La mĂ©decine traditionnelle, un atout pour la couverture sanitaire universelle en Afrique?   
15/07/2019

Alors que l’industrie pharmaceutique en Afrique atteindra une valeur comprise entre 40 et 65 milliards US d’ici 2020, traduisant le fort besoin des populations en médicaments, le coût d’accès à ces produits représentera encore un énorme défi financier.



 Investir davantage dans la mĂ©decine traditionnelle, qui demeure jusqu’ici peu valorisĂ©e, pourrait s’avĂ©rer judicieux. Au regard du potentiel que renferme ce segment alternatif, le continent pourrait rĂ©duire ses importations en mĂ©dicaments et maximiser ses chances de rĂ©aliser le 3ème objectif de dĂ©veloppement durable.

Actuellement, le continent africain produit moins de 5 % des mĂ©dicaments que consomment ses populations alors que 95 % sont importĂ©s, rĂ©vèle Proparco dans son rapport 2018 intitulĂ© «?Le mĂ©dicament en Afrique: rĂ©pondre aux enjeux d’accessibilitĂ© et de qualitĂ©?». Selon la filiale de l’Agence française de dĂ©veloppement bien que certains pays comme l’Afrique du Sud et le Maroc rĂ©ussissent Ă  couvrir 70% Ă  80 % de leurs besoins pharmaceutiques, de nombreux pays comme certains d’Afrique centrale dĂ©pensent encore une part considĂ©rable de leur budget public pour importer 99 % des mĂ©dicaments que consomment leurs populations. 

Le volume de mĂ©dicaments importĂ©s sur le continent, qui reprĂ©sentait un marchĂ© de 4,7 milliards USD en 2003; puis 20,8 milliards USD en 2013, devrait atteindre une valeur comprise entre 40 et 65 milliards US d’ici 2020, selon le cabinet conseil McKinsey. 

La progression tĂ©moigne du fort besoin des populations africaines en mĂ©dicaments. Mais la faible production locale nuit encore Ă  l’accessibilitĂ© des coĂ»ts pour les populations. Dans de nombreux pays d’Afrique, les dĂ©penses en mĂ©dicaments reprĂ©sentent encore jusqu’à 30 % du budget allouĂ© Ă  la santĂ©, qui lui-mĂŞme pèse pour près de 60% dans le budget des mĂ©nages. 

En conjuguant sa richesse botanique, l’héritage médicinal traditionnel transmis par divers peuples au fil des années, et les recherches scientifiques modernes, l’Afrique à toutes les clés en main pour résoudre un elarge part de ses problèmes de santé.

Mais cette situation peut être renversée grâce à la médecine traditionnelle ou naturelle. En conjuguant sa richesse botanique, l’héritage médicinal traditionnel transmis par divers peuples au fil des années, et les recherches scientifiques modernes, l’Afrique à toutes les clés en main pour résoudre un elarge part de ses problèmes de santé. Peut-être pas tous, mais au moins les plus communs tels que le paludisme, la fièvre typhoïde, etc. qui représentent encore les sources principales de décès.

Lors de la ConfĂ©rence internationale sur la mĂ©decine traditionnelle pour les pays d’Asie du Sud-Est, en fĂ©vrier?2013, la directrice gĂ©nĂ©rale de l’OMS, le Dr?Margaret Chan, affirmait que «?les mĂ©decines traditionnelles dont la qualitĂ©, la sĂ©curitĂ© et l’efficacitĂ© sont avĂ©rĂ©es, participent Ă  la rĂ©alisation de l’objectif de donner Ă  tous un accès aux soins. Pour plusieurs millions de personnes, les mĂ©dicaments Ă  base de plantes, les traitements traditionnels et les praticiens traditionnels constituent la principale, voire l’unique, source de soins de santĂ©?». Elle soulignait que «?ces soins sont proches des gens,  faciles d’accès et financièrement abordables. Ils sont Ă©galement culturellement acceptables et un grand nombre de personnes leur font confiance. Le caractère financièrement abordable de la plupart des mĂ©dicaments traditionnels les rend d’autant plus attrayants Ă  l’heure oĂą les frais de santĂ© explosent et oĂą l’austĂ©ritĂ© est quasiment universelle. La mĂ©decine traditionnelle apparaĂ®t Ă©galement comme un moyen de faire face Ă  l’inexorable montĂ©e de maladies chroniques non transmissibles?».

 

Un faible encadrement

La médecine traditionnelle, associée à la médecine conventionnelle dans l’approche thérapeutique en Afrique, a le potentiel d’améliorer efficacement la situation sanitaire du continent et lui permettre d’atteindre plus rapidement l’objectif de développement durable n°3 des Nations Unis?:?«?Bien-être et santé?» pour tous à l’horizon 2030. C’est d’ailleurs pleinement consciente du potentiel de la médecine traditionnelle, que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a multiplié les stratégies de développement y relative.

Depuis 2002, l’institution internationale appelle les pays du monde, notamment les Etats africains, Ă  dĂ©velopper la rĂ©glementation, amĂ©liorer la formation, les pratiques, la qualitĂ© des mĂ©dicaments, la recherche scientifique, la protection des droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle des peuples indigènes et des communautĂ©s locales, ainsi que leur hĂ©ritage dans le domaine des soins de santĂ©, pour asseoir la crĂ©dibilitĂ© de la mĂ©decine traditionnelle auprès d’une plus grande frange des populations africaines et de la communautĂ© scientifique internationale. 

Moins de 25 pays africains ont mis en place des programmes nationaux de mĂ©decine traditionnelle. Moins de 20 ont crĂ©Ă© des services nationaux de mĂ©decine traditionnelle. Moins de 10 États ont des cadres nationaux d’expertise pour le dĂ©veloppement de la mĂ©decine traditionnelle.

Mais ces changements attendus de chaque pays tardent Ă  ĂŞtre mis en place. L’Union Africaine (UA), lors de la 32ème session de la ConfĂ©rence des chefs d’Etat et de gouvernement, tenue le 10 fĂ©vrier 2019 Ă  Addis-Abeba, en Éthiopie, rĂ©vĂ©lait que malgrĂ© la dĂ©cennie 2001-2010, dĂ©clarĂ©e « dĂ©cennie de la mĂ©decine traditionnelle africaine », l’élaboration d’un cadre appropriĂ© pour l’évolution de ce secteur d’activitĂ© est demeurĂ© faible sur le continent. ConsĂ©quences, la majoritĂ© des pays africains maintiennent la mĂ©decine traditionnelle dans l’informel. 

Moins de 25 pays africains ont mis en place des programmes nationaux de mĂ©decine traditionnelle. Moins de 20 ont crĂ©Ă© des services nationaux de mĂ©decine traditionnelle. Moins de 10 États ont des cadres nationaux d’expertise pour le dĂ©veloppement de la mĂ©decine traditionnelle.

 

Un marché pourtant porteur

Au-delĂ  de garantir l’accès d’un plus grand nombre aux soins de santĂ© de qualitĂ©, la mĂ©decine traditionnelle pourrait Ă©galement reprĂ©senter une richesse financière importante pour les Etats africains au regard de la forte demande en mĂ©dicament abordables. Dans son dernier rapport de recherche, Market Research Future (MRFR), indique que le marchĂ© mondial des mĂ©dicaments Ă  base de plantes devrait atteindre une valeur de plus de 129 milliards dollars US d’ici 2023 avec un taux moyen de croissance annuelle de 5,88% sur la pĂ©riode de prĂ©vision 2018 Ă  2023. 

Le marché mondial des médicaments à base de plantes devrait atteindre une valeur de plus de 129 milliards dollars US d’ici 2023 avec un taux moyen de croissance annuelle de 5,88% sur la période de prévision 2018 à 2023.

Selon MRFR, l’utilisation croissante de produits chimiques de synthèse en mĂ©decine conventionnelle a dĂ©plu Ă  une population importante qui exige de plus en plus des alternatives naturelles. Ce changement d’habitude a stimulĂ© la demande de plantes mĂ©dicinales Ă  travers le monde, y compris dans les rĂ©gions dĂ©veloppĂ©es telles que l’AmĂ©rique du Nord et l’Europe, ainsi que dans les pays en dĂ©veloppement d’Asie Pacifique, d’AmĂ©rique latine et du Moyen-Orient et mĂŞme en Afrique. 

Le nombre croissant de consommateurs optant pour des alternatives naturelles à la médecine conventionnelle restera probablement le principal moteur du marché mondial des médicaments à base de plantes d’ici 2023. C’est ce qui explique d’ailleurs l’intérêt croissant d’investisseurs tels que des sociétés pharmaceutiques occidentales ou encore des sociétés de capital-risque en Chine, au Japon, en Inde ou encore en Corée du Sud, où la médecine traditionnelle représente un business florissant. L’Afrique, en investissant dans la médecine traditionnelle, a beaucoup à gagner.

 

Les exemples chinois et indien

Aujourd’hui, grâce Ă  une sĂ©rieuse codification, les mĂ©decines traditionnelles chinoise et indienne ont conquis le monde. Selon China Med, la valeur totale des exportations de mĂ©dicaments traditionnels chinois en 2016 Ă©tait de 3,426 milliards de dollars US. Les produits ont Ă©tĂ© exportĂ©s vers 185 pays et rĂ©gions. Les principaux marchĂ©s sont toujours restĂ©s en Asie, avec Hong Kong, le Japon, la Malaisie, la CorĂ©e du Sud ou l’IndonĂ©sie, mais aussi aux États-Unis. En 2016, la Chine a exportĂ© pour 526 millions de dollars US de mĂ©dicaments traditionnels chaz l’Oncle Sam. 

Pour ce qui est des soins ayurvédiques, originaires d’Inde, Market Watch estime que le marché mondial qui pesait pour 3,4 milliards de dollars US en 2015 devrait atteindre 9,7 milliards de dollars US d’ici 2022, avec un taux moyen de croissance annuelle de 16,2%.

 
(Ecofin Hebdo)


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