Jihadiste évadé : Qui est-il, que va-t-il faire ?   
03/01/2016

Plus de deux jours se sont écoulés sur  l’évasion en fin  de journée du 31 décembre 2015 de Saleck Ould Cheikh de la prison civile de Nouakchott dans des circonstances inconnues. A-t-il creusé un tunnel ? Est-il sorti déguisé en garde ou  habillé en femme comme les trois  salafistes évadés de la même prison en 2006 ?  A-t-il bénéficié d’une quelconque complicité ?



On  en sait rien  à ce stade de l’enquête.   Interpellé dans la forêt de Feita (Brakna) le 5 février 2011 Ould Cheikh  faisait partie d’une caravane de 3 Land Cruiser, dont deux piégés, envoyés par AlQaida au Maghreb Islamique (Aqmi)  pour commettre des attentats à Nouakchott déjoués par l’Armée mauritanienne . Le véhicule qui le transportait avec le mauritanien Zoubeir désigné kamikaze de l’opération   ainsi que  le Buissau guinéen Galicia s’est enlisé dans le sable dans la région de Rkiz (Trarza)  la nuit du 2 février à l’approche d’une patrouille de l’Armée . Galicia se fera arrêter aussitôt tandis que  Ould Cheikh et Zoubeir tenteront de regagner Podor au  Sénégal. Dans leur cavale qui  a duré  3 jours, un gendarme qui a eu la malchance de les croiser  fut  tué dit-on, par Zoubeir, lequel,  aurait par la suite  préféré mourir que se rendre aux   militaires mauritaniens qui avaient débusqué les deux fugitifs . 
Ould Cheikh  se rend les mains en l’air,  habillé en culotte. Cette image probablement filmée par les militaires a fait le tour de la toile. Quelques jours après,  il  passe à la repentance sur la Télé publique la soirée du 9 février , exprime son  repentir par rapport à la violence qui peut affecter des musulmans innocents et appelle les jeunes dans les groupes armés au Nord-Mali à déposer les armes et à regagner le pays sans crainte . Condamné à mort et ne risquant guère de se retrouver face au peloton d’exécution car la Mauritanie applique un moratoire de fait depuis 1987, Ould cheikh  s’est marié en prison et a eu un enfant âgé aujourd’hui de 10 mois.  Ce qui ne le calme pas car il est régulièrement cité dans les mutineries  qui secouent la prison civile et particulièrement dans la prise en otage d’un garde en janvier 2015. En mars il envoie une lettre publiée dans des medias annonçant qu’il entame une grêve de la faim car il aurait été torturé par des gardes pénitenciers.


Qui est-il ?
Court de taille, trapu,  teint basané,  niveau secondaire,   ce  jeune ksarois originaire d’Atar  est  né en 1984. Il  s’est radicalisé en 2006 au contact de certains  prédicateurs  dont Abou Aymane un mauritanien tué en Algérie en 2009. Assidu aux prières à la Mosquée d’El Boukhary et aux prêches  d’Al-Majlissi   il avait ouvert en 2007 une échoppe au marché du Ksar où il vendait les sermons   salafistes de Ben Laden,  Hafidh Dawsari, Bandar Leteybi et d’autres. La bicoque propagandiste  a été fermée par les Autorités, la même année. Début 2008, une enquête indique qu’il était  à Dakar pour une commission pour le compte d’un élément du trio responsable en décembre 2007 du meurtre des touristes français à Aleg, quelques jours avant  leur interpellation en Guinée Buissau. Il ne figurait pas parmi les nombreux prévenus  arrêtés suite  au meurtre des touristes français et au démantèlement de l’organisation «Ansar Allah»,  en avril 2008. C’est de la Mauritanie  qu’il est reparti au Nord-Mali en janvier 2009 dans un bus de la Sonef . Et il n’était pas seul  dans ce bus,  qui transportait également deux éléments de la cellule qui allait assassiner l’américain Christopher Legett en juillet 2009. Ould Cheikh  intègre Seriyat El Fourghane puis Katibate El Moulthemoune . Il mène des missions de repérage en Mauritanie et participe à des accrochages avec l’Armée malienne  notamment à El Wasre. Par la suite,  il a rompu avec Aqmi parce qu’il s’ennuyait dit-on, et s’est installé une bonne partie de l’année 2009 et presque toute l’année 2010 entre le Sénégal et la Guinée Bissau. C’est en novembre 2010 qu’il a de nouveau regagné les camps d’Aqmi au Tegharghar. L’organisation laminée par les raids répétitifs de l’Armée mauritanienne en  territoire malien  trois années avant Serval et Barkhane envisageait  de mener une action d’éclat à Nouakchott. L’idée de s’attaquer au Président Aziz  envisagée en juillet  2010 a été vite délaissée. L’élément chargé du renseignement  ne transmettait que des dépêches de l’AMI. Belmokhtar et Nabil Abou Alghama ont alors opté pour deux cibles : la Direction Générale de la Sureté et l’Ambassade de France. Deux missions de reconnaissance ont été envoyées à cet effet en septembre 2010. Les services mauritaniens étaient au parfum du projet et le suivaient de prés,  d’ailleurs, depuis l’achat à Gao de la cargaison de  nitrate d’ammonium qui a servi à piéger les véhicules destinés à la mission. Le 24 janvier 2011  les voitures  entament un vrai «Paris-Dakar» en quittant  la montagne de Tegharghar entre Kidal et Tessalit  en direction de Tabenkort , puis Zouiera vers Tombouctou, et  Léré, Nampala,  Djema, Khayes,  Bokodjamé puis  Selibay et Arr. Le convoi emprunte  de pistes longeant Mbout, Lexeiba, Foum Legleita,  Monguel avant de déboucher sur la route Aleg-Boghé et de prendre une piste vers Rkiz . L’une des voitures s’y enlise et son équipage et sa charge explosive  sont  neutralisés. La seconde avance vers Nouakchott  et se fait pulvériser, la troisième rebrousse chemin et se volatilise. Le projet d’ébranler la Mauritanie vole en fumée !


Que va-t-il faire ?
L’évasion de Ould Cheikh après 5 années de détention semble avoir été savamment préparée mais pourra très mal se terminer. D’abord pour le fugitif, pour sa famille et pour  d’éventuelles cellules dormantes ou en recomposition. Les recherches engagées pour le retrouver le pousseront à adopter deux choix suicidaires : se terrer avec le risque que cela comporte, sinon marcher, marcher, marcher  sur des centaines de kilomètres  en empruntant des pistes  au nord,  à l’est et au sud  censées l’amener au Mali où la situation n’est plus la même qu’en 2011. Et  tout revient en définitive, au programme de l’évasion elle-même, car il est quasi certain qu’il ne s’est pas enfui  pour mener une vie ordinaire et qu’il faudrait donc  bien s’attendre à quelque chose d’extraordinaire.
IOMS


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