Deuxième conférence africaine pour la paix mondiale : Les participants ont réitéré leurs engagements à poursuivre le dialogue pour l’instauration de la paix et de la sécurité dans le monde   
16/02/2022

Nouakchott a abrité du 08 au 10 février courant la conférence africaine pour la paix dans le monde. Plusieurs leaders politiques et religieux et autres membres de la société civile africaine ont pris part à cette grande conférence.  Les échanges ont surtout été orientés vers ...



... l’instauration d’un dialogue en lieu et place des armes afin de pacifier la situation et instaurer la sécurité dans le monde sans violence. A la fin des travaux, les participants ont exprimé leurs préoccupations, donné des résultats et formulé des recommandations dans ce qu’il est convenu d’appeler la Déclaration de Nouakchott. Voici l’intégralité de cette déclaration finale.


Déclaration finale de la Conférence africaine pour la paix Nouakchott le 08-10 Février 2022


Préambule
Convaincus de la possibilité de concevoir un projet de paix émanant du riche patrimoine culturel et social africain,
Considérant qu’il est nécessaire d’accompagner les efforts de paix de la communauté internationale d’un projet endogène de pacification,
Considérant que dans plusieurs régions de notre belle Afrique, l’extrémisme continue d’instrumentaliser l’Islam pour produire de la violence,
Conscients de la menace que le discours extrémiste fait peser sur la vie des gens, mais aussi sur le tissu social qu’il bouleverse en nourrissant les divisions ethniques sur des bases religieuses,
Conscients de l’ampleur des violations du droit à la vie, du droit à la dignité, du droit à la propriété, mais aussi du droit à la sécurité physique et psychologique,
Les savants musulmans africains ont décidé depuis deux éditions de la « Conférence africaine pour la paix » à Nouakchott (Mauritanie) de prendre leurs responsabilités en présentant des propositions concrètes visant à nous faire passer d’un état de sidération devant la violence terroriste à un état proactif d’une lutte pacifique et intellectuelle. C’est sur le terrain du discours religieux que nous devons lutter. L’extrémisme tente de se
présenter sous une forme légitime. Il se veut discours de vérité mais il fait l’économie complète de toute nuance. Le discours extrémiste se focalise sur le prescriptif et oublie le contexte de possibilité du prescrit.
Ainsi, même la prière, pilier s’il en est de l’Islam, n’est prescrite qu’à la condition de sa possibilité (la sécurité, la vie, la liberté religieuse). Le discours extrémiste fait fi de toute nuance, il se contente de « subjuguer », d’impressionner par du très simple. C’est pour cela qu’il faut rappeler la vérité d’un discours islamique tout en nuances, discours capable de s’adapter à divers contextes, et donc propice à la pacification des coeurs et
des esprits. La « Déclaration de Nouakchott », qui faisait suite à la première conférence africaine pour la paix, fut une première en 2020. Elle a été saluée aux niveaux régional et international, notamment par l’Union africaine, qui l’a adoptée à son sommet en février 2020. En application des textes issus de la « Déclaration de Nouakchott » de 2020, et en réponse à la nécessité urgente d’une action conjointe des dirigeants religieux de la région pour faire face à la menace du terrorisme et de l’extrémisme, mais aussi en réponse aux défis existentiels auxquels l’humanité tout entière est confrontée à la suite de l’épidémie de la Covid 19 qui nous a rappelé au devoir de solidarité, une deuxième édition de la « Conférence africaine pour la paix » a été organisée du 8 au 10 février à Nouakchott sous le haut patronage de S. E. M. Mohamed Ould Cheikh Ghazouani, Président de la République islamique de Mauritanie. La « conférence africaine pour la paix » est une initiative du Forum d’Abu Dhabi pour la paix, basé aux Émirats arabes unis.
La Mauritanie était sans doute le lieu naturel de ce type de convergence. Ce pays a été, et demeure, ancré dans une identité éminemment arabo-africaine, mais il est aussi le site de convergence depuis des siècles des
oulémas en quête d’une connaissance qui a toujours été inscrite dans une tradition savante qui rejette tout simplisme, et donc tout radicalisme. Les bibliothèques du désert et les érudits toujours vivants en sont les meilleurs témoignages. La Conférence africaine pour la promotion de la paix a choisi comme slogan pour cette conférence "Faire oeuvre de Paix pour le Monde". Conformément à la Déclaration de Nouakchott de
2020, dans laquelle la Conférence avait invité les participants à trouver des solutions se fondant sur les grands objectifs de la loi islamique qui vise à protéger les cinq fondamentaux (la vie, la liberté de conscience, l’équilibre mental, la famille, la propriété, la dignité humaine), mais aussi des solutions se fondant sur les cultures africaines de réconciliation et de prévention des conflits. Des centaines de participants, y compris des ministres, des représentants d’organisations internationales, des responsables d’organisations islamiques, des ambassadeurs, des représentants d’organismes publics, des centres intellectuels et des organisations internationales, mais aussi des profanes, des scientifiques, des juges, des dirigeants religieux, des intellectuels, des universitaires, des parlementaires, ont participé à cette deuxième édition de la conférence africaine pour la paix. Par ailleurs, la conférence a été suivie par des milliers de personnes à travers les télévisions du monde, mais aussi les réseaux sociaux.
Les séances de la conférence ont porté sur différents thèmes, dont les plus importants sont les suivants : « Afrique : situation actuelle et approches », « La déconstruction du discours extrémiste et la relecture des concepts de la loi islamique », « Dialogue, réconciliation et promotion de la cohésion sociale », « Citoyenneté et religion : d’évidentes convergences », « Les ressources pour une promotion endogène de la paix en Afrique », « L’Afrique en paix : le continent du futur ». La conférence a également donné lieu à plusieurs ateliers sur le rôle positif de l’éducation, des médias et des jeunes dans la construction de la paix et dans la lutte contre l’extrémisme. Les participants à cette deuxième édition de la Conférence africaine, après des échanges de points de vue sur les sujets examinés, et tenant compte de la spécificité de la situation régionale, ont apporté plusieurs conclusions..


Résultats
Ce forum intervient alors que le monde a traversé, et traverse encore, une pandémie qui confirme la nécessité de la solidarité. Le virus fait fi de nos différences, faisons fi également, dans notre lutte, de ces différences !
Cette solidarité se doit de se poursuivre au-delà de la pandémie.
1. "Faire oeuvre de Paix pour le Monde" est le slogan choisi pour cette deuxième édition, ce slogan provient d’un Hadith qui énonce que : « Lorsque trois choses sont assemblées dans le coeur d’un homme, alors sa foi est authentique : "Lorsqu’il est le plus juste envers lui-même, lorsqu’il fait œuvre de paix dans le Monde, et lorsqu’il partage avec autrui même en période de rareté ». Ce Hadith est un rappel du credo véritable du musulman. Le musulman se doit d’être porteur de paix et de justice dans
le monde, et son action concerne bien entendu les humains, mais aussi tous les vivants, et même la nature qui nous englobe.
2. Les crises dont souffre l’Afrique ont des dimensions politiques, économiques et sociales. Par conséquent, leurs solutions ne sauraient être que globales. Cependant, la dimension dont traite en priorité la conférence est la dimension intellectuelle. En combattant sur le plan intellectuel, nous espérons limiter les actes terroristes qui se réclament d’idées biaisées, ou du moins, limiter l’affreuse instrumentalisation de notre religion qui ne saurait cautionner des actes barbares et de terreur.
3. Cette rencontre est une plateforme pour déclarer la position légitime, mais aussi une occasion pour tous d’inviter les groupes extrémistes à déposer les armes, et à leurs membres de retourner dans leurs communautés, et à rappeler la sacralité de la vie qui est le coeur de l’Islam.
4. L’appel à la paix est un appel à la résurrection des coeurs et des âmes, et c’est le devoir de chaque musulman de prôner le processus de pacification.
5. L’appel à la paix est aussi un appel à l’amour et à la compassion qui doit englober nos jeunes frères égarés dans des groupes extrémistes pour qu’ils ne perdent pas leur jeunesse à se détruire et à détruire leur pays. Des pertes souvent irréversibles. Il faut leur rappeler qu’il est plus juste de grandir en patriote, de construire, de prier Dieu, de cultiver la terre, d’accroître sa science, et de vivre solidaire des siens.
6. Les savants et les universitaires qui connaissent les finalités de la loi islamique doivent revivifier le patrimoine religieux pacifiste en reconsidérant les concepts islamiques et en les ancrant dans les orientations coraniques et prophétiques qui appellent à la paix.
7. Les jurisconsultes musulmans doivent rappeler la nécessité du contexte ! Toute prescription religieuse n’a de sens que si elle s’inscrit dans un contexte lui permettant d’atteindre ses finalités les plus profondes.
8. Les concepts de la loi islamique doivent être définis et renouvelés avec force et clarté, il faut rappeler que chaque concept vise in fine à maximiser la somme de bien-être pour tous, et ne saurait se déployer dans un absolu qui omettrait tout contexte ou tout impact sur autrui.
9. Une grande partie des divisions d’aujourd’hui provient du manque de clarté de concepts tels que le Jihad par exemple et bien d’autres. Plusieurs de ces concepts se voulaient à l’origine vecteurs de paix, jusqu’à ce qu’on les fige dans des interprétations réductrices qui nient leurs finalités premières.
10. Nous devons réactiver tous les leviers possibles du dialogue et de la réconciliation. Les solutions
militaires et sécuritaires seront insuffisantes, et il est temps de revivifier les cultures africaines de réconciliation et de pacification dont on connaît par exemple l’image forte de la discussion réconciliatrice sous l’arbre à palabres.
11. Faire des compromis et accepter des renoncements pour parvenir à la paix doit relever de la norme dans un processus de pacification. Le prophète (paix et bénédiction sur lui) nous en a donné un exemple avec les fameux accords de Hudaybiya. Il ne s’agit pas d’un renoncement à ses droits les plus élémentaires mais plutôt la recherche de l’efficacité la plus grande dans le but de parvenir à la paix.
12. Avec le dialogue, le but est de rechercher l’intérêt général et les solutions qui vont préserver ou rétablir la paix. L’objectif est d’éviter la résolution des problèmes par la violence.
13. Le Jihad tel que Dieu l’a légitimé en Islam, et tel que le le Prophète (paix et bénédictions sur lui) et ses compagnons l’ont pratiqué, est un Jihad dont l’objectif est d’atteindre une situation de paix, alors que la violence extrémiste est avant tout une violence de terreur et les conditions d’un Jihad armé n’y sont jamais réunies C’est avant tout une violence qui s’en prend aux âmes innocentes et provoquent des morts sans discriminations et une terreur générale.
14. Il est important de faire comprendre à ceux qui justifient leur violence par la nécessité d’appliquer la loi islamique que la première des lois islamiques, de l’avis de tous les savants, c’est d’instaurer la paix et de cesser la guerre.
15. Ce n’est d’ailleurs qu’en condition de paix et de sécurité que les cinq piliers de l’Islam peuvent être réalisés.
16. L’épidémie du Covid 19 a montré que l’État nation était un refuge naturel et nécessaire en cas de crise, et qu’il était le premier à mettre en place des politiques capables de relever les défis les plus grands.
17. Tous les efforts de re-conceptualisations dans le cadre d’une réforme de la pensée islamique devraient être axés sur la promotion de la citoyenneté et l’épanouissement civique dans le cadre de l’État national

.

Recommandations
Les participants à la conférence ont recommandé ce qui suit :
1- Proposer un discours convaincant et une approche renouvelée qui permet d’ouvrir des horizons et de proposer des solutions loin du discours de désespoir et d’abattement qui dominent aujourd’hui.
2- Créer un comité de dialogue, de réconciliation et de développement, regroupant les sages, dignitaires et érudits de chaque pays, soucieux de médiation et de réconciliation pour résoudre les conflits de formes et de styles différents, qu’ils soient dus à des rancunes historiques ou ethniques, ou causés par
l’idéologie extrémiste. Parmi les fonctions de cet organe figure la formation à la culture du dialogue, ses mécanismes, ses principes et ses problèmes.
3- Établir et organiser des caravanes de la paix, composés d’imams et de dignitaires de différentes ethnies et tribus dans les zones souffrant de guerres civiles et de conflits sanglants. Cela permet d’impulser un travail de terrain pour diffuser les valeurs de tolérance et de fraternité.
4- Accompagner cet effort intellectuel d’un effort de développement qui permet de soutenir les personnes souffrant de problèmes socioéconomiques, et notamment du chômage. Cet effort doit aussi se traduire par une présence accrue de l’État notamment à travers ses services publics qui ne sauraient laisser des territoires à la marge de la protection physique et sociale que tout État devrait garantir.
5- Les participants ont d’ailleurs salué le modèle des Émirats arabes unis, qui ont appuyé les efforts de paix et de réconciliation dans tous les pays du monde, en particulier en Afrique et dans les États du Sahel, en raison de leur ferme conviction de l’importance de la coexistence, de la réconciliation et de la tolérance.
6- Établir un « Prix Afrique pour la promotion de la paix » pour encourager et rendre hommage à ceux qui ont apporté une contribution importante à la paix et à la réconciliation.
7- Créer une plateforme électronique interactive pour le suivi des recommandations, des propositions et pour le partage d’idées.
8- Créer à Nouakchott un siège central pour la « Conférence africaine pour la paix » chargé de promouvoir la paix et de diffuser les valeurs de tolérance et de coexistence en Afrique et dans les États sahéliens. Ce siège sera le lieu de lancement des travaux de la Conférence dans les différents États du continent.
9- Encourager et intensifier la rencontre des chefs religieux afin de cultiver les ressources religieuses qui renforcent la paix et la réconciliation.
10- Créer des comités pédagogiques chargés d’élaborer des programmes éducatifs pour lutter contre les idées extrémistes et diffuser une pensée de paix dans les cercles éducatifs à tous les niveaux.
11- Conclure des partenariats entre la « Conférence africaine pour la paix » et les institutions religieuses et universitaires publiques, privées, régionales et internationales, afin de mettre en oeuvre les dispositions de la « Déclaration de Nouakchott de 2020 » et d’en assurer le suivi.
12- Diffuser les résultats et le contenu du Forum par l’intermédiaire des réseaux et des médias dans divers pays du continent et dans différentes langues africaines afin que ces messages et ces idées se diffusent dans de nombreux cercles sociaux en Afrique et dans le monde.

Les participants à la deuxième « Conférence africaine pour la paix » sont heureux d’exprimer leurs vifs remerciements et leurs sincères félicitations au Gouvernement de la République islamique de Mauritanie pour les facilitations qu’il a accordées et qui ont permis à la conférence de se tenir en temps voulu et en mobilisant des personnalités de premier plan dans des circonstances sanitaires exceptionnelles. La Conférence exprime
particulièrement sa plus profonde gratitude au Président de la République Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani pour l’accueil généreux et solidaire qu’il a réservé à la Conférence. La « Conférence africaine pour la paix » remercie également les Émirats arabes unis pour leur appui constant et le fidèle parrainage dont ils font preuve.
Enfin, la Conférence remercie S. E. le Président Mohamed Bazoum, de la République du Niger, de l’honneur qu’il nous a fait en étant à la fois présent mais aussi en contribuant si précieusement aux travaux de la conférence.


Nouakchott le 10 février 2022,


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