©s par l’activitĂ© des chalutiers pĂ©lagiques industriels (dont Las Palmas est la plateforme logistique), et qui devront dorĂ©navant transborder Ă  Nouadhibou.  De son cĂ´tĂ©,  le PrĂ©sident de l’Association des Armateurs de Marin (Galice) chiffre  Ă  plus de 65 Millions d’Euros et 10.000 emplois directs et indirects, les pertes qu’occasionnera pour le port de Marin l’exclusion des cĂ©phalopodiers des zones de pĂŞche  Mauritaniennes.

Objectifs de la partie Mauritanienne, réaménagements concédés
Pour sa part,  la Mauritanie inscrit les conditions du nouveau Protocole dans une stratĂ©gie visant Ă  garantir la durabilitĂ© de ses ressources, parallèlement Ă  l’optimisation de leurs retombĂ©es Ă©conomiques et sociales directes et indirectes au niveau local, tout en Ă©tant par ailleurs ouverte Ă  ce qui, sans remettre en cause ces objectifs, peut  amĂ©liorer les conditions techniques et Ă©conomiques dans lesquelles exercent ses partenaires.
Ainsi,  sur les diffĂ©rentes demandes introduites par la partie EuropĂ©enne lors de cette Commission Mixte, la Mauritanie n’a accĂ©dĂ© qu’à ce qui n’était pas contradictoire avec ses objectifs prĂ©citĂ©s, et « n’affecte pas les fondamentaux du Protocole » tel que:

a) PĂ©lagiques industriels :
 La principale demande des EuropĂ©ens concerne les zones de pĂŞche, qui se trouvent reculĂ©es Ă  près de 37 Km (20 Milles) des cĂ´tes au titre du nouveau Protocole (2012/2014), au lieu des 24 Km (13 Milles) que fixait l’Accord prĂ©cĂ©dent (2008/2012).
Pour la Mauritanie, le nouveau zonage a pour objectif:  a)  protĂ©ger les Ă©cosystèmes des zones cĂ´tières,  b) rĂ©server exclusivement Ă  la pĂŞche artisanale ou semi artisanale  l’exploitation des pĂ©lagiques cĂ´tiers, compte tenu de l’énorme potentiel de cette pĂŞcherie et du faible niveau d’investissement requis, c) rĂ©soudre le conflit de pĂŞcheries observĂ© par le passĂ© (captures accessoires Ă©levĂ©es de calmars, daurades etc.).
La seule modification qui a été concédée à ce sujet ne porte que sur la portion qui se situe très au Sud, (à partir de la hauteur de Tiguent), où la zone de pêche a été ramenée de 20 à 15 Milles, ce qui la maintient tout de même à une distance plus que respectable de près de 28 Km, au large des écosystèmes des Marais de Toumbos, Delta du Fleuve etc.

b) Crevettiers :
La demande de l’UE a porté sur :
a) La modification du tracé des nouvelles zones de pêche,
b) les prises accessoires,
c) la rĂ©duction de 620 €  Ă  420 € de  la redevance par tonne pĂŞchĂ©e,
d)  le relèvement de 5.000 Ă  7.000 Tonnes du quota total pour cette pĂŞcherie,
e) le nombre de navires pouvant pêcher simultanément entre les 6 et les 8 Milles.
A travers les conditions techniques et financières introduites au nouveau protocole pour cette pĂŞcherie, la Mauritanie visait Ă  : a) rĂ©duire autant que possible l’incidence du conflit de pĂŞcheries existant avec d’autres espèces (cĂ©phalopodes, crabes, poissons dĂ©mersaux etc.),  b) augmenter l’apport financier de cette pĂŞcherie Ă  forte valeur commerciale.
Sur les demandes prĂ©sentĂ©es par la partie EuropĂ©enne, la Mauritanie  en a accĂ©dĂ© Ă  deux, dans les conditions suivantes : 
a) Prises accessoires. La Mauritanie comprend bien que les espèces dites associĂ©es aux crevettes (mĂŞme habitat), rendent impossible la sĂ©lection et capture des seules crevettes par les chaluts. Elle a donc concĂ©dĂ© des prises accessoires de 4% de cĂ©phalopodes (au lieu des 15% autorisĂ©s par  l’accord prĂ©cĂ©dent), 15% de poissons (au lieu des 20% autorisĂ©s par  l’accord prĂ©cĂ©dent) et  majorĂ© de 5%  la prise accessoire autorisĂ©e de crabes, ceux-ci  Ă©tant un produit de la mĂŞme famille commerciale des crustacĂ©s.
b) Nombre des navires simultanément présents entre les limites de 6 et 8 Milles : Le nombre initial de 10 navires a été porté à 12, les autres navires devant rester pendant ce temps à l’ouest de la ligne des 8 Milles.
Quant aux demandes relatives d’une part à la réduction des redevances de pêche et au relèvement du quota prévu, la partie Mauritanienne a souhaité recevoir cette demande par écrit avant de se prononcer.
Pour finir, la Mauritanie a obtenu le prélèvement d’une redevance en nature à hauteur de 2% de prises accessoires de poissons de cette pêcherie, toutes espèces confondues. Cette redevance en nature vient s’ajouter aux 2% de la production des chalutiers pélagiques (chinchards et à défaut sardinelles), destinés à la distribution en faveur des populations nécessiteuses.

c) Merlus :
La demande présentée par l’UE a porté sur le relèvement de 4.000 à 5.000 Tonnes du quota prévu par le protocole.
Notons qu’il s’agit d’une espèce essentiellement du talus continental (éloignée des côtes), de valeur marchande relativement secondaire.
La partie Mauritanienne a souhaité recevoir cette demande par écrit avant de se prononcer.

d) Embarquement des marins Mauritaniens.
La base de calcul des 60% de marins Mauritaniens à embarquer sur les navires pêchant dans le cadre du Protocole de Pêche a été reconfirmée « hors officiers », ce qui était déjà précisé au Protocole, est conforme à l’usage et ne change rien à ce nouvel acquis, notamment et surtout sur la flotte pélagique, principal pourvoyeur d’emplois.

 Enfin, la Commission Mixte a demandĂ© Ă  la Mauritanie de convoquer le ComitĂ© Scientifique Conjoint aux fins de faire un Ă©tat des lieux de la ressource cĂ©phalopodière  et plus gĂ©nĂ©ralement de l’ensemble des stocks.
A ce sujet des céphalopodes il faut signaler que, contrairement à ce qui a pu être dit ou compris, la Commission Mixte n’a en aucun cas ouvert la pêche aux poulpes, ni introduit une quelconque « pêche expérimentale » aux poulpes ni à d’autres espèces. La Commission a tout simplement demandé au Comité Scientifique Conjoint, de lui présenter un « protocole expérimental », une démarche donc pour simplifier, permettant d’analyser l’efficacité des mesures techniques de conservation du poulpe (Point n°1 de l’Annexe 2 du PV de la Commission Mixte des 19 et 20/02/2013).

Questions en suspens et suite attendue.
 Tel que nous le disions plus haut, la Mauritanie a rĂ©ussi Ă  maintenir intacts tous les acquis de ce nouveau Protocole, tout en se prĂ©munissant autant que possible contre le risque de sa dĂ©nonciation ultĂ©rieure pour utilisation insuffisante, tel que le souhaitait l’Espagne, qui a un sĂ©rieux problème avec ses cĂ©phalopodiers et dont la question n’est toujours pas rĂ©glĂ©e. 
La  Mauritanie a rĂ©ussi cela grâce Ă  sa situation financière et au niveau de ses rĂ©serves en devises, situation que la DĂ©lĂ©gation du MPEM en charge des nĂ©gociations dirigĂ©e par Monsieur Cheikh Ould Baya,  avait mise Ă  profit pour  prendre le temps nĂ©cessaire pour nĂ©gocier efficacement
(15 mois), et anticiper les concessions possibles lors de négociations ultérieures, comme celle qui viennent de se terminer. La Délégation mauritanienne s’était préparée à cela en se ménageant, dès le départ, de confortables marges de manœuvre (systématisation du recul des zones de pêche, suppression simple ou réduction drastique de certaines prises accessoires etc.).
Quant Ă  la question de l’approbation dĂ©finitive du Protocole de PĂŞche par le Parlement EuropĂ©en, celle-ci semble plus que jamais acquise, Ă©tant entendu que l’Espagne pourra difficilement entrainer l’UE dans une voie qui  imposerait une renĂ©gociation totale du Protocole.
En effet, la plénière du Parlement Européen n’amende pas le Protocole. Ou elle l’approuve tel quel, ou elle le rejette totalement. Aussi, en cas de rejet, il faudra reprendre la négociation d’un nouveau protocole à partir de zéro, ce que pourra aborder la Mauritanie sans hâte, tandis que toute la flotte Européenne concernée par ce Protocole (une centaine de navires) demeurera à l’arrêt et subventionnée, étant donné la quasi inexistence de zones de pêches alternatives concurrentielles.

Samouri Ould Ahmed Yehdhih


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