Situation au Sahel : Ahmedou Ould Abdellah exprime sa vive inquiĂ©tude   
10/05/2012

"La situation au Mali et son impact sur le Sahel" a été le thème d’une présentation faite l’après-midi du 8 mai à Nouakchott par l’ancien haut fonctionnaire international M. Ahmedou Ould Abdellah, président du Centre des Stratégies pour la Sécurité...



...du Sahara Sahel «Centre 4s», devant un parterre de diplomates occidentaux et africains accrĂ©ditĂ©s en Mauritanie, des chercheurs, des journalistes et des ressortissants du Nord-Mali (Arabes et Touaregs) .
M. Ould Abdellah a fait part de sa vive inquiĂ©tude par rapport Ă  la situation au Mali dans son ensemble, Ă  la fois, au Nord, dominĂ© par les radicaux islamistes Aqmi/Ansar Edine/Mujao/ Boko haram, et au Sud, oĂą, la situation est plus explosive, notamment avec une armĂ©e (comprenant 60 gĂ©nĂ©raux) divisĂ©e sur des clivages Officiers supĂ©rieurs/Sous officiers et de corps d’armĂ©e: BĂ©rets verts/BĂ©rets rouges.
Un contexte favotarable, a -t-il dit, aux seigneurs de guerre qui Ă©taient au chĂ´mage depuis la fin des conflits de Sierra Leone et du Liberia et qui pourraient reprendre du service au Mali, oĂą la junte au pouvoir assimilĂ©e par certains Ă  une milice du fait qu’elle ne contrĂ´le rĂ©ellement que le camp de Kati et qu’elle prĂ©sente des difficultĂ©s classiques,  liĂ©es Ă  l’inexpĂ©rience et l’arrogance.

Le vide et l’incertitude qui planent sur Bamako -a-t-il ajoutĂ©- sont favorables aux barons de la drogue et aident les radicaux islamistes Ă  s’installer, Ă  se poser en alternative et Ă  envoyer des cellules dormantes vers des destinations, desquelles, le SĂ©nĂ©gal et la CĂ´te d’ivoire, pourraient ne pas ĂŞtre exclues, probablement, pas pour toucher des cibles nationales, mais pour viser, celles, Ă©trangères.

Ould Abdellah, plutôt à l’aise dans les sujets stratégiques, a également souligné le danger de l’intervention extérieure, en ce sens, qu’elle ne manquera pas, dit-il, d’attirer des combattants radicaux extérieurs qui viendront prêter main forte à leurs amis radicaux au Nord-Mali.

La crise malienne est Ă©galement une tragĂ©die humanitaire a dit Ould Abdellah, prĂ©cisant qu’elle a affectĂ© 320.000 personnes dont 180. 000 refugiĂ©s dans les pays du voisinage du Mali, mettant en exergue l’insĂ©curitĂ© et la prĂ©caritĂ© de leurs conditions et soulignant qu’au stade actuel, ces refugiĂ©s ne posent pas encore des problèmes sĂ©curitaires dans les pays d’accueil, mĂŞme si habituellement les mouvements rebelles infiltrent les refugiĂ©s.

Il s’est demandĂ© ensuite, si les pays du Sahel resteront unis, ou, s’il y aura un effet de contagion, comme au Soudan
Le conférencier a indiqué que la crise actuelle exerce une distraction sur les autorités qui accordent maintenant plus d’attention à la sécurité au détriment du développement et qu’elle décourage les investisseurs, laissant le champ libre uniquement, à l’humanitaire.

Il a également évoqué la possibilité de tension dans les relations ente les Etats du Nord et ceux du Sud du Sahara qui s’est manifestée lors de la dernière réunion de la CEDEAO tenue à Dakar, quand la question de savoir qui donnait l’essence aux jihadistes avait été posée.
Abordant les rĂ©ponses adaptĂ©es Ă  la crise malienne M. Ould Abdellah qui a soulignĂ© que d’aucuns disent que le putsch du 22 mars a consacrĂ© le retour des partisans de l’ex-prĂ©sident Moussa TraorĂ©, a appelĂ© Ă  la contenir, en Ă©vitant qu’elle s’enracine et appelĂ© Ă  se prĂ©munir de la contagion, rappelant que les crises commencent , toujours, par ĂŞtre nationales.

 Au niveau du Mali, M. Ould Abdellah a appelĂ© Ă  tout faire pour s’assurer du respect des populations avec plus de modestie, de gestion rationnelle des ressources, Ă  cesser de cultiver le clivage : petit peuple/Ă©lite urbaine, Ă  impliquer la sociĂ©tĂ© civile, Ă  inclure les responsables du Nord dans le gouvernement malien actuel qui n’en compte aucun, consacrant ainsi, la division du pays et enfin, Ă  rĂ©unifier l’armĂ©e malienne sur les principes de citoyennetĂ© et de tolĂ©rance.
Selon Ould Abdellah, des pays comme l’Algérie, la Mauritanie, le Niger, la France, les USA ainsi que l’Union Européenne (UE) peuvent aider à résoudre la crise malienne qui est une conséquence de la crise libyenne.

Il a appelé les libyens de l’extérieur et ceux de l’intérieur, à s’entendre pour l’instauration de la paix au Mali ,laquelle, ne pourra avoir lieu sans la stabilité en Libye. M. Ould Abdellah a aussi appelé la Libye à verser des compensations aux sahéliens.
Plusieurs interventions ont suivi cet exposĂ©. La première, de Hachim Ould Sidi Mohamed un arabe du Mali , membre du « Centre 4s Â» a Ă©tĂ© relative Ă  l’absence de l’Etat malien au Sud et la substitution des radicaux islamistes Ă  celui-ci au Nord, lesquels, ont commencĂ© Ă  faire de l’humanitaire en pillant les entrepĂ´ts (PAM, CICR) pour les distribuer et Ă  recruter dans certaines communautĂ©s notamment les songhaĂŻs .
Puis,  celle de M. Hama Ag Sid’Ahmed, un reprĂ©sentant du MNLA (venu Ă  titre personnel) qui a indiquĂ© que la situation qui prĂ©vaut au Mali est le rĂ©sultat de 12 annĂ©es de complaisance et de laxisme, durant lesquelles, la communautĂ© internationale et la CEDEAO Ă©taient restĂ©es sourdes.

Il a indiquĂ© que le MNLA cherche l’autonomie ou l’indĂ©pendance et qu’il n’a ni les moyens, ni l’objectif de lutter contre Aqmi. M. Ag Sid Ahmed  a expliquĂ© que le putsch  du 22 mars est plutĂ´t la consĂ©quence de la mauvaise prĂ©paration de la prĂ©sidentielle qui devait ĂŞtre organisĂ©e en Avril 2012, au Mali.
Puis M. Souleymane Cissé Ambassadeur du Mali en Mauritanie qui tout en soulignant que le gouvernement intérimaire se renforce à Bamako, a indiqué que le Mali est dans une situation difficile. «Nous sommes même à terre!» a-t-il dit.

M. CissĂ© a rĂ©futĂ© toute adhĂ©sion populaire au putsch du 22 mars soulevĂ©e dans l’exposĂ© du confĂ©rencier,  indiquant que le putsch a Ă©tĂ© soutenu seulement par 15 dĂ©putĂ©s sur les 147 que compte le parlement malien, et que tous les grands partis du Mali se sont retrouvĂ©s dans un front anti-putsch .

M. CissĂ© a dĂ©clarĂ© ĂŞtre choquĂ© par l’attitude du MNLA qui a dĂ©clenchĂ© -selon lui- la catastrophe et qui doit en ĂŞtre tenu pour responsable, car, il a crĂ©Ă© une situation qui a permis Ă  d’autre forces de s’incruster; prĂ©cisant que le MNLA est minoritaire et que le Mali est prĂŞt Ă  tout sauf Ă  l’idĂ©e d’indĂ©pendance du Nord. M. CissĂ© a enfin prĂ©conisĂ© le soutien effectif de la communautĂ© internationale au nouveau gouvernement constitutionnel du Mali .

RĂ©agissant aux propos de M. CissĂ©, le reprĂ©sentant du MNLA a affirmĂ© que les autoritĂ©s maliennes nient, depuis 1963, l’existence d’un problème au Nord, qu’Aqmi est au Nord du Mali depuis 12 ans et que c’est bien le MNLA , prĂ©sentĂ© comme minoritaire, qui a fait partir l’armĂ©e malienne de l’Azawad. M. Ag Sid’Ahmed a ajoutĂ© et qu’il y a toujours eu,  un simulacre d’institutions au Mali, une corruption gĂ©nĂ©ralisĂ©e et que dans la situation actuelle, il n y a pas eu de dissolution de la junte du CNRDRE et que le prĂ©sident intĂ©rimaire est sans pouvoir.
«La faillite du système n’est le fait ni du MNLA et encore moins du putsch», a-t-il conclu.
M. Hachim est intervenu après cet Ă©change pour dire que le vrai problème c’est le Sud et le retour Ă  l’ordre constitutionnel, mettant en garde contre les risques que prĂ©sentent aujourd’hui les radicaux islamistes, qui sont passĂ©s de la sanctuarisation Ă  l’urbanisation.
M Hachim a appelé à une répartition des rôles en confiant à la CEDEAO la mission du retour à l’ordre constitutionnel et aux "Pays du champ" (CEMOC) celui de dégager les radicaux islamistes qui ont occupé le Nord-Mali
Intervenant Ă  son tour, Me Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Saleh a relevĂ© la triple dimension de la crise malienne : une crise d’autoritĂ© consĂ©cutive au putsch, d’unitĂ© nationale et une troisième, liĂ©e Ă  la prĂ©sence de rĂ©seaux terroristes.

La confĂ©rence s’est terminĂ©e par un deuxième Ă©change assez rĂ©vĂ©lateur entre l’Ambassadeur du Mali et le reprĂ©sentant du MNLA quand ce dernier a soulignĂ© l’absence d’un quelconque reprĂ©sentant des populations du Nord dans le gouvernent malien, la chasse Ă  l’homme faite aux originaires de la minoritĂ© du Nord Ă  Bamako et leur insĂ©curitĂ©, l’Ambassadeur du Mali a rĂ©agi: Â« Vous avez Ă©tĂ© prĂ©fet, gouverneur, ministre, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral. PrĂ©sentement, le haut conseil des collectivitĂ©s (Ă©quivalent du SĂ©nat ) et le deuxième vice-prĂ©sident de l’assemblĂ©e nationale sont Touaregs». «C’est peu...», a rĂ©agi, dans le tumulte, une voix non identifiĂ©e.
La conférence et les échanges se sont déroulés à l’hôtel El Khater en présence d’Ambassadeurs occidentaux accrédités en Mauritanie dont, l’Ambassadrice des USA, l’Ambassadeur de France, l’Ambassadeur délégué de l’UE, la représentante résidante du PNUD, et les Ambassadeurs d’Espagne, de Turquie, du Mali, ainsi que des représentants du MNLA, de la communauté arabe du Mali, et des chercheurs et journalistes.
Isselmou Ould Moustapha

 


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