La fin du Ribat (IV eme partie) : Le déclin des Mourabitounes    
07/03/2007

Les Rois de Marrakech, issus de la lignée de Youssef ben Tachfine (1087- 1106) ont assez tôt, profité des dissensions, qui avaient conduit à l’éclatement de l’entité Almoravide du sud, pour désigner des gouverneurs pour gérer l’anarchie en gestation. C’est du moins ce qui résulte de l’examen d’une fatwa de l’illustre Averroès qui indique que des biens publics comprenaient les présents donnés Ã  l’Emir des musulmans, Nasser Dine .



Outre cette appellation qui correspond au titre des princes almoravides du Nord., la fatwa, rédigée sous le règne de Ali ben Youssef (1102- 1142) évoque expressément la désignation d’un émir Â« nommé par le commandeur des musulmans lui même» et qui est «chargé du Sahara et des tribus qui y résident». Ceci implique une certaine soumission, il est vrai provisoire, du territoire au gouvernement Almoravide de Marrakech et à l’encadrement idéologique de celui-ci.
On sait par Mohamed Mbarec Al Lemtouny que les descendants de Youssef ben Tachfine ont dirigé le Sahara de la même manière décrite par la fatwa précitée mais il se peut que les descendants dont parle cet auteur soient ceux des tachfinites qui, en compagnie des Lemtouna et des Messouffa, ont replié vers le Touat Algérien après avoir été vaincus par les Almohades.
Ces derniers avaient porté des coups mortels aux Almoravides aussi bien à Telmeçan qu’à Wahrân (Oran) et ont provoqué dans les rangs de ceux-ci grand effroi qui les a conduit à choisir entre la soumission et la fuite.
Parmi les fuyants du désastre, le premier fut Abdullah Ben Wenki qui s’est dirigé vers l’extrême Maghreb suivi par le Cheikh Anejmar (terme qui veut dire chasseur) qui est allé au Sahara où il fonda, probablement, An Njamra qui porte son nom.
Il semble, en effet, que ce cheikh a été le fondateur du groupement connu sous l’appellation An Njamra au sein de la confédération des Tendgha, affiliée à l’ensemble des Lemtouna du Sahara, qui s’est constituée après la chute de l’Etat nordique des Almoravides.
Il convient de rappeler que le blocus de Marrakech avait débuté en juin 1146 et que les Almoravides ont essayé de résister avec une armée estimée à 5500 soldats mais les Almohades ont réussi par l’effet de surprise consécutif à une attaque à l’Aube ( Tayhatou Al fajri) à anéantir les résistants. Les renforts des Lamta qui sont venus au secours des assiégés ont échoué et ont été, eux même, écrasés par les assaillants. Le siége de Marrakech qui a duré neuf mois a été d’une horreur indescriptible.
Coincés dans la ville avec les nombreux réfugiés qui ont fui la dévastation almohade, ils ont été décimés par la faim qui a fait des milliers des victimes, les rescapés ont été torturés, emprisonnés, pillés par les vainqueurs qui ont fini par proclamé une amnistie générale au profit des squelettiques survivants après qu’ils aient remis leurs armes et accepté, ultime humiliation, que leurs femmes soient vendues comme servantes ( jawari.).
Les principaux chefs almoravides, ou sultans selon la terminologie almohade, ont été condamnés à mort et rapidement exécutés. Quelques uns, parmi eux, ont réussi à s’en fuir.
Cet effondrement tragique de l’Etat Almoravide du Nord à provoqué une immigration des rescapés Lemtouna et Messoufa vers le sud pour Ã©chapper aux atrocités des Almohades et pour se réfugier au prés de leurs parents du Sud.
Sur le chemin du retour forcé, ils se sont installés au Touat algérien dont les chroniques évoquent les premiers arrivants Lemtouna qui édifièrent le château dénommé Tilout lequel fut «le premier palais qui a été construit dans ces lieux».
Il s’agissait, notamment, disaient les chroniqueurs des «descendants du Roi Youssef ben Tejfent (en arabe Tachfin) dont l’Etat a été a été défait aussi bien à Marrakech qu’en Andalousie». Ces descendants ainsi que leurs compagnons d’infortune avaient, donc, pris la fuite jusqu’aux contrées désertiques du Touat.
Au cours de cette période, il semble que la sécheresse qui frappait la région était de nature à rassurer les réfugiés qui se sont convaincus que les conditions hostiles à la vie étaient, à elles seules suffisantes, pour décourager une éventuelle poursuite de leurs redoutables adversaires.
C’est dans ce rude environnement que les nouveaux arrivants ont déclenché, comme pour exorciser le malheur qui les a frappés, une gigantesque entreprise de colonisation laquelle s’est matérialisée par l’édification des maisons, le forage des puits ainsi que par la mise en place des autres infrastructures.
Les chroniques citent, également, les Tajakanet, qui sont arrivés au Touat après la chute de l’Etat Almoravide et qui ont, vécu dans des habitats précaires, sans doute, en raison des circonstances exceptionnelles qui ont étés évoquées dans les récits relatifs à la dite période.
A ce sujet, l’officier interprète Martin rapporte, dans son livre «les oasis sahariennes» qu’au XIII eme siècle, les Tajakanet razziaient dans la région du Touat algérien.
Les Tajakanet ont, semble-t-il, passé 70 ans dans cette région avant de se diriger plus au sud vers les confins de l’actuel Adrar mauritanien dans lequel ils ont fondé la célèbre et mystérieuse cité de Tinigui.

Hama hou Allah Ould Salem, Professeur à l’Université de Nouakchott, lauréat du prix Chinghuit 2006.

(A suivre)


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