Les délégués des grévistes de la SNIM à Zouerate se sont retirés en milieu de journée du 1er avril d’une réunion organisée par le maire de cette ville. Une rencontre cruciale est prévue en fin d’après-midi et sera suivie par une conférence de presse annonçant l’échec des négociations.
Le délégué Ould Aboily a déclaré qu’ils ont été «chassés» de la réunion par le maire de Zouerate après leur refus d’une nouvelle formule proposant de revoir à la baisse leurs indemnisations pour les salaires de février et mars et d’accepter que des sanctions restent maintenues contre 20 grévistes.
La nouvelle formule assortie d’une garantie sous forme d’engagement verbal du maire de Zouerate est -selon un syndicaliste- une "version non améliorée" de l’accord accepté par les deux parties à l’entame des négociations il y a 48 heures qui comprenait la suspension des sanctions prononcées par la SNIM contre les grévistes et son engagement à ne pas les sanctionner après la reprise, le paiement de deux mois de salaires et d’un sursalaire et l’ouverture de négociations les 48 h qui suivent la reprise du travail.
Cette première version a été rejetée par la SNIM et le maire de Zouerate aurait -rapportent des medias- promis aux grévistes de la faire accepter par les "hautes autorités" avant qu’une nouvelle formule ne soit proposée aux grévistes qui se sont empressés de la rejeter.
Selon nos sources sur place, le climat serait tendu à Zouerate et les commerçants ont fermé leurs échoppes craignant des émeutes similaires à celles de mai 2013 qui avaient emporté l’ancien Wali du Tiris Zemmour le colonel Bamby Ould Baya .
Longtemps négligée par la direction de la SNIM, minimisée récemment par le président de la République dans sa conférence de presse du 26 mars, la grève de milliers d’employés de la SNIM a bouclé son deuxième mois et cessé d’être une affaire de province pour prendre une dimension nationale.
Le mouvement s’est propagé il y a plus deux semaines à Nouadhibou où les épouses et enfants des grévistes de la SNIM ont organisé le 29 mars un sit-in dispersé à coups de grenades lacrymogènes, devant la résidence de l’administrateur directeur général.
A Nouakchott, le pôle politique du FNDU (opposition) a organisé le 31 mars une marche sous le thème : «Non au pillage et à la faillite organisée de la SNIM ».
Des débrayages sont prévus le 8 avril à la rentrée scolaire au niveau national par les principaux syndicats du pays qui veulent ainsi manifester leur solidarité avec les grévistes dont les délégués ont exprimé leur déception suite aux déclarations du président Aziz dans sa conférence de presse. «Les travailleurs demandent des augmentations de salaires dans une conjoncture difficile, c’est insensé» a dit le président Aziz ajoutant que la production du minerai se poursuit et que ce sont les travailleurs et leurs familles qui souffrent de la grève.
Les délégués des grévistes ont réagi samedi 28 mars de Zouerate aux déclarations du chef de l’Etat indiquant qu’il a paru «insensible au sort des milliers de familles comme s’il était plus, le président de la SNIM que de ses employés».
Dans la journée du 29 mars le chargé de communication de la SNIM a contacté quelques sites internet amis, pour distiller une information comme quoi, les grévistes qui sont «en train de reprendre service n’ont pas été sanctionnés».
Cette information a été démentie le jour même par un communiqué des délégués dans lequel ils l’ont défié de donner "les noms et les matricules" des employés qui ont rompu la grève et porté à la connaissance de l’opinion un ensemble d’incidents graves dont «des accidents de train, un incendie, des blessés, des dégâts causés aux infrastructures à plusieurs niveaux, l’absence de maintenance des équipements de Guelb El Ghain et de l’utilisation de vieillards et de jeunes stagiaires ».
Une «médiation» menée mi-mars par le député de Kaédi Ba Bocar Yahya présenté comme un "envoyé spécial du président Aziz", avait échoué après que ce dernier eut refusé de signer le document relatif au projet d’accord conclu avec les délégués des travailleurs.
Un cadre de la SNIM Bal Amadou Tidiane qui ne la représentait pas (c’est la SNIM qui l’a dit) a assisté aux négociations et refusé de signer l’accord tout comme le Wali du Tiris Zemmour M. Ould Khattri, muté il y a quelques jours au Tagant.
L’«envoyé spécial» décidément très spécial, aurait dit aux délégués que son engagement verbal suffit. Savait-il que les grévistes sont en grève parce qu’ils ont un accord déjà signé (en mai 2014) et non respecté et qu’ils ne pouvaient donc pas prendre ses hâbleries pour argent comptant?
L’accord accepté par les grévistes et dont la signature a été refusé par la « médiation» comprenait plusieurs points : le gel des sanctions prises contre des centaines grévistes, le règlement par la SNIM de trois salaires (février, mars ainsi qu’un sursalaire), la reprise du travail et l’ouverture de négociations sur les points à l’origine de la grève notamment les clauses de l’accord signé en mai 2014 à propos des sursalaires et des primes de production.
En février, des élus de Zouerate avaient tenté une médiation qui leur a permis juste de constater leur manque de crédibilité.
La grève a été déclenchée le 28 janvier à Zouerate suite à l’irrespect par la SNIM de ses engagements signés avec les délégués portant sur des augmentations de salaires qui devaient prendre effet en octobre 2014, en même temps que des sursalaires et des primes sur la production.
Des promesses que la SNIM ne peut plus tenir en raison de la chute des cours du fer sur le marché international et qu’elle aurait d’ailleurs dû ne pas donner, n’étant pas maitre de l’avenir, ni des fluctuations des prix et n’ayant pas à ce qui se voit, constitué de solides réserves capables de répondre à la demande sociale et d’absorber les chocs exogènes. La Société nationale industrielle et minière (SNIM) produit 12 millions de tonnes par an, dont 80% sont vendus à la Chine et le reste à des pays européens . Le fer constitue l’essentiel des exportations de la Mauritanie et contribue entre 25 à 30% au budget de l’Etat. Il est la principale source de devises du pays devant la pêche et le pétrole.
Le maire de Zouerate l’ancien colonel Cheikh Ould Baya a lancé une médiation le 30 mars à travers des réunions avec des élus, des représentants des partis politiques, des religieux, des syndicalistes non grévistes, des épouses de grévistes et leurs délégués. C’est cette nouvelle médiation ressemblant fort à celle de Ba Bocar Yahya qui est toujours en cours mais dont l’échec s’annonce également .
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