"La menace terroriste, est présente et actuelle", estime un expert sécuritaire de haut niveau. C’est le principal enseignement, très partagé du reste, que l’on peut tirer des informations obtenues à l’issue de la toute dernière enquête menée par les services de sécurité, laquelle, a permis le démantèlement de l’organisation "Ansar Allah, El Mourabitoune vi biladi Chinguitt", le nom officiel du "Tandhim" dirigé par El Khadim Ould Semane (photo).
Mais, ce démantèlement même s’il est de nature à décourager d’éventuels recidivistes, ne doit pas être perçu comme une victoire définitive, souligne d’autres observateurs. «Il faut rester vigilants pour quelques temps encore et disposer d’un système d’alerte et de réaction efficace» note un officier à la retraite. Selon lui, les risques récurrents relèvent de plusieurs ordres : la très probable réaction d’Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) après l’ affront subi à Nouakchott, les cellules dormantes chez nous, qui peuvent être activées à tout moment par leurs mentors algériens et enfin le retour de jeunes "égarés" des bases de l’AQMI au nord du Mali et au sud de l’Algérie, qui peut lui aussi, contribuer à la reconstitution d’une nouvelle organisation. "Ansar Allah, El Mourabitoune vi biladi Chinguitt" a reçu à la fois le soutien de deux émirs d’AQMI qui semblent avoir tiré les leçons de l’attaque d’Aleg, de laquelle ils n’ont pas été informés au préalable et qu’ils n’ont pas revendiqué. Moctar Belmoctar et Yahya Abou Amar ont apporté leur appui à l’Emir d’ "Ansar Allah" pour fédérer l’ensemble des cellules en vue d’une meilleure action. Après son arrestation, ce ne sont pas malheureusement les hommes déterminés comme Ould Semane qui manqueront à AQMI, laquelle, pourra ressusciter une structure mauritanienne, faire appel au peloton des mauritaniens qui lui ont prêté allégeance. Des confins du Sahara occidental du Tiris, de l’Adrar ou de l’Inchiri, AQMI a démontré qu’elle peut opérer à Nouakchott. Ses inconditionnels, tels Tiyeb Ould Sidi Aly, Taghi Ould Youssouf, El Hadj Ould Abdel Kader ou Sall Hassan, pourraient se voir confier la restructuration des cellules salafistes jihadistes mauritaniennes. C’est en septembre 2007 que l’AQMI a donné son aval à la création de "Ansar Allah, El Mourabitoune vi biladi Chinguitt" qui recrutait principalement parmi les jeunes issus des milieux défavorisés. En octobre 2007, les "Ansar" signent leur première action armée à Nouakchott : Le braquage du fourgon de transport des fonds du Port Autonome de Nouakchott. Le butin de guerre obtenu (55 millions d’UM) a permis de renflouer l’AQMI et «Ansar Allah» qui s’est servie de sa part de butin (10 millions d’UM) pour louer des villas dans les quartiers les plus chics de Nouakchott, recruter parmi les jeunes et procéder même à des opérations... caritatives au bénéfice des défavorisés. C’est de l’une de ces villas, que les éléments d’ "Ansar Allah" étaient partis attaquer le 1er février 2008 la boite de nuit VIP et l’ambassade d’Israël et c’est dans l’une d’elles, que son noyau dirigeant fut débusqué le 7 avril avant qu’il ne livre une féroce bataille (avec les kalachnikov et les grenades) aux forces de sécurité. Une bataille qui s’est soldée par la mort d’un officier de police et celle deux salafistes dont "Abou Mouadh" l’artificier d’ "Ansar Allah". C’est dans ses caches à Tevragh Zeina, qu’ "Ansar Allah" recevait ses hotes dépêchés par l’AQMI pour des missions ponctuelles comme le convoyage des armes et des explosifs, l’attaque du fourgon ou l’organisation de l’enlèvement (raté) un diplomate occidental en poste à Nouakchott. La dernière mission dépêchée par AQMI à Nouakchott comprenant Taghi Ould Youssouf et le nigérien "Abou Doujana" était présente à Nouakchott le 7 avril. C’est après le déclenchement de l’accrochage du "Centre émetteur" que ses membres ont levé l’ancre à bord d’une Land Cruiser grise portant de fausses plaques d’immatriculation mauritaniennes. Après avoir réussi à briser le blocus sur la villa du "Centre émetteur" et enlevé la voiture de Ould Nana, les jihadistes avaient envisagé la soirée du 7 avril d’accompagner la mission d’AQMI qui les a longtemps attendu sur la route d’Akjoujt. Finalement le noyau dur d’ "Ansar Allah" avait préféré rester à Nouakchott. Il y avait Khadim, Tiyeb Ould Sidi Ali (en cavale), Maarouv, Sidi Ould Sidna et Moctar Ould Louly, étant entendu que Moussa Ould Mohamd Ndeye «Oussama» et Ahmed Ould Radhy «Abou Mouadh», avaient été tués au cours de l’accrochage et leurs corps étaient restés, pour le premier, devant la villa encerclée et pour le second, non loin de la route de Nouadhibou. Trois jours après l’accrochage (le 10 avril) Maarouv Ould Habib était arrêté. C’est le debut découverte du programme d’"Ansar Allah" et de ses caches. Khadim Ould Semane et Sidi Ould Sidna vont néanmoins rester en cavale jusqu’au 29 avril comptant 22 jours durant sur le réseau de l’Organisation. Le premier à être arrêté fut Ould Sidna, puis c’est Khadim. La page d’ "Ansar Allah" est tournée. Celle du salafisme jihadiste demeure, hélas, ouverte.
Attentats à l’explosif : "Ansar Allah" n’en voulait pas Des bouteilles de gaz propane ont été découvertes dans les caches d’ "Ansar Allah" à Tevragh Zeina avec des charges explosives à base de nitrate et des détonateurs de gamme civile ainsi que des ceintures explosives pour Kamikaze. Les charges explosives étaient reliées à des cordeaux détonants. Ce terrible arsenal notamment pour les explosifs dans les bouteilles de gaz, allait être utilisé dans un attentat contre l’ambassade d’Israél. Par contre les victimes de ceintures explosives n’ont pas été identifiées tout autant que les potentiels Kamikaze. Mais il semble que l’Emir d’ "Ansar Allah" s’est opposé à l’utilisation des explosifs estimant qu’il ne veut pas «tuer les musulmans» dont «les gardes et les voisins mauritaniens de l’ambassade d’Israël». Cet arsenal devait -selon lui- être utilisé contre une éventuelle base militaire américaine dont les salafistes sont convaincus de l’installation en Mauritanie. " Si nous le pouvons, nous utiliserons contre eux (les americains) la bombe atomique" a déclaré un dirigeant jihadiste aux enquêteurs. Les armes individuelles et collectives ainsi que les substances explosives (TNT et nitrate) ont été envoyées par AQMI. Certains produits ont été achetés sur le marché local. S’il faut remercier le ciel pour les problèmes de conscience de l’un des dirigeants d’ "Ansar Allah" qui n’a pas voulu commettre des attentats de peur de "tuer des musulmans", il faut avoir à l’esprit que de tels états d’âmes peuvent ne pas encombrer d’autres jihadistes aigris, endoctrinés et convaincus par leurs mentors que leur gouvernement et leurs concitoyens, ne sont autres que des apostats et des impies. IOM
Quelques "faits d’armes"
Des actions violentes attribuées aux jihadistes mauritaniens et leurs alliés algériens ont été recensées depuis février 2005. En voici la liste, de celles, qui sont connues.
Le "GIMPJ" enlève de force un véhicule de World Vision En février 2005, un véhicule de marque Prado appartenant à l’Ong World Vision était enlevé sous la menace d’une arme. Selon l’enquête, cette action avait été menée par un certain "Al Ghalghami" recherché depuis et jamais arrêté. "Al Ghalghami" était supposé être le chef de l’aile militaire d’un "Groupe Islamique Mauritanien pour la Prédication et Jihad" (GIMPJ) plus lié aux organisations jihadistes du Moyen Orient que celle du Maghreb. Le demantelement du GIMPJ avait été annoncé par les autorités en mars 2005 (sous Ould Taya) son l’existence n’avait pas convaincue parcequ’annoncé par une police assimilée à l’époque, comme étant celle d’un régime et non d’un pays. Un sentiment qui demeure vivace malheureusement. La politique politicienne et la faiblesse du sentiment patriotique y sont pour quelque chose.
Le massacre de Lemgheiti Le massacre de Lemgheiti a eu lieu le 4 juin 2005. Le GSPC rebaptisé plus tard Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) a attaqué le poste militaire de Lemgheiti tuant 15 soldats mauritaniens et blessant 17 autres. Malgré une «enquête internationale» menée en juillet 2005 (par des intellectuels aussi dogmatiques dans leurs convictions que les salafistes) qui avait conclu à un montage des renseignements de Ould Taya et des segments de son régime, une enquête menée en juin 2006 a pu prouver le contraire. L’attaque de Lemgheiti était la réaction du GSPC à l’arrestation en mars 2005 des salafistes mauritaniens qui venaient de débarquer en Mauritanie en provenance des camps du GSPC ainsi que l’arrestation des Oulémas et la mort au cours d’une manifestation d’une mauritanienne (Zeinebou mint Youssouf) . La ferveur patriotique née après l’attaque de Lemgheiti s’est vite dissipée. Le 3 août 2005 se préparait. Le procès de juillet 2007 n’a même retenu l’accusation de participation à l’attaque de Lemgheiti contre deux prévenus, sur lesquels, pesaient des charges consistantes. Ils ont été poursuivis et condamnés…. pour falsification de pièces d’identité. Comprendra qui peut !
Meurtre des touristes français Maarouv Ould Habib, Sidi Ould Sidna et Mohamed Ould Chabarnoux, trois jeunes mauritaniens ayant séjourné dans les camps d’AQMI et organisés au sein d’une cellule autonome d’ "Ansar Allah El Mourabitoune" (pourtant opérationnelle depuis septembre 2007), ont assassiné le 24 décembre 2007, quatre touristes français et blessé un cinquième. "Ils étaient accusés de liens avec les services de sécurité et voulaient démonter qu’ils sont dignes d’être acceptés par AQMI" a indiqué un jihadiste aux enquêteurs. Braquage d’un fourgon de transport de fonds Le 23 Octobre 2007, quatre hommes ont intercepté non loin du Port autonome, une Toyota Carina qui transportait la recette quotidienne des douanes du Port Nouakchott. Ce groupe qui comprenait Khadim Ould Semane a fait main basse sur 55 millions d’ouguiyas. «L’argent est le nerf de la guerre», dit-on.
L’embuscade d’El Ghallawiya Un commando d’AQMI se pavanait le 27 décembre 2007 à Ghallawiya dans l’Adrar mauritanien et visait des touristes européens sinon une mission d’européens qui séjournait dans la zone. Repéré par un poste militaire le commando est poursuivi. Il tend une embuscade à nos soldats, les tue et disparaît: Un Lemgheiti bis.
La double agression contre le VIP et l’ambassade d’Israël Elle a eu lieu la soirée 1er février 2008 à 2h 10mn, et a visé l’Ambassade d’Israël et le restaurant VIP. Deux blessés ont déplorés. " On voulait rehausser le moral des Moujahidines après le lynchage médiatique lancé contre eux, après l’attaque d’Aleg " a déclaré l’un des assaillants aux enquêteurs.
L’accrochage du "Centre Emetteur" On dit que la Police a été guidée sur les lieux de l’accrochage avec à la collaboration d’une taupe, sinon grâce aux écoutes téléphoniques. Toujours est-il que la fin d’après-midi du 7 avril restera mémorable par la violence de l’accrochage qui s’y est produit, pour les habitants du module "L" du "centre émetteur" et spécialement pour l’ancien ministre El Moudir Ould Bouna dont le domicile jouxte celui qui servait de base aux jihadistes. Un accrochage qui a fait trois morts : deux salafistes et officier de police ainsi que neuf blessés au sein de la police.
Pourquoi ? L’endoctrinement des jeunes mauritaniens dans l’école salafiste jihadiste est sans nul doute lié à notre propre contexte, ses injustices, sa répression, ses frustrations, mais aussi à l’émergence chez nous au début des années 80 de centres de prêches moyen orientaux. Il y a également les rancoeurs liées contexte politique du monde musulman : occupation de la Palestine, de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Tchétchénie et les actes attentatoires aux divinités et croyances des musulmans. Toute une littérature va constituer une sorte de conditionnement, de préparation psychologique au jihad. Des cassettes audio très écoutées en Mauritanie font l’apologie du jihad et appellent les jeunes à devenir des martyrs pour la purification de la Oumma Islamique. "Enna imou lâ youd rakou bi, Na’ imi " (en français, "la voie du paradis ne passe pas par le paradis terrestre" disait Ali Al Gharni, l’un des idéologues du jihad les plus écoutés, dans ses prêches. Des milliards d’ouguiyas ont été également donnés par des "mécènes" du Golfe pour la construction de mosquées, de mahadras et d’instituts en Mauritanie, lesquels, sont souvent utilisés comme des tribunes d’expression à l’islam radical. Contrairement aux "Douate Teblighiyoune" qui ne font pas de politique (même s’ils demeurent un passage obligé, une sorte de probatoire) et aux "Frères musulmans" qui sont plus politiques en acceptant de participer aux processus démocratiques car ils ont eu à méditer l’expérience de la "Jammaa islamiya" d’Egypte et celle de la "Nadha" en Tunisie ; l’école salafiste et ses disciples, est beaucoup plus dogmatique. Elle refuse la participation au jeu politique moderne. Cette école estime que les dirigeants du monde musulman sont des apostats parcequ’ils n’appliquent pas la charia. L’Etat impie, ses ressources et ses symboles deviennent donc des cibles.
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