Les résultats enregistrés par les forces de sécurité mauritaniennes dans la chasse engagée contre les cellules jihadistes semblent avoir du succès. Une trentaine de jeunes ont été arrêtés jusqu’à présent et les interpellations se poursuivent au sein d’une nouvelle organisation jihadiste dénommée «Ansar Al Islam» dont l’Emir national serait Khadim Ould Semane et devant lequel, plusieurs jeunes salafistes mauritaniens ont déjà prêté allégeance (Bey’a).
Cette organisation semble curieusement affiliée à Moctar Belmoctar (Bellaouar) lequel serait en pourparlers avec les autorités algériennes pour se rendre. Il a même déjà été remplacé par Yahya Abou Amar, devenu nouvel Emir du Sahara pour Al Qaida au Maghreb Islamique. Aussi convient-il de se demander si Al Qaida au Maghreb Islamique a bien accordé son label à «Ansar Al Islam» ou si cette dernière refléterait l’éventuelle dissidence de Moctar Belmoctar et de se demander: d’où l’Emir mauritanien d’ «Ansar Al Islam» tire-t-il donc sa légitimité ? Dans le milieu salafiste jihadiste l’allégeance prend trois formes. Il y a l’allégeance indirecte à une personne attitrée par AlQaida au Mahghreb Islamique contrairement à l’allégeance directe qu’effectue le jihadiste directement devant cette organisation. Il y a aussi l’allégeance à une personne qui a autorité sur sa base, qui peut prêter ou non, allégeance à l’organisation mais dont les «talibés» n’ont aucune relation directe avec elle. Mais que l’allégeance d’ «Ansar Al Islam» soit à AlQaida au Maghreb, à l’un de ses anciens dirigeants ou qu’elle émane d’une personne attitrée, il est évident que les cellules salafistes mauritaniennes dont la moyenne d’age des membres, avoisine à peine, les 20 ans et qui proviennent de toutes les ethnies du pays, sont organisées en cellules de 4 ou 5 personnes, évoluant sans coordination, sous les ordres directs de leurs commanditaires algériens. La preuve a été apportée -entre autres- avec les récentes révélations sur le braquage en octobre 2007 du fourgon de transport des fonds du Port Autonome de Nouakchott. Un braquage programmé avant avril 2006 (bien lire, 2006 !) comme l’avait attesté une enquête de la Sûreté de l’Etat menée à l’époque. Ainsi, la cellule qui a attaqué les touristes français à Aleg en décembre 2007, n’avait aucune relation avec celle qui a braqué le fourgon du Port Autonome deux mois auparavant. Cette dernière comportait deux étrangers un malien et un nigérien venus spécialement pour la mission. Il arrive aussi dans une sorte de géométrie variable que les cellules s’ouvrent à d’anciens adhérents à d’autres cellules. Sidi Ould Sidna après son évasion n’a-t-il pas prêté allégeance à l’Emir d’ «Ansar Al Islam» ? Au sein de cette nouvelle organisation plusieurs cellules dont des membres ont été recrutés ici ou sont venus du maquis, ont semble-t-il fusionné. C’est grâce à la collaboration entre des membres de cette organisation et des jihadistes venus de l’étranger qu’il y a eu le braquage du fourgon du Port. Ce sont les membres d’ «Ansar Al Islam»qui ont loué plusieurs villas au «Centre Emetteur» et acquis du matériel de guerre venus semble-t-il directement des maquis du nord du Mali ou du sud Algérien. Ce sont les membres de «Ansar Al Islam»qui sont également responsables de l’attaque de la boite de nuit «VIP» attenante à l’ambassade d’Israël à Nouakchott, qui ont livré le 7 avril dernier, la bataille du «Centre Emetteur» et se préparaient à commettre des attentats à l’explosif contre les ambassades de France et d’Israël ainsi que contre des intérêts occidentaux et des centres de commandement nationaux. La présence de deux artificiers au sein d’ «Ansar Al Islam» : Ahmed Ould Radhy décédé des suites de la fusillade du 7 avril et Ahmed Ould Beidou dit «Abou Mous’ab» ainsi que la découverte d’explosifs accréditent la thèse d’attentats en préparation. «Abou Mous’ab» unique mauritanien à commander une unité opérationnelle dans le maquis d’Al Qaida au Maghreb n’ayant jamais été arrêté, pose problème, tout comme Tiyeb Ould Sidi Ali, un autre jihadiste jugé dangereux, à la lumière de sa participation présumée à l’accrochage du «Centre Emetteur». Avec l’arrestation de Ould Semane et de Ould Sidna les forces de sécurité mauritaniennes ont incontestablement frappé un grand coup. Il est cependant très tôt de crier victoire. La vigilance doit rester de mise pendant quelques mois encore. Car même décapitées comme c’est le cas actuellement, les cellules jihadistes ont une certaine capacité de regenerescence et d’adaptation. La ré arrestation de Sidi Ould Sidna sonne le glas Les cellules démantelées a-t-on appris de sources officielles sont impliquées dans l’attaque du fourgon de transport des fonds du Port de l’Amitié (en octobre 2007), le meurtre des touristes français (en décembre 2007), l’attaque contre la boite de nuit «VIP» attenante à l’ambassade d’Israël à Nouakchott (1er février 2008), et la fusillade du «Centre Emetteur» (7 avril). Sidi Ould Sidna dit «Abou Jendel», évadé le 2 avril 2008 du palais de la justice, a été bien ré-arrêté en début de soirée du 30 avril à Teyarett, dans un domicile, où il s’était rendu sur ordre de Khadim Ould Semane. Ould Sidna a été maîtrisé quelques instants après son arrivée dans ce domicile. Et c’est sa collaboration qui a permis la réussite de l’opération lancée à 5 H du matin, la même soirée, contre une maison sise à Arafat, à quelques kilomètres du lieu de son arrestation, maison qui abritait Ould Semane. Par contre Taghi Ould Youssouf activiste salafiste objet d’un avis de recherche n’a pas été arrêté contrairement à ce qui a été annoncé le 30 avril par une source officielle, citée à tort par l’Associated Press, et par plusieurs agences de presse. Ould Youssouf a été vraisemblablement confondu avec Hemed Ould Salem. Ce dernier, taximan de son état, est un islamiste connu des services de sécurité qui l’ont déjà interpellé, en 2005. Sa relation très étroite avec Khadim Ould Semane remonte à cette époque. C’est chez Hemed Ould Salem à Arafatt, que l’assaut a été donné permettant ainsi d’arrêter Ould Semane. Par la suite, il y a eu l’arrestation de Momme Ould Mohamed au quartier Mellah, et de Cheikh Bâ (un ex-gendarme) dans un autre quartier d’Arafatt ainsi que celles de Tiyeb Ould Mohamed El Moctar à Toujounine et de Yehdih gérant d’un cyber café au «Carrefour» fréquenté par les jihadistes, comme l’avait révélé l’enquête de janvier 2008. Les perquisitions effectuées dans le cadre de ces interpellations ont permis de découvrir des armes de type Kalachnikov, des grenades et même des ceintures explosives, a-t-on appris de sources sécuritaires. Un fusil Mac 80 a également été découvert dans une cache à Toujounine. Les interpellés sont interrogés dans les locaux de l’Etat major national par une commission d’enquête mixte regroupant plusieurs services de sécurité. Ils ont été confrontés avec d’autres jihadistes déjà arrêtés, notamment, Maarouve Ould Habib, Yacoub Ould Louly, Amar Ould Mohamed Saleh dit «El Bettar» et Ould Mohamed Cheikh. D’autres interpellations ont eu lieu la matinée du 1er mai 2008 et se poursuivent toujours. Elles ont concerné -rapporte une source proche des enquêteurs- les dénommés Mohamed Ould Daddah Ould Semane, et deux autres personnes dont l’une, s’appelle Ould Brahim Salem et la deuxième Ould Bahiye. «Plusieurs personnes soupçonnées d’avoir porté assistance et accordé refuge aux terroristes ont également été arrêtées", avait déclaré le procureur de la République Mohamed Vall Ould Tiyib au cours d’une conférence de presse tenue le 30 avril. Le démantèlement des cellules salafistes jihadistes a eu un grand coup d’accélérateur avec la re-arrestation en début de soirée du 30 avril de Sidi Ould Sidna. La prime de 5000 000 d’UM pourrait avoir joué un rôle non négligeable dans son arrestation. L’arrestation le 10 avril 2008, de Maarouve Ould Habib «Emir» du commando d’Aleg n’avait pas fait évoluer la traque vers la capture de ses amis. Bien que les perquisitions ayant suivies son interpellation aient permis de découvrir des caches d’armes et que des arrestations l’aient suivies, aucune trace des deux principaux recherchés n’avait été trouvée. Il a fallu attendre le 30 avril pour que soient arrêtés Ould Sidna et Ould Semane. Pour le moment, Tiyeb Ould Sidi Ali, Ahmedou Ould Beidou, Taghi Ould Youssouf, El Hadj Ould AbdelKader et Moctar Ould Sidi manquent au tableau de chasse des forces de sécurité. Ce groupe est considéré comme étant parmi ceux qui ont fait allégeance à Al Qaida au Maghreb Islamique. Les trois derniers seraient responsables de l’acheminement des armes et des explosifs en Mauritanie.
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