Question haratine: A qui donc profite le tapage?   
15/03/2010

Depuis quelque temps, et plus exactement dans la foulée du coup d’Etat du 6 août 2008, des voix se lèvent, ça et là, pour souffler sur les clivages qui traversent la société mauritanienne en général et sur la question harratine en particulier, tirant sans ménagement sur la corde très sensible...



...de l’équilibre ethno racial de notre peuple dont la diversitĂ©, jusque-lĂ  source de force et ciment d’unitĂ©, se trouve utilisĂ©e pour allumer des dissensions et fomenter des conflits intestins. Le discours que tiennent ces pyromanes des pĂ©riodes d’exception est, Ă  mon avis, d’une facture si triviale, que je me suis toujours abstenu de m’en Ă©mouvoir outre mesure ; et jamais l’idĂ©e de prendre la plume pour porter la contradiction Ă  ses Ă©nonciateurs ne m’aurait effleurĂ© l’esprit, si de grandes personnalitĂ©s politiques, technocratiques et des leaders syndicaux pour lesquels je nourris respect et admiration, n’étaient pas montĂ©s au crĂ©neau pour aborder le sujet. 

En lisant certaines interviews et tribunes parues récemment dans la presse et la panoplie d’articles que déverse le Net sur la question, l’appel du devoir a été plus fort sur moi que l’appréhension de mêler ma voix à la cacophonie ambiante, au risque de paraître animé, comme certains, par l’opportunisme politicien très prenant dans des périodes comme celle que traverse aujourd’hui la Mauritanie. Mais qu’il me soit concédé que cette modeste contribution ne vise ni à soutenir une thèse contre une autre, ni même à proposer une voie idoine pour temporiser le débat et apaiser les joutes.
. Dans une logique qui se nourrit de mon profond amour pour ce pays et de la conviction qui est la mienne que notre avenir tous se trouve bien dans la recherche de ce qui nous sert ensemble et nulle part ailleurs. Il s’agira seulement pour moi d’essayer de trouver une rĂ©ponse Ă  la question suivante : Mais qui a donc intĂ©rĂŞt Ă  jeter, ces jours-ci, les Bidan contre les harratines ? Les harratines eux mĂŞme, le pouvoir en place ou l’opposition actuelle ?

Les harratines ?
En tant que couche sociale, les maures harratines ont-ils aujourd’hui intĂ©rĂŞt Ă  s’engager dans une confrontation avec les maures Bidan avec lesquels ils constituent, en rĂ©alitĂ©, une mĂŞme ethnie et une mĂŞme culture, Ă  telle enseigne qu’il ne sera pas Ă©vident, si les choses en arrivaient Ă  ce stade, de tracer une ligne de dĂ©marcation parfaite entre ceux d’un camp et ceux de l’autre ?
A coup sĂ»r non !
Quel profit peut espĂ©rer cette communautĂ© d’une guerre civile ou d’une quelconque autre forme de rivalitĂ© Ă©pousant de tels contours ?
En tournant et retournant les choses dans tous les sens, aucun !
Plus « trivialement Â» encore, quelle issue attendre de la « nĂ©gritude Â» des harratines au nom de laquelle on veut les sĂ©parer des maures Bidan insensĂ© ment appelĂ© « arabo-berbères Â» ?
Je n’en vois pas !
Et d’ailleurs quelle vĂ©ritĂ© historique a-t-elle, cette thèse, sachant que ceux qu’on appelle « harratines Â» ne sont pas tous des fils d’anciens esclaves, ne sont pas tous noirs et, mieux encore, ne sont pas tous nĂ©gro-africains de naissance ?
Certes la sociĂ©tĂ© mauritanienne a connu malheureusement l’esclavage mais des progrès notoires ont Ă©tĂ© enregistres dans son Ă©radication grâce au combat d une Ă©lite qui a très tĂ´t porte le flambeau de la libĂ©ration et de l’émancipation de cette frange qui d ailleurs n a jamais Ă©pouse de telles thèses contrairement a ce que des personnes tentent aujourd’hui d’insinuer. Donc, est-ce un revirement ? Certainement pas.
L’engagement du FNDD dans toutes ses dimensions partisane, ethnique, rĂ©gionale et tribale derrière la candidature du leader historique des harratines MESSOUD O / BOULKHEIR est une donne importante dans le traitement de la question harratine et qui ne mĂ©rite pas une pareille rĂ©ponse en particulier un tel discours.
Non, non les harratines n’ont, Ă  coup sĂ»r, aucun intĂ©rĂŞt Ă  poser la question harratine sous cet angle.

Le pouvoir actuel ?
On peut envisager l’hypothèse que le pouvoir actuel, sacrifiant Ă  la vieille thèse machiavĂ©lique de « diviser pour rĂ©gner Â», puisse espĂ©rer quelque bĂ©nĂ©fice Ă  « occuper Â» les mauritaniens, la majoritĂ© maure en particulier, par des clivages intestins de nature Ă  affaiblir les deux segments de l’opposition rassemblĂ©s, schĂ©matiquement, autour d’Ahmed Ould Daddah (les maures bidhans) et de Messaoud Ould Boulkheir (les maures haratines). Sachant le niveau de rĂ©flexion de certains « stratèges Â» embusquĂ©s dans le pouvoir actuel, on peut se laisser croire Ă  l’existence d’un tel scĂ©nario, nonobstant son absurde faussetĂ©. Mais mĂŞme, en supposant qu’il puisse exister des dĂ©mons autour de Aziz pour penser ainsi, quel intĂ©rĂŞt le Chef de l’Etat et son rĂ©gime ont-ils Ă  dĂ©stabiliser si dangereusement un pays qu’ils veulent gouverner ? Aucun, Ă  ce que je sache ! Quels moyens ont-ils pour faire face Ă  l’effet boule de neige que peut avoir un tel scĂ©nario de « diversion Â» politicienne ? Aucun, non plus ! Le pouvoir ne peut tirer aucun rĂ©sultat politique de la fomentation d’un conflit au sein de la majoritĂ© ethnoculturelle du pays ! Aucun !

L’opposition ?
On peut, enfin, accuser l’opposition d’être l’instigatrice de ce « radicalisme harratine Â» et d’en faire tactiquement feu pour dĂ©stabiliser le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz qu’elle combat. Souffler sur les foyers de tension sociale, encourager la multiplication des revendications de toute nature et ouvrir davantage de fronts hostiles aux gouvernants… ; c’est de bonne guerre en politique, peut-on ĂŞtre tentĂ© d’arguer. Mais nous buterons toujours sur les mĂŞmes questions : quels bĂ©nĂ©fices, in fine, l’opposition peut-elle espĂ©rer d’une guerre civile, quels qu’en soient par ailleurs les contours ? Aucun ! Et quels remèdes croit-elle pouvoir apporter, une fois aux commandes du pays, Ă  une telle catastrophe ? On n’en voit pas !
Est-ce que d ailleurs toute cette campagne n’est pas orientĂ©e contre Messoud lui mĂŞme en tant que leader et que dirigeant du front anti putsch et de l’opposition dĂ©mocratique après.
C est donc sĂ»r l’opposition n’a aucun intĂ©rĂŞt dans une telle dĂ©marche.

Finalement, ni les harratines, ni le pouvoir, ni l’opposition n’ont d’intĂ©rĂŞt Ă  « rĂ©activer Â» la question harratine sur le registre aujourd’hui entretenu par certain discours d’orfraie qui se nourrit d’amalgame et de manipulation de l’histoire. Mais Ă  qui donc profite tout ce tapage ? Les mauritaniens ont grand intĂ©rĂŞt Ă  poursuivre l’investigation pour dĂ©busquer la ou les force(s) qui cherchent Ă  jeter une partie de leur peuple contre une autre, de si belliciste manière ! 

 

SIDI OULD BILAL
PROFESSEUR

 

Les opinions et avis exprimĂ©s dans ce courrier n’engagent pas nĂ©cessairement   TAHALIL. Ils engagent  leur(s) auteur(s).


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