Plus que les complots sophistiqués, c’est le "loup solitaire" islamiste, agissant seul contre des cibles peu défendues, qui représente actuellement la menace la plus difficile à contrecarrer pour les polices occidentales, préviennent des experts.
Car si un individu isolé a évidemment peu de chances de réussir un attentat de la magnitude de celui du 11 septembre 2001, sa discrétion et son isolement le rendent pratiquement indétectable avant le jour où il passe à l’action, ajoutent-ils. "La menace constituée par le loup solitaire, agissant depuis l’intérieur, est le problème le plus grave pour les forces de l’ordre," a déclaré Juan Zarate, ancien membre de l’équipe antiterroriste de l’administration Bush, devant une commission du Sénat américain après la récente tuerie de Fort Hood au Texas dans laquelle un militaire seul a tué 13 autres soldats.
"Plus un terroriste interagit avec d’autres, communique, manifeste ses intentions et ses capacités, plus le complot a de chances d’être découvert", a-t-il ajouté.
Marc Sageman, ancien agent de la CIA en Afghanistan et spécialiste reconnu des réseaux jihadistes, a recensé 33 complots islamistes en Occident au cours des cinq dernières années. Parmi eux, six ont pu être attribués directement à Al Qaïda, deux à des organisations affiliées à celle d’Oussama ben Laden.
Mais 25 furent des "complots autonomes, menés par des acteurs locaux, sans aucune connexion avec une organisation terroriste transnationale".
C’est toute la différence entre Rany Arnaud, jeune français converti à l’islam arrêté en décembre 2008 et soupçonné d’avoir envisagé un attentat contre le siège de la Direction centrale du renseignement intérieur près de Paris, et les attentats ou tentatives à Londres en juillet 2005, dont les liens des auteurs avec "Al Qaïda Central" sont avérés.
"Nous sommes passés de l’infiltration de terroristes entraînés, contre lesquels un contrôle aux frontières et des enquêtes de police peuvent être efficaces, à des terroristes qui s’auto-endoctrinent et s’auto-financent", explique à l’AFP M. Sageman, auteur du livre "Leaderless Jihad" ("Le jihad sans chef").
Pour lui, même si l’enquête ne fait que débuter, le commandant américain Nidal Hasan, auteur de l’attaque de Fort Hood, est bien un terroriste islamiste solitaire, qui était en contact avec l’imam yéménite radical Al-Aulaqui.
Une enquête interne a d’ailleurs été lancée pour savoir si l’armée avait raté des signes avant-coureurs. Face à ce type de menace, le FBI a créé cette année la "Lone Offender Task Force" ("Force spéciale contre les criminels agissant seuls"). Son chef, Robert Mueller, a dit son inquiétude face aux "loups solitaires (...) n’ayant aucun lien avec un groupe à l’étranger".
Prédicateurs radicaux et autres théoriciens du jihad international disposent en effet avec internet "d’un outil puissant, leur donnant un accès facile à un univers virtuel interactif où ils peuvent mobiliser des personnes instables et vulnérables et les inciter à commettre des actes violents", souligne l’expert américain Evan Kohlmann.
"Et comme le message atteint des individus partout dans le monde, ces attaques semblent provenir au hasard d’auteurs inattendus, comme des livreurs de pizzas ou même un psychiatre de l’armée américaine".
Selon Dominique Thomas, spécialiste de l’islamisme radical à l’Ecole des hautes études en science sociale (EHESS), dans le cas du commandant Hasan, "il y avait la matière première, c’est-à -dire de la frustration et du ressentiment, confortée par des idées trouvées sur internet et l’étincelle a pu être apportée par l’ordre qu’il avait reçu de se préparer à partir pour l’Afghanistan".
"Son geste a été salué sur les réseaux et dans la mouvance jihadiste comme un authentique fait de jihad", ajoute-t-il.
Michel MOUTOT (Afp)
|
