Un meurtrier de la démocratie ne peut pas Å“uvrer pour l’émancipation des esclaves, Par Ethmane Ould Bidiel   
21/03/2009

Les organes de presse publics devenus, depuis le 6 août 2008, la voix du général limogé, font état de la mobilisation d’un milliard d’ouguiyas pour améliorer les conditions de vie des habitants dans les adwaba et les autres milieux marginalisés.



Il s’agit, selon eux, d’un programme qui serait lancé au cours de cette année pour  combattre les séquelles psychologiques, sociales et économiques des pratiques séculaires de l’esclavage en Mauritanie.

Pourrait-on croire ces dits efforts et à la velléité absurde de la junte de lutter contre les prétendues « séquelles de l’histoire » selon l’euphémisme récent du général Mohamed Ould Abdel Aziz et son commissaire des droits de l’homme et des actions humanitaires, le très sulfureux Ould Dadda ? Devrait-on permettre que la question on ne peut plus capitale et complexe de lutte contre l’esclavage soit un thème et un slogan de propagande fallacieuse, au service des ambitions aveuglement personnelles d’un homme qui ne croit nullement à l’abolition de l’esclavage, ni aux droit des esclaves ? Doit-on permettre que cette cause qui est maintenant celle de tous les mauritaniens (hommes politiques, société civile et institutions démocratiques légales) devienne un refrain de la démagogie pitoyable d’un général en fin de règne, lancé dans une course électorale avant l’heure ?

Après plusieurs décennies de combat mené par essentiellement des leaders politiques et militants des droits de l’Homme haratines, naguère vilipendés, diffamés et jetés à la vindicte publique, la grande Mauritanie, celle-là même qui a dépassé ses clivages raciaux et de caste, ses différences culturelles et ses divergences politiques, s’est résolue à reconnaître l’existence effective des pratiques de l’esclavage dans le pays et a pris la ferme décision de les combattre avec courage et détermination. Ainsi le Parlement, à l’instigation du Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a-t-il voté, à l’unanimité, la loi n°2007-48  criminalisant les pratiques esclavagistes, mettant fin aux susceptibilités sur lesquelles achoppait le débat sur l’existence ou non de l’esclavage.

Ce sujet brûlant évacué à l’emporte-pièce par les différents régimes qui se sont suivis en Mauritanie, a fait l’objet d’une loi de la république, et pour la première fois de notre histoire, par un Président élu démocratiquement par le peuple. Ce n’était pas l’effet du hasard parce que  cet homme savait écouter les exigences de la concorde et de l’unité et trouver des partenaires progressistes et des forces démocratiques pour réunir les mauritaniens autour du soulagement de la souffrance de cette frange et la réhabiliter.

Croit-on que nous avons oublié que les soutiens de la junte, ceux qui nourriront plus tard les rangs démoniaques de la fronde parlementaire et les autres, les idéologues marmitons, ont sonné le glas de l’alliance Président de la République, Monsieur Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, le jour même où il a prononcé le célèbre discours où il promettait au peuple mauritanien de résoudre cette question et celle, encore pendante, des exactions de 1989 ? Croit-on que nous avons oublié le discours imbécile sur « la préservation et la sauvegarde de l’équilibre socioculturel et démographique  du pays » ? Croit-on que nous avons oublié les initiatives, forums et conférences qui ramènent à la mémoire les souvenirs sombres de la période comprise entre 1986 et 1991, pendant laquelle les antiesclavagistes n’avaient d’autres choix que la clandestinité ?

Non ! Nous n’avons pas oublié et, d’ailleurs, personne ne peut oublier !
Et pour cette raison, les esclaves et fils d’esclaves qui aspirent à des solutions durables à cette tare de notre histoire récente, n’accepteront jamais d’être monnayés contre un milliard, comme semble le suggérer la solution puérile du général ! Le phénomène de l’esclavage ne peut être évacué par le « dédommagement » pécuniaire des victimes, et encore moins quand cela vient d’un général putschiste au pouvoir chancelant,  lui-même convaincu que toutes les mesures qu’il prend sont nulles et non avenues ; un général anticonstitutionnel en quête d’une légitimité impossible. La lutte contre l’esclavage est un noble projet dont la réalisation est un des gages de la stabilité et de la pérennité de notre pays. C’est une foi et un devoir qui nécessite la synergie des efforts du maître et de l’esclave, une politique inclusive, des institutions constitutionnelles légales, un fondement juridique et surtout une adhésion politique et populaire sincère et absolue.

D’ailleurs l’histoire n’a pas la mémoire courte. Elle retiendra que le général Mohamed Abdel Aziz,  immédiatement, après l’exécution de son coup d’Etat a:
1- pris pour cible, de façon expresse et sans détour, le Président de la République, Monsieur Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi qui est, selon lui, coupable d’avoir scellé une alliance « contre nature » avec l’Alliance Populaire Progressiste dont il a adopté systématiquement le programme, « faisant ainsi fi de sa propre majorité ». Bien sûr, par programme, le général vise la lutte contre l’esclavage et ses corollaires et le retour des mauritaniens expulsés, deux préoccupations majeures et constantes du Président de l’Assemblée Nationale, Monsieur Messaoud Ould Boulkheïr ;
2- dévoilé « ses priorités » exposées par son soi-disant Premier Ministre lequel a carrément exclu la lutte contre l’esclavage. En effet, même répondant à la question d’un journaliste, ce dernier a osé dire que les préoccupations de la junte sont tout autres ;
3- coopté tous les mouvements réactionnaires et l’ensemble des caciques des idéologies racistes et xénophobes, responsables de plusieurs décennies de haine et d’exclusion dans le pays, ceux qui font actuellement office de rempart aux putschistes et de théoriciens de la fronde puis à la junte ;
4-  inféodé l’amas des organisations de la société civile cartables et de mauvaises mÅ“urs, promptes à brader leur cause au profit des éloges du général et de la soumission à ses acolytes ;
5- réhabilité et renforcé la chefferie traditionnelle grâce à l’invention du concept de la « Mauritanie profonde », qui n’est autre que la résurgence, dans toute sa fange, de la féodalité, un conclave des émirs et autres chefs de tribus et « fils de grandes tentes »  aux idées et pratiques anachroniques, tous naturellement opposés à l’émancipation des esclaves ;
6- accentué l’assujettissement des esclaves à travers le retardement de leur promotion socioculturelle, professionnelle et économique, eux dont l’espoir reposait sur l’application tant attendue d’une politique cohérente dont le Président de la République a fait la promesse. Elle avait pour pierre de touche : la redistribution des terres cultivables, la formation professionnelle des esclaves, l’encouragement des investissements et des microprojets, la création d’une agence chargée d’exécuter des programmes de développement, la discrimination positive au niveau de l’administration et des affaires en faveur des cadres issus des milieux esclaves.

Le général se trompe s’il croit que les esclaves peuvent encore être leurrés. L’expérience a prouvé que l’amélioration des conditions de vie est, certes, une œuvre humaine ; mais elle a besoin d’être inscrite dans la durée. Surtout quand la tâche à accomplir implique un changement de mentalité des citoyens et repose sur la sensibilisation, l’information, la formation et l’éducation. Mieux la lutte contre l’esclavage exige le courage et la franchise. On ne peut lutter contre l’esclavage en parlant avec des litotes et des euphémismes ! Ce qu’il y a en Mauritanie s’appelle bel et bien esclavage. Que le général visite SOS Esclaves ou qu’il se réfère aux rapports de la Commission Nationale des Droits de l’Homme qui dorment toujours dans les oubliettes des archives. Que d’abominations, on y verra !
Et puis c’est une aberration et une insulte à l’intelligence de tout mauritanien, que le général parle d’esclave ou d’esclavage quand il tue le rêve d’émancipation de tout un peuple, par le meurtre de la démocratie ! Car, c’est l’urne qui constitue la consécration de l’égalité et de la justice. « Un homme une voix », voilà l’expression de la souveraineté ; voilà la voie par laquelle les esclaves seront émancipés ! Et Ould Abdel Aziz a conspiré contre cette voie !
Les esclaves sont convaincus que celui qui ne respecte pas leur choix et leur dignité retrouvée, ne croisera pas le fer contre leur mal. D’ailleurs, il se trompe le général. Parce que la libération de fait des esclaves c’est celle-là que décideront les esclaves eux-mêmes !


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