Saleh Ould Hannena :« Le peuple mauritanien est capable de pardonner… »   
13/06/2006

Entré dans l’histoire de son pays en bien ou en mal, (c’est selon), l’ex-Commandant Saleh Ould Hannena, aujourd’hui président du parti HATEM, était jusqu’au 3 août , condamné à vivre le restant de ses jours, en prison. C’est en février 2005 qu’il fut condamné à la réclusion à perpétuité, suite à l’organisation de trois tentatives de putsch dont l’une, celle du 8 juin 2003, a été sanglante. Mais le destin en a voulu autrement. .



 Amnistié avec ses amis en septembre 2005 à la faveur du changement intervenu dans notre pays, il est tiré de l’inconfort d’une cellule à Ouad Naga. Ould Hannena s’est lancé depuis dans l’action politique et a fondé HATEM. L’action politique vient ainsi couronner l’action militaire même s’il s’agit de modes d’actions différents. Pour la première, des moyens militaires et une dose de courage sont nécessaires. Le courage reste fondamental dans la seconde mais à lui seul, il ne suffit pas. Dans cette interview que Ould Hannena nous a accordée, nous avons voulu en savoir plus sur l’homme. Entretien

 

Tahalil Hebdo: Le HATEM est-il le parti des «cavaliers du changement», celui du changement tout court, ou un parti de plus sur la quarantaine de partis politiques mauritaniens, autrement dit, qu’apporte le HATEM à une scène politique aussi émiettée?
Saleh Ould Hannena:
Je voudrais d’abord remercier le journal «Tahalil Hebdo» et son équipe pour leur participation pertinente à l’éclairage de l’opinion publique nationale et le traitement réservé aux différentes questions nationales constituant un centre d’intérêt.

Pour répondre à votre question je dis que le HATEM est un parti national qui tente de réaliser son projet national en recevant une frange importante des leaders d’opinion, des acteurs politiques, des cadres et des intellectuels. Ce projet vise à compléter le trajet parcouru pour le changement et à assurer une mutation positive dans les différents aspects de la vie nationale ainsi qu’à appuyer les changements et les mutations qui s’annoncent après le départ du Colonel Ould Taya.
Nous voulons que le HATEM soit le creuset où se conjuguent tous les efforts sincères et sérieux visant le changement et à accompagner les aspirations des mauritaniens, de tous les mauritaniens pour un lendemain meilleur, dominé par le progrès, la justice et l’égalité.
Aussi, le HATEM n’est pas un parti d’un groupe. Il est le parti de tous les mauritaniens, quels que soient leur race, leur tendance ou leur appartenance à l’exception évidemment des prédateurs. Cette exception constitue la singularité du HATEM dans le paysage politique national.

 

TH : La solidarité avec les «cavaliers du changement» (épine dorsale du HATEM) contre l’ancien régime est-elle toujours de mise, après l’éviction de ce régime ?
SOH :
Parler des cavaliers du changement n’est plus opportun. Les cavaliers sont une organisation militaire dissoute. Ses membres se sont éparpillés. Parmi eux, il y en a qui sont devenus membres du HATEM. Les liens entre ces derniers sont forts et resteront ainsi parce que ce qui les unit est beaucoup plus important que ce qui peut les diviser.

TH : Chef militaire au début, vous êtes devenu président du HATEM donc un chef en politique. Votre expérience dans le commandement militaire vous sera-t-elle utile, pour diriger un parti politique et ses militants ?
SOH : Dans la vie, toute expérience vécue par une personne est utile que ce soit dans son parcours politique ou dans un autre parcours. Incontestablement, l’expérience militaire est riche et enrichissante pour mon parcours dans la vie civile dans tous ses détails.

TH : Vous venez de créer avec 11 partis politiques une «coalition des forces du changement» en vue de barrer la route au retour de l’ancien régime. Que ferez-vous si vous constatez que le peuple mauritanien préfère les symboles de l’ancien régime, Ã  votre coalition?
SOH :
Nous serons prêts à respecter le choix du peuple et nous féliciterons ceux qui auront recueillis ses suffrages dans la transparence et l’honnêteté. Néanmoins, j’estime que cette éventualité comporte une grande dose d’exagération.

TH : Lors de la diffusion de l’émission «El Ijmae El Watani» la Télévision de Mauritanie a censuré des passages de vos réponses à des questions se rapportant à vos positions par rapport aux victimes du 8 juin et au soutien dont vous auriez bénéficié de la part de l’Etranger dans un conflit national (lutte pour le pouvoir). Pouvez- vous répondre de nouveau à ces questions, et quelle est votre réaction par rapport à cette censure ?
SOH :
Vous étiez présent lors de cette émission et vous savez que tout ce qui est relatif au 8 juin a été supprimé. Nous ne nous sommes pas opposés à cette suppression de la part de ceux qui ont estimé qu’elle était opportune, parce que nous répondions aux questions des représentants de la télévision, pas à nos questions. La télévision a donc le droit de supprimer et de laisser ce qui lui semble bon, tant que cela n’affecte pas le contenu ou ne l’altère.
A plusieurs reprises et dans diverses occasions nous avions répondu à ces questions. Nos réponses étaient pertinentes et claires. Nous n’étions pas inféodés à une quelconque puissance étrangère et les sources de financement de notre lutte étaient nationales.

TH : Malgré l’amnistie dont vous avez bénéficié en septembre 2005, vous n’avez pas remis aux nouvelles autorités, les armes exhibées en novembre 2004 par l’aile restée en liberté après votre arrestation, sur la chaîne iranienne «Al Alam». Doit-on comprendre que le «Sein Fein» se lance dans l’action politique légale et que l’«IRA», garde toujours ses armes ?
SOH:
Nous n’avions plus d’armes à remettre. Nous avions acheminé ce que nous avions comme armes, lesquelles ont été confisquées par les autorités..

TH : Dans une récente interview accordée au quotidien «Al Akhbar» Mohamed Jemil Ould Mansour, coordinateur des Réformateurs Centristes a déclaré que le HATEM est le parti politique le plus proche de la coordination qu’il représente. Tout récemment, il évoquera une « expérience commune Â» entre les cavaliers et les islamistes . Cette expérience a-t-elle précédé le 8 juin, ou est-elle venue après ?
SOH
 : L’après 8 juin a été une étape cruciale dans la confrontation entre le régime de l’époque et des forces nationales à l’intérieur et à l’extérieur. Il est naturel que ces forces conjuguent leurs efforts pour résister à un ennemi commun. C’est ce qui a eu lieu entre nous et les islamistes et entre nous et d’autres forces nationales. Il ne vous échappe pas que les islamistes ont été un acteur principal dans la résistance menée contre l’ancien régime et ont contribué ainsi à sa chute. Ils étaient comme les cavaliers, des ennemis de ce pouvoir. Ils étaient aussi les acteurs les plus engagés dans cette confrontation sans que cela ne démunie en rien les contributions apportées en ce sens, par d’autres acteurs nationaux.

TH : Pensez- vous que le retour au bilinguisme pourra constituer une bouée de sauvetage face à la décrépitude du système éducatif mauritanien?
SOH
 : L’éducation constitue un pilier essentiel dans la construction de la culture des peuples et le renforcement de leur unité nationale ainsi que la gestion de leurs contradictions dans un esprit positif et dans la protection des cultures nationales et des valeurs religieuses. Durant le règne du régime déchu, l’éducation a fait l’objet d’une destruction systématique, de tâtonnements et d’absence d’objectif national. Le bilinguisme s’il s’accompagne de mesures pédagogiques supplémentaires qui préservent l’unité nationale, l’identité de la nation, si à travers lui, c’est l’ouverture sur le monde qui est recherché, je n’y vois pas d’inconvénients.

TH : Quelles solutions préconisent le HATEM pour apurer le passif humanitaire ?
SOH :
Nous nous attellerons à régler ce dossier de façon directe en préservant l’unité nationale et la concorde entre les composantes nationales. Nous estimons que le passif humanitaire est un mauvais héritage légué par le régime déchu et qu’il doit être réglé dans un consensus national qui engage la responsabilité du peuple mauritanien ou l’Etat reconnaîtra sa responsabilité devant les ayants droits afin que ce dossier soit retiré de façon définitive des mains de ceux qui en font avec de la surenchère à l’intérieur et à l’extérieur..
Nous parviendrons alors à tourner une page que d’autres pays ayant connu des situations plus dramatiques sont parvenus à tourner (l’Afrique du sud, par exemple).

TH : Une plainte a été déposée devant un juge belge contre Ould Taya, l’ex-président pour «crimes contre l’Humanité». Jugez vous cette plainte recevable ou préférez-vous que le linge sale mauritanien se lave en famille ?
SOH
 : Nous pensons que ce dictateur a commis assez de crimes pour lesquels il doit rendre compte. Cependant, le peuple mauritanien est toujours capable de pardonner et d’envisager l’avenir avec davantage de confiance pour que les énergies se concentrent plus sur la construction nationale, loin des règlements de comptes ou de la chasse à un homme humilié et sans pouvoir. Nous devons travailler ensemble avec persévérance et sincérité pour que les semblables de ce dictateur ou ceux éduqués de ses mains, ne reviennent plus au pouvoir. C’est cela le défi pour l’avenir. C’est ainsi que la Mauritanie s’engagera sur la bonne voie et arrivera à panser ses blessures.

TH : Etes-vous candidat à l’élection présidentielle de mars 2007 et quelle sera la première mesure que vous prendriez, au cas où vous êtes élu à la magistrature suprême?
SOH
 : C’est au HATEM et à ses instances de décider. Jusqu’à présent le HATEM ne s’est pas encore prononcé. Je ne peux donc répondre au deuxième volet de votre question.
Propos recueillis par Isselmou Ould Moustapha

 


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