L’esclavage en Mauritanie vu par Biram Ould Dah   
09/05/2009

Témoignage de Biram Dah ABEÏD, défenseur des Droits Humains, membre de SOS-ESCLAVES, Président de l’Initiative de Résistances du Mouvement Abolitionniste dans une conference sur le theme la persistance de l’esclavage en Afrique : cas de la Mauritanie à l’université Aix-Marseille Paul Cezanne III.



Quand on parle d’esclaves chez nous, en Afrique Saharo-Sahélienne, et précisément en Mauritanie, on entend par cela une classe qui ferme la marche de l’escalier féodal séculairement hiérarchisé de nos sociétés. Ces esclaves sont, pour le commun des hommes de notre sous-région, et pour eux-mêmes, la propriété de gens libres qui se les transmettent par héritage ou se les partagent. Les maîtres peuvent aussi affranchir leurs esclaves en leurs concédant une attestation verbale ou écrite d’affranchissement, donc de libération. Un maître a aussi le droit de céder un ou plusieurs esclaves pour l’occasion des naissances ou des mariages à un nouveau né ou une mariée qui lui sont chers. Les esclaves sont aussi passibles d’être gagés, loués ou tout simplement laissés libres dans tous mouvements ou activités, pourvu que les maître bénéficient de temps à autres des revenus de leur labeur. Ces redevances sont perçues lors de rondes régulières que les maîtres effectuent aux demeures et lieux où leurs esclaves sont en activité autonome mais imposable. De toutes façons, les fondements des relations entre maître et esclave, entre anciens maître et anciens esclaves (affranchis) par le passé comme de nos jours s’articulent autour de l’inégalité immuable et de naissance, le devoir de soumission, le droit à la préséance et l’exploitation de l’Homme par l’Homme.

Ainsi, l’esclave peut être utilisé dans la cellule domestique pour le prestige et le bien être de ses maîtres, qui seraient passibles de déchéances en s’occupant des travaux ménagers, ou toutes autres activités manuelles, d’endurance, ou sous le soleil, et cela selon le code d’honneur de la société arabo-berbère.

Les esclaves et les affranchis peuvent, en général, être affectés comme métayers, sur les domaines des féodalités terriennes qui s’arrogent pour elles seules, et jusqu’à nos jours, le droit à la propriété foncière en Mauritanie.

Un maître peut aussi astreindre une ou plusieurs femmes esclaves au droit de cuissage que lui confère la version locale du code musulman Malékite. Par cette close de la charia malékite, l’assouvissement du désir sexuel des suzerains s’auréole de sacralisation et ne requiert ni le consentement des esclaves, ni de limites concernant l’âge ou le nombre de celles-ci. De même, une partie des esclaves sont souvent affectés au gardiennage et soins du bétail appartenant aux maîtres.

Il faut aussi souligner que l’esclavage, en tant qu’idéologie, institution sociale, et système de rapport inter-sociétal a marqué de son empreinte l’évolution de l’Etat mauritanien de tout temps et ce rapport d’interdépendance existe encore aujourd’hui. De ce fait, les élections dites les plus démocratiques en Mauritanie (2006-2007) se sont caractérisées par la consécration d’une classe de grands électeurs : les aristocraties tribales et religieuses, donc les grands propriétaires de terres et d’esclaves.

Ces privilégiés, non sans complicité des pouvoirs publics utilisent l’idéologie et les liens de l’esclavage et le pouvoir économique que leur confère la propriété foncière qui leur est réservée, pour faire chanter et voter des dizaines de milliers d’esclaves et/ou anciens esclaves à leur propre profit.

 

Exemple d’un cas actuel : Le quotidien d’un esclave dans les zones urbaines de Mauritanie : Le cas de la petite fille esclave Hana Mint MARIYE, le 23 avril 2009, devant le Préfet et Commissaire de Police de Tayarett - Nouakchott.

Le cas de Hana Mint MARIYE, a été introduit par le soins de l’ONG SOS-ESCLAVES conformément au Code de protection pénale de l’enfance qui confère aux ONGs. de défense des droits de l’Homme d’ester en justice au nom des mineurs victimes de pratiques prohibées par les lois en vigueur.

Les informations recueillies par le Préfet de Teyarett (Mohamed Ould SIDATI) et Ismaël, le Commissaire de Police de ce Département, qui ont interrogé le couple Abderrahmane Ould DHURNURAYNE et Toumen Mint DHURNURAYNE et leur victime Hana, certifient que Hana est née en l’an 2000, à un peu moins de 150 km au Sud de Nouakchott dans la localité de Naïm habitée par la fraction Oulad KHADJIL, une branche de l’ensemble tribal Oulad BIERI dont est issue la famille DHUNURAYNE. Hana n’a pas de père connu comme toutes ses sœurs, ces dernières comme leur mère sont partagées comme esclaves domestiques dans les différents foyers de la famille DHURNURAYNE. Comme toutes les femmes esclaves dans notre société, Mariyé et ses filles sont exposées, du fait du mode de vie et des mentalités, mais aussi du fait du code de l’esclavage du rite Malékite toujours en place, à l’abus sexuel par de multiples auteurs, et à un défaut de protection sanitaire lors des naissances. Ainsi, l’absence volontaire de protection lors des relations sexuelles permet d’agrandir le troupeau humain puisque le statut d’esclave se transmet par la mère.

Dans la nuit du mercredi à jeudi 23 avril 2009 à 23 heures dans les locaux de la préfecture de Tayerette, le premier quartier de la ville de Nouakchott (Capitale de la Mauritanie ), le couple esclavagiste a reconnu que la petite Hana était un legs fait au couple lors de leur mariage. Cette coutume esclavagiste séculaire continue à confiner une large population servile, féminine et mineure dans les travaux domestiques, la non scolarisation, et fait perdurer les pratiques de pédophilie. Ce phénomène perdure comme face hideuse et très visible du mode de vie des groupes dominants et esclavagiste assurés de l’impunité dans un Etat au sein duquel l’inégalité des races, des langues et des naissances est érigée en idéologie et en système de gouvernement.

 

L’audition de Hana Mint MARIYE

- Je suis Hana, fille de Mariyé, je ne connais pas mon père, je n’ai pas de pièces d’Etat Civil, je ne sais ni lire ni écrire, je travaille pour mes maîtres Toumena et Abderrahmane et leurs enfants; l’un de leurs enfants a mon âge, ils vont à l’école.
- Je m’occupe des travaux domestiques, je fais la cuisine, je lave la vaisselle, je prends soins des enfants plus jeune que moi, je me lève la première, je me couche la dernière.
- Je dors dans la véranda alors que mes maîtres et leurs hôtes passe la nuit enfermés dans les chambres de la maison.

A la question « est ce qu’on a déjà touché à ton intimité ? Â» Hana rougie et baisse les yeux. Sur ce point, SOS-ESCLAVE réclame du Procureur de la République une réquisition à médecin pour examiner légalement Hana mais c’est le refus catégorique du représentant du Ministère Public qui s’empresse de déclarer l’affaire : « une affaire familiale caractérisée par un important effort de bienfaisance du couple DHUNURAYNE envers la petite Hana Â». Et le dimanche 26 avril 2009 à 12 heures, le Substitut du Procureur de la République de Nouakchott, Moustapha Ould Hamid Ould SAÏD rendra la petite Hana à ses bourreaux (Abderrahmane et Toumena) qui sortirent triomphant du palais justice de Nouakchott.

 

De plus, il faut signaler que le mari (Abderrahmane Ould Dhunuraye) et son frère (Ahmed), qui est actuellement installé en Arabie Saoudite, vivent aujourd’hui de façon prospère grâce au commerce d’esclaves qu’ils pratiquent entre la Mauritanie et les pays du Golf.
Ce commerce s’articule autour de trois points :
- Les arabes du Golf veulent des esclaves afin de les libérer pour absoudre leurs péchés, et ces mêmes esclaves sont repris par ces négriers mauritaniens pour être revendus à d’autres.
- Les personnes riches des Pays du Golf veulent aussi des femmes esclaves pour remplir leurs harems et satisfaire leurs appétits sexuels.
- Des enfants sont vendus afin de servir de jockeys pour les courses de chameau permettant de divertir les Emirs.
Ainsi, au final, nous avons un Procureur de la République qui acquitte cette famille après leur avoir rendu Hana, la jeune esclave. Cette famille reçoit les félicitations d’un représentant de l’Etat pour « leurs pratiques Â» de bienfaisance.
Mercredi 06 Mai 2009, à Aix-en-Provence


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