Le groupe jihadiste Etat islamique (EI) a revendiqué le 19 mars l’attentat du musée du Bardo à Tunis qui a coûté la vie à 20 touristes et un Tunisien, une attaque inédite depuis 2011 faisant craindre une déstabilisation de la jeune démocratie tunisienne. L’attaque, la plus...
...meurtrière perpétrée par l’EI contre des Occidentaux, a été revendiquée dans un message audio sur internet. Le groupe extrémiste sunnite, qui compte des centaines de combattants tunisiens dans ses rangs, a menacé la Tunisie d’autres attaques. L’opération a été menée, selon l’EI, par "deux chevaliers du califat, Abou Zakaria al-Tounsi et Abou Anas al-Tounsi", "munis d’armes automatiques et de grenades", qui sont "parvenus à assiéger un groupe de ressortissants des pays croisés". L’attaque a frappé le plus prestigieux musée du pays, faisant 23 morts selon un dernier bilan officiel. Quinze d’entre eux ont été identifiés, dont trois Japonaises, deux Français, deux Espagnols, deux italiens et une Britannique. Les touristes ont été la cible des tirs au moment où ils descendaient de leur bus et entraient au musée, dans lequel ils ont été pourchassés. Les autorités ont annoncé la mort de deux assaillants, identifiés comme Yassine Abidi et Hatem Khachnaoui, puis l’interpellation de neuf suspects. Le président tunisien a affirmé que les auteurs de l’attaque portaient sur eux des "explosifs" et que la "promptitude" des forces de l’ordre a "évité une catastrophe". Signe de la tension, la police a encerclé jeudi soir "par précaution" le siège de la Radio nationale à Tunis en raison de "menaces terroristes", selon son PDG Abderrazak Tabib. L’armée va désormais participer à la sécurisation des accès des grandes villes, après que le Premier ministre Habib Essid a reconnu "des failles sécuritaires". Le musée est en effet mitoyen du Parlement où se tenait, au moment de l’attaque, une réunion de cadres militaires et de la justice sur la réforme de la loi antiterroriste. Deux mois et demi après les attentats ayant ensanglanté Paris, le ministre français de l’Intérieur Bernard Cazeneuve est attendu vendredi à Tunis pour évoquer la coopération antiterroriste. L’Italie a annoncé un renforcement de son dispositif en Méditerranée. Depuis 2011, la Tunisie lutte contre un groupe jihadiste lié au réseau Al-Qaïda au Maghreb islamique, la Phalange Okba Ibn Nafaâ, qui a tué des dizaines de policiers et soldats à la frontière algérienne. En outre, au moins 500 Tunisiens ayant combattu en Irak, en Syrie ou en Libye dans les rangs d’organisations jihadistes comme l’EI, sont rentrés dans leur pays et la police les considère comme l’une des principales menaces à la sécurité. L’EI, qui sème la terreur dans les territoires sous son contrôle en Irak et en Syrie, ne cache pas son ambition d’étendre son "califat" islamique à d’autres pays de la région arabe et même en Afrique. Il sévit aussi en Libye, pays frontalier de la Tunisie. Jabeur, un lycéen solitaire devenu tueur au musée du Bardo Jabeur Khachnaoui, l’un des deux tueurs du musée du Bardo de Tunis, était un jeune lycéen pieux, solitaire et sans histoire jusqu’à son départ surprise en Libye et peut-être en Irak, raconte l’un de ses proches interrogé par l’AFP. Membre de la famille, ce proche n’a pas souhaité être identifié, d’autant que les deux frères Maher et Mourad, la soeur Loubna, et le père de Jabeur, Ezzedine, ont été arrêtés dans la nuit de mercredi à jeudi 19 mars. Né en 1994 à "Ibrahim Zahar", un village de la région de Kasserine, près de la frontière algérienne, Jabeur Khachnaoui a mené une enfance solitaire dans une famille pieuse et modeste sans être pauvre, dit-il. Son père exploite un petit terrain agricole, qui assurait une vie relativement confortable à la famille. Leur maison, bien tenue, avec plusieurs chambres, dispose de l’eau courante et de l’électricité, a constaté une journaliste de l’AFP. Le proche assure que toute la population de ce village est très croyante et que certains "durs" y résident, sans pour autant être salafistes. Jabeur a effectué sans histoire sa rentrée au lycée en septembre 2014 et devait passer son baccalauréat à l’issue de l’année scolaire. Le premier trimestre s’est déroulé normalement. D’ailleurs ses trois oncles travaillent dans cet établissement: l’un enseigne la philosophie, un autre est professeur de sport et le dernier y est surveillant général. De son côté, Jabeur jouait le rôle d’imam pour ses camarades lors des prières, mais ses prêches n’ont jamais été signalés pour "extrémisme". Aucun élève n’aurait semble-t-il rapporté une dérive du jeune homme. Selon le membre de sa famille, il a soudainement disparu au mois de décembre et ses parents ont appris peu après qu’il aurait rejoint la Libye, un déplacement confirmé par le ministère tunisien de l’Intérieur. Par ailleurs, Jabeur a contacté ses proches depuis un téléphone irakien, et son père a alors averti la police que son fils se trouvait peut-être dans ce pays. Des milliers de jeunes Tunisiens combattent, selon les autorités, dans les rangs des jihadistes en Syrie, en Irak et en Libye. Enfin, Jabeur était particulièrement proche de sa soeur Loubna, à qui il confiait ses secrets. Il lui a ainsi payé une opération à l’oeil ayant coûté 5.000 dinars (2.300 euros), une fortune pour la plupart des Tunisiens, qui plus est dans cette région déshéritée, selon le proche interrogé par l’AFP. Neuf arrestations Neuf personnes ont été arrêtées dans le cadre de l’enquête sur l’attaque commise au musée du Bardo. Les forces de sécurité sont toutefois toujours aux prises avec une rébellion islamiste qui compte dans ses rangs le groupe Ansar al Charia, placé par Washington sur sa liste des organisations terroristes et Okba Ibn Nafaa, petite brigade de combattants affiliés à Al Qaïda opérant dans les montagnes le long de la frontière algérienne, étaient responsables de cette attaque. L’attaque semble avoir directement visé une économie tunisienne dans laquelle le tourisme compte pour 7% du produit intérieur brut. "Nous avons une saison touristique qui a déjà certains problèmes. Avec cet acte barbare, cela va encore approfondir les difficultés de certains secteurs", a dit Habib Essid. "Ce qui s’est passé hier à Tunis peut se passer à n’importe quel endroit du monde." Le gouvernement estime que les pertes pour le secteur pourraient atteindre 700 millions de dollars (657 millions d’euros) sur la saison en cours. La crainte de répercussions économiques a eu pour effet de faire reculer les indices boursiers de 2,5% à la Bourse de Tunis et deux voyagistes allemands ont déjà annoncé l’annulation pour quelques jours des excursions à Tunis proposées à leurs clients en séjour dans des stations balnéaires du pays. Accor, première chaîne hôtelière européenne, a dit avoir renforcé la sécurité dans ses deux établissements tunisiens tandis que le croisiériste italien Costa Croisières, a annoncé jeudi avoir annulé ses escales en Tunisie. Hamadi , guide au musée du Bardo et sauveur de 30 touristes Hamadi, un guide touristique tunisien, accompagnait un groupe d’Italiens lorsqu’ils ont été surpris par l’attaque du musée du Bardo à Tunis. Modestement, il raconte comment sa connaissance des couloirs du bâtiment lui a permis d’exfiltrer 30 touristes. "Le jour j’étais au deuxième étage (du musée) vers 11H30, une demi-heure avant que ça commence. (Puis) j’ai entendu des coups de feu", explique à l’AFP Hamadi Ben Abdessalam, guide depuis 1970 et qui visitait le musée le plus célèbre de Tunisie avec 47 touristes italiens. "Ma première impression c’est que ce n’était pas un attentat, j’ai dit à mes clients que quelque chose tombait du plafond, mais ce sont les Italiens qui m’ont dit que c’était une attaque terroriste", poursuit-il, les traits tirés. Hamadi n’a pas voulu y croire jusqu’à ce qu’il voit de ses propres yeux les impacts de balles et les douilles. "On s’est mis tous à genoux, à ce moment là , tout le monde a paniqué", relate cet homme âgé d’une soixantaine d’années, le visage mangé par une barbe naissante poivre et sel. Heureusement pour le groupe qui l’accompagnait, Hamadi connaissait bien le quartier et toutes les sorties du musée. "Je suis parti à droite et 30 personnes m’ont suivi (...) et comme je suis du quartier et que je connaissais les sorties de secours, j’ai pris la direction d’une sortie de secours", se souvient-il. Les gardes étaient "au café", affirme le vice-président du Parlement Les gardes devant assurer la sécurité du Parlement tunisien, mitoyen du musée du Bardo qui a été visé par un attentat meurtrier, étaient "au café" au moment de l’attaque, a affirmé le vice-président de l’Assemblée, Abdelfattah Mourou, dénonçant une "grande défaillance". Le musée, le plus prestigieux du pays, est situé dans la même enceinte que le Parlement, censé être placé sous forte protection. Mercredi, jour de l’attaque, "il n’y avait pas de police autour du Parlement et autour du musée", a affirmé à l’AFP M. Mourou, qui est aussi l’un des fondateurs du parti islamiste Ennahda. "Je suis le premier vice-président, j’ai appris (mercredi) qu’il y avait quatre policiers seulement qui devaient assurer la sécurité autour du Parlement, dont deux étaient au café. Le troisième mangeait un casse-croûte et le quatrième ne s’est pas présenté", s’est-il exclamé. "C’est une grande défaillance", a dénoncé M. Mourou.
126 morts dans des attentats au Yémen revendiqués par l’EI Quatre kamikazes se sont fait exploser vendredi à l’heure des prières de la mi-journée dans deux mosquées de Sanaa fréquentées essentiellement par des chiites, faisant 126 morts au moins et des dizaines de blessés, selon des sources médicales. Les attaques ont été revendiquées par l’organisation Etat islamique, dans un communiqué diffusé sur Twitter. Les assaillants ont déclenché leurs ceintures d’explosifs à l’intérieur et l’extérieur des lieux de culte situés dans le centre de la capitale, que contrôlent depuis septembre les miliciens chiites houthis. Les hôpitaux de Sanaa ont fait un appel aux dons de sang en raison du nombre très élevé de victimes. Un homme a également tenté de se faire exploser devant l’une des grandes mosquées de la province de Saada, fief des miliciens houthis dans le nord du pays, mais la bombe a explosé prématurément, tuant le seul kamikaze, a déclaré un responsable des services de sécurité. L’Etat islamique est concurrent d’Al Qaïda, dont la branche yéménite (Al Qaïda dans la péninsule arabique) est l’une des plus actives et contrôle des territoires dans le sud du Yémen. A Aden, grande ville du Sud où a trouvé refuge en février le président Abd-Rabbou Mansour Hadi, forcé à la démission par les houthis en début d’année mais toujours reconnu par les Nations unies, des avions ont bombardé le quartier al Maachik, où se trouve le complexe présidentiel, rapportent témoins et sources gouvernementales. Le chef de l’Etat est indemne, a indiqué une source à la présidence. La veille déjà , un avion non identifié avait attaqué ce complexe où Abd-Rabbou Mansour Hadi a établi son gouvernement. Treize personnes ont été tuées le même jour dans de violents combats au sol dans le secteur de l’aéroport, repris par les forces de Hadi. Abd-Rabbou Mansour Hadi est soutenu par les monarchies sunnites du Golfe alors que les milices houthies sont appuyées par l’Iran et proches de l’ancien président Ali Abdallah Saleh. Les USA s’inquiètent de la présence de l’Etat islamique en Libye Les Etats-Unis sont préoccupés par l’influence croissante de l’Etat islamique (EI) en Libye, qui a profité de la désintégration de l’autorité centrale pour prendre pied dans le pays, notamment dans les villes de Derna et Syrte, estiment des responsables américains et le département d’Etat. Depuis la fin janvier, l’Etat islamique a revendiqué une série d’attentats en Libye, souligne le rapport du Bureau de la sécurité diplomatique du département d’Etat. Il cite notamment l’attaque fin janvier contre le Corinthia, un hôtel de luxe de Tripoli, qui a fait neuf morts, dont cinq étrangers, et celle contre le site pétrolier de Mabrouk au sud de Syrte début février, qui a coûté la vie à 12 personnes. Les djihadistes ont également mis en ligne à la mi-février des photos de la décapitation de 21 coptes (chrétiens) égyptiens sur une plage libyenne. Le document du département d’Etat, qui a été révélé par le site en ligne Washington Free Beacon, estime que le nombre de combattants de l’EI en Libye est compris entre 1.000 et 3.000. Environ 800 d’entre eux sont basés dans la région de Derna, précise le rapport. Parmi ceux-ci, 300 ont auparavant combattu en Syrie ou en Irak. Selon des responsables américains, la Libye, en raison de sa situation stratégique, est devenue un tremplin pour les candidats au djihad d’Afrique du Nord qui veulent entrer en contact avec l’EI. De là , ils sont susceptibles de se rendre en Syrie pour aller combattre sur la ligne de front. Selon le rapport du département d’Etat, l’EI n’a pas réussi à s’emparer de territoires conséquents en Libye. Les Etats-Unis estiment encourageante la décision d’Aube de la Libye, un organisation islamiste mais non djihadiste, basée dans la ville de Misrata, d’organiser une contre-attaque contre les forces de l’EI. Cette milice, qui a pris Tripoli en août dernier, épaule le gouvernement non reconnu par la communauté internationale qui s’est installé dans la capitale. Le gouvernement officiel d’Abdallah al Thinni s’est réfugié dans l’est du pays.
Le gouvernement libyen appuie ses rivaux dans leur combat contre Daech Le ministre libyen des Affaires étrangères Mohamed Al-Dayri s’est félicité jeudi 19 mars des combats livrés par ses rivaux au sein des milices de Fajr Libya aux combattants du groupe "Etat islamique" (Daech/EI) dans l’est du pays. Il s’agit de la première réaction du gouvernement reconnu internationalement aux combats qui opposent depuis une semaine par intermittence des miliciens de Fajr Libya à la branche libyenne de l’EI dans la région côtière de Syrte, à 450 km à l’est de Tripoli. Livrée aux milices, la Libye est plongée dans le chaos où deux autorités se disputent le pouvoir: un gouvernement et un Parlement reconnus internationalement siégeant dans l’est du pays, et un gouvernement et un Parlement parallèles installés à Tripoli après la prise en août de la capitale Tripoli par la coalition de milices de Fajr Libya. S’adressant à des journalistes dans son lieu de résidence dans la ville d’Al-Bayda (est), le chef de la diplomatie libyenne a dit "accueillir favorablement la direction prise par des factions de Fajr Libya qui combattent la branche libyenne de l’EI à Syrte". Cette position renforce "l’une des principales bases du consensus national auquel nous aspirons (...) et qui est la lutte contre le terrorisme", a-t-il ajouté. Après l’entrée en février des combattants de l’EI à Syrte, Fajr Libya, une coalition de milices notamment islamistes, avait envoyé des renforts pour défendre la ville. Les combats se déroulent dans l’est de Syrte et dans des localités situées à proximité. Fajr Libya et le gouvernement reconnu tentent de contrer l’influence de l’EI, qui a revendiqué ses premières attaques en Libye en janvier avec un assaut spectaculaire contre un hôtel à Tripoli (neuf morts), puis en février avec la décapitation de 21 chrétiens, la plupart égyptiens.
(AGENCES)
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