Présidentielle: Emmanuel Macron largement réélu face à Marine Le Pen   
24/04/2022

Le président sortant a été réélu dimanche soir avec 58,2% des voix. Après une non-campagne de premier tour, il a bénéficié au second du front républicain qui a de nouveau barré la route à Marine Le Pen.



La candidate d’extrême droite totalise 41,8% des voix.

Une prouesse sans liesse. Emmanuel Macron, en infligeant une deuxième défaite à Marine Le Pen, est sorti vainqueur des urnes, dimanche, avec 58,2 % des voix selon les estimations de l’institut Ipsos à 20 heures. Après avoir été, à 39 ans, le plus jeune à entrer à l’Elysée, il établit, cinq ans plus tard, un nouveau record : sous la Ve République, jamais un Président sortant n’avait été réélu au suffrage universel hors période de cohabitation. En 2017, il avait totalisé 66,1% des voix.

Le chef de l’Etat peut souffler, certainement pas triompher. A 28,2%, un niveau inégalé depuis 1969, le taux d’abstention invite à la modestie et souligne à quel point cette affiche finale, redite du duel de 2017, a déplu aux Français. Comme il y a cinq ans, les électeurs se sont même davantage détournés des urnes au second tour qu’au premier. Entre le 24 avril et le 10 avril, la participation a ainsi marqué un recul de plus d’un point. Il y a cinq ans, plus de 3 millions d’électeurs avaient glissé dans l’urne un bulletin blanc, auxquels s’ajoutaient un million de bulletins nuls. Combien étaient-ils, ce dimanche, à marquer ainsi leur refus de choisir ?


Barrage mal en point
Difficile, aussi, de se réjouir au terme d’une campagne où la candidate du Rassemblement national (RN) s’est hissée, dans plusieurs sondages, jusque dans la marge d’erreur avec le président sortant. Avant le premier tour, un vent de panique avait brièvement soufflé sur la macronie. D’improbable en 2017, l’accident démocratique semblait possible. Après le référendum actant le Brexit en 2016 au Royaume-Uni et la victoire de Donald Trump aux Etats-Unis quelques mois plus tard, la France pouvait-elle être la prochaine sur la liste ? La situation a, certes, tourné à l’avantage d’Emmanuel Macron, qui, au fil de la dernière quinzaine, n’a jamais cessé de creuser l’écart avec sa rivale. Mais si Marine Le Pen n’est pas parvenue à inverser la tendance, pour la première fois, l’extrême droite a toqué à la porte du pouvoir.

Le Président, après avoir asséné qu’«il n’y [avait] plus de front républicain», peut tout de même remercier les électeurs de gauche. Ceux-ci, qui s’étaient massivement portés sur la candidature de Jean-Luc Mélenchon le 10 avril, l’érigeant en troisième homme du scrutin (22%), détenaient les clés du second tour. Vingt ans après le raz-de-marée électoral qui a porté Jacques Chirac au-dessus des 80% pour repousser Jean-Marie Le Pen, le fameux «barrage» est mal en point. Mais il tient. Et après s’être juré qu’on ne les y reprendrait plus, les «castors fatigués» – comme les avait nommés l’un d’eux, le maire écologiste de Grenoble, Eric Piolle – ont retrouvé sans illusions la route du bureau de vote.

A ce classique front républicain contre l’extrême droite a répondu un autre, «tout sauf Macron», nourri par l’impopularité d’un Président jugé arrogant et adepte de petites phrases. Dans ce concours de détestations, Marine Le Pen n’a pu compter que sur le ralliement de ses deux concurrents d’extrême droite, Eric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan, sans pour autant s’afficher avec eux dans l’entre-deux tours. La candidate LR, Valérie Pécresse, l’écologiste Yannick Jadot, le communiste Fabien Roussel et la socialiste Anne Hidalgo ont tous explicitement appelé à voter Macron, là où Jean-Luc Mélenchon s’est contenté d’appeler ses électeurs à aller voter et à ne pas «donner une seule voix à Madame Le Pen». Aux Antilles en en Guyane, frappées par une vive contestation du pass vaccinal, c’est l’anti-macronisme qui l’a emporté sur le rejet traditionnel du Front national, sur fond de très forte abstention. Le Pen atteint même 69,6 % des voix en Guadeloupe.

A portée d’engueulade
Après une campagne de premier tour bâclée, Macron a finalement daigné descendre à portée d’engueulade. Son quinquennat passé à adopter des marqueurs de droite pour mieux la fracturer ne l’a pas empêché de lorgner les voix de gauche in extremis. Pour faire main basse sur une partie du magot électoral amassé par Mélenchon, il a sorti le grand jeu. Le Président candidat a parlé «planification écologique» et «avenir en commun», cité Jaurès, voyagé dans des coins de France qui avaient largement voté pour le candidat Insoumis et s’est dit prêt à la concession sur son objectif de porter à 65 ans l’âge légal de départ à la retraite.

Candidate pour la troisième fois à la fonction suprême, Le Pen, elle, a fini par pâtir de la stratégie qui avait fait son succès au premier tour : des sorties discrètes sur des terrains sans risques, une image patiemment façonnée, peopleisée et dépolitisée, et son intuition de miser très tôt sur la préoccupation des Français autour du pouvoir d’achat. Des artifices qui ne tiennent pas quand la confrontation à 12 se transforme en duel. Les coutures ont fini par craquer, laissant apparaître les fragilités et la radicalité du programme portée par la cheffe de file de l’extrême droite. Sans pour autant disqualifier un bulletin Le Pen, qui passe désormais pour une option comme une autre. Pour les électeurs du RN, qui n’ont jamais été aussi nombreux. Mais aussi pour ceux qui, face au risque de l’accession de l’extrême droite au pouvoir, se sont abrités derrière le vote blanc ou l’abstention. De quoi gâcher la fête.

Libération


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