Pélerinage annuel de Nimzatt : Sur le chemin de l’accomplissement des désirs… divins   
03/07/2016

Se rendre à Nimzatt, c’est partir à la rencontre de Cheikhna Cheikh Saad-Bouh (1848-1917), le Guide suprême de la Khadrya. Un homme de Dieu, un Saint, d’une dimension mystique incommensurable. Et chaque année, ce sont des milliers de ...



... fidèles sénégalais qui font le voyage de la foi pour se retrouver au beau milieu du désert, juste pour revivre la proximité d’un Maître soufi afin de récolter des dividendes qui lui baliseront le chemin du progrès social et de la félicité. Et c’est cette conviction qui anime tout disciple khadre sur le chemin du plus grand pèlerinage sénégalais à l’extérieur du territoire, de par le nombre : près de 50.000 de nos compatriotes.

Nimzatt « la bénie» est le foyer d’éclosion de la Khadrya à la suite d’une pérégrination mystico-religieuse des confins du Hawd (Est de la Mauritanie à la lisière de l’ancien Soudan français) aux bords de l’Atlantique en pays « noir ». Juste pour l’accomplissement d’un désir né d’une injonction paternelle, en l’occurrence Cheikhna Mohamed Fadel Ibn Mamine, détenteur de la chaîne de transmission mystique de la Khadrya.  Gouénit, Toueyzik, Mbel, Bou Jeïba, Zira ont été les étapes d’une ascension mythique faite de rencontres, de découvertes, de concurrences, de conflits et de triomphes face à d’irréductibles adversaires surpris par la charge intellectuelle d’un homme au destin exemplaire et dont la venue au monde avait  été annoncée par les étoiles. Avant de faire l’objet d’une retraite spirituelle tous azimuts d’hommes de Dieu, espérant jouir du privilège d’être l’ascendant de l’heureux élu ; de cet homme qui sera « la chance de son père » : « Sa’du Abihi ».

A Nimzatt, Cheikhna Cheikh Saad-bouh est la seule constante. Le temps d’un pèlerinage, les Chérifs (de la descendance prophétique), malgré leur positionnement hiérarchique, se fondent dans la masse de fidèles pour faire acte de dévotion et renouveler leur serment allégeance à un homme considéré par le Pr Cheikh Y. Ndoumbane Seck comme « océan mystique sans rivage » ou encore « le levant du couchant » pour avoir connu l’éclosion mystique dans cette partie Ouest de la Mauritanie, bercée entre l’Atlantique et les berges du fleuve Sénégal. Simplement parce que Cheikhna Cheikh Saad Bouh constitue un référentiel dans tous les domaines : dans sa pratique religieuse, dans sa parfaite maîtrise de toutes les connaissances ésotériques condensées dans le Livre Saint, ou ses miracles divins qui ont fini par convaincre toutes les sommités mauritaniennes de la prééminence de son savoir. Mais aussi de la sacralité de la charge conférée par son vénéré père Cheikhna Mohamed Fadel à l’âge de 14 ans, comme détenteur et délégataire du pôle du savoir hérité du prophète Mohamed (Psl) et dont la chaîne de transmission mystique a été entretenue par Cheikh Abdou Khadre Dieylani, propulseur de la khadrya devenue la première confrérie à l’échelle de la Oummah islamique, du point de vue de son antériorité ; mais aussi et surtout de son ancrage territorial.

Le sens d’un évènement Pardon, dévotion et privilèges

« Seigneur, pardonne à tout visiteur qui nous rend visite en ce mois béni de Ton carême qui a transcendé les époques ». Il faut lire son poème titré «Alhamdoulilaahi ala zaa chahri » (Louange à Allah pour nous avoir octroyé ce mois-ci) pour comprendre, entre autres, le sens du pèlerinage du Nimzatt. Car, Cheikhna Cheikh Saad-Bou a entretenu un rapport particulier avec ce mois au point de rejoindre Allah le Tout-Puissant, au 22ème jour de ce mois béni coïncidant à la date du 12 juillet 1917. Qui plus est, le Saint Coran a été révélé au prophète Mohamed durant ce mois béni de ramadan.

« Seigneur, dit-il, par sa dimension (Mohamed) et par celle de ce mois, pardonne nos pêchés en toute époque ». Dès lors, il apparaît clairement que le pèlerinage de Nimzatt se révèle être un moment privilégié pour chercher à absoudre ses pêchés et demander au Tout-puissant d’accepter le repentir. Et l’illustre fils de Mariama de généraliser la prière : « Seigneur, pardonne les pêchés de notre ascendance et ceux de notre descendance ; pardonne les pêchés de nos gendres et ceux de nos parents. Et accorde le plus parfait salut et la plus parfaite paix à Ton Prophète qui a transcendé tous les humains ». Alors en quittant Nimzatt, le fidèle khadre devra alors couronner son séjour par cette prière : «Seigneur, par la dimension du secret que tu as mis en Sa’-dou Abih, rends-moi puissant, accomplis-moi tous mes espoirs sur les routes de l’accomplissement ».

Cheikhna Cheikh Saad, c’est le souci constant de l’élévation de son disciple dont il se veut l’intercesseur à des moments de doute et de déperdition. Et tout naturellement, il s’est fait l’obligation de formuler ce vœu pieux : « Accorde-moi le privilège de boire à l’abreuvoir du Prophète avec ceux qui m’ont estimé dans le Paradis de Illiyin (…) ainsi que mes parents et tous ceux qui ont enfanté et leurs deux parents jusqu’aux premières origines. Ainsi que les gendres, leurs enfants, les disciples et les parents de tous ceux-là et leurs petits-fils et tout croyant et tout musulman. Par la Nation du Prophète et toutes les autres Nations». Qad infarad (L’unique et l’Isolé).

Mieux, il invite le fidèle sur le chemin de l’accomplissement des désirs (Wassilatoul Maqassidi) ; ce poème aux vertus insoupçonnées. « Je l’ai appelé la voie d’accès aux buts (que l’on se propose) en ce qu’il renferme d’éloges du plus Excellent». La force du disciple khadre réside dans ce vers : « écarte de nous celui qui nous envie. Ôte-lui le plaisir de vivre. Installe-le perpétuellement dans l’ennui qui augmente chaque année »
Nimzatt, le cœur d’une Nation islamique ouest-africaine

« Fais Mon Dieu de mon Etat, un Etat puissant et stable ». L’idée d’une Nation islamique ouest-africaine : des confins de la Mauritanie aux rivières du Sud avec le Sénégal comme pôle hégémonique se retrouve exposée dans un des ouvrages de Cheikhna Cheikh Saad-bouh intitulé « Yaz dadou fi kouli sanah » (Que la grâce divine s’amplifie d’année en année). D’autant plus que Cheikhna Cheikh Saad-Bouh se veut absolu dans la formulation de cette volonté inébranlable : «accordes-nous la souveraineté dans tous les pays. Et la souveraineté sur toutes les races de tes adorateurs. Et accordes-moi la satisfaction de mon désir qui augmente chaque année». C’est la preuve qu’il a compris que l’Islam pouvait être une force fédérative qui transcenderait les limites territoriales imposées par le fait colonial. Mieux que la démocratisation de charge mystique par l’élévation de disciples originaires de différentes contrées de la sous-région ouest-africaine au grade de « Cheikh » pouvait servir de trait d’union dans la consolidation d’un espace mystico-religieux bâtie sur les principes inaliénables de l’Islam faits de tolérance et de sollicitude.

Cette approche organisationnelle du fait religieux ne saurait être assimilée à une forme de sécession face à l’hégémonie de l’ordre colonial. Car, Cheikhna Cheikh Saad-Bouh n’a jamais été un partisan du soulèvement armée contre la colonisation française. Bien au contraire, il a été d’un soutien inestimable des autorités coloniales dans la pacification du pays maure, en récusant toute option militaire face aux Français ; posant ainsi, le premier, les actes d’un dialogue islamo-chrétien. Mieux, lorsque son frère Cheikh Malaynine a engagé la résistance armée, Cheikhna Cheikh Saad-Bouh lui a envoyé un commandant pour lui rappeler les principes qui guidaient la ligne d’action de leur vénéré père Cheikhna Mohamed Fadel qui avait banni le port d’armes chez ses illustres fils.
Aujourd’hui, de la Mauritanie au Nigéria, l’espace religieux d’obédience khadrya créé par Cheikhna Cheikh Saad-Bouh constitue un maillon essentiel dans l’intégration confrérique. Au point que Nimzatt soit, le temps du ramadan, la capitale de cette nation ouest-africaine khadrya.

Par Doudou Sarr NIANG
lesoleil.sn


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