Les parties maliennes au dialogue pour le règlement de la crise dans la région nord du Mali ont signé dimanche 1er mars à l’hôtel Aurassi d’Alger un accord de paix et de réconciliation sous la supervision de la médiation internationale, présidée par l’Algérie, en tant que chef de file.
Le document a été paraphé par l’équipe de la médiation conduite par l’Algérie, le représentant du gouvernement malien, les mouvements politico-militaires du nord du Mali engagés dans la plateforme d’Alger à l’exception de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) . Il faut noter que des manifestations ont eu lieu samedi 28 février après-midi dans plusieurs localités du nord du Mali notamment à Ber et à Kidal. Le texte proposé par la médiation a été même brûlé à côté de "l’arbre de la Liberté", une place située près de l’aéroport de Kidal. Entre 400 et 500 personnes, selon des témoignages, se sont rassemblées devant l’aéroport avant de prendre la direction du centre-ville pour dénoncer un texte qui "ne tient pas compte des aspirations du peuple de l’Azawad". Le texte a été paraphé par toutes les parties prenantes dont le gouvernement malien, sauf par CMA, qui regroupe des groupes rebelles dont le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et qui refuse de le parapher pour l’instant. Le MNLA et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), ont donc différé leur signature. "Nous ne signerons pas aujourd’hui, parce que nous avons besoin de davantage de temps pour consulter notre base", a expliqué Moussa Ag Assarid, représentant en Europe du MNLA. Les rebelles, qui veulent notamment l’institution d’une structure fédérale, estiment que le texte soumis à signature ne répond pas pleinement à leurs demandes politiques. La CMA, qui n’a pas paraphé l’accord de paix et de réconciliation au Mali, a demandé "une pause afin de mobiliser le maximum de soutien à cet acte fondateur" pour le rétablissement définitif de la paix au Mali, a indiqué le 1er mars à Alger, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra. "Je sais que la décision difficile qu’ils ont à prendre n’exprime pas de leur part une quelconque inhibition mais serai plutôt, les connaissant bien, synonyme d’ambition à mobiliser le maximum de soutien à cet acte fondateur de la paix", a déclaré M. Lamamra à la clôture de la séance de paraphe de l’accord de paix et de réconciliation d’Alger. L’accord de paix et de réconciliation est le couronnement du "courage politique" des parties maliennes engagées dans le processus d’Alger, a affirmé par contre, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop. "L’accord de paix que nous venons de parapher est le couronnement de plusieurs mois de travail minutieux, d’engagement et de courage politique des parties maliennes aux pourparlers d’Alger", a déclaré M. Diop. Le document paraphé par les parties maliennes "valide les conditions de la réalisation de nos ambitions pour le Mali (...) et constitue un socle de paix, de sécurité de stabilité et de démocratie", a-t-il soutenu. Il a salué un accord qui "préserve la souveraineté nationale du Mali, son intégrité territoriale, le caractère unitaire, républicain et laïc afin que le pays demeure un et indivisible". Selon le chef de la diplomatie malienne, il s’agit d’un accord, certes "pas parfait", mais, a-t-il estimé, il a "le mérite de la clarté et de l’équilibre", ne faisant "ni vainqueur ni vaincu". Il a réitéré l’engagement du gouvernement du Mali à aller dans le chemin de la paix, précisant que "le gouvernement malien a fait le choix de la paix et du compromis politique pour une solution durable" pour le pays, a-t-il souligné. Le gouvernement est "déterminé à honorer tous ses engagements et de bonne foi", a ajouté le ministre malien qui a invité "les autres parties à faire de même", appelant également la communauté internationale à "intensifier ses efforts pour atteindre tous les objectifs de l’accord". A Paris, le ministre des Affaires étrangères a salué "une excellente nouvelle" et a rendu hommage à la médiation algérienne. "Je salue la décision du président et du gouvernement malien de le parapher et appelle tous les groupes du Nord, qui ont salué très positivement cette avancée, à le faire sans délai", écrit Laurent Fabius dans un communiqué. La cérémonie de signature s’est déroulée en présence de représentants des gouvernements américain et français. L’équipe de médiation dont l’Algérie est le chef de file comprenait la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest(CEDEAO), l’Union africaine (UA), les Nations unies, l’Union européenne (UE) et l’Organisation de la Coopération islamique (OCI), le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. La diplomatie algérienne a annoncé le 28 février avoir arraché, à l’issue de huit mois de négociations, un accord de paix entre le gouvernement malien et des groupes armés du nord du Mali. Le texte paraphé dans la capitale algérienne devrait encore être signé à Bamako par les acteurs du conflit, à une date qui n’a pas été fixée. La médiation algérienne avait présenté jeudi aux parties un projet d’accord qui appelle à "reconstruire l’unité nationale du pays sur des bases novatrices, qui respectent son intégrité territoriale, tiennent compte de sa diversité ethnique et culturelle". Comme le souhaitait Bamako, l’accord ne parle pas d’autonomie ni même de fédéralisme, et insiste sur l’unité territoriale, l’intégrité territoriale de l’Etat du Mali, ainsi que sur son caractère républicain et laïque. En revanche, il cite l’appellation d’Azawad, par laquelle les groupes rebelles à dominante touareg désignent cette région, comme une "réalité humaine", en réponse aux revendications des rebelles. Il prévoit la création d’Assemblées régionales élues au suffrage universel direct, dotées de pouvoirs importants dans un délai de 18 mois, ainsi qu’une "plus grande représentation des populations du nord au sein des institutions nationales". Sur la question de la sécurité, il stipule une refonte de l’armée notamment par l’intégration de combattants des mouvements armés du Nord. Le projet dispose en outre qu’à partir de 2018 le gouvernement mette en place un "mécanisme de transfert de 30 % des recettes budgétaires de l’Etat aux collectivités territoriales (...) avec une attention particulière pour les régions du Nord". L’accord prévoit encore qu’une Conférence nationale devra lancer "un débat approfondi entre les composantes de la nation malienne sur les causes profondes du conflit". En outre, une Commission d’enquête internationale devra faire la lumière sur tous les crimes de guerre, contre l’humanité, de génocide et autres violations graves des droits de l’Homme lors du conflit, selon ce document. Un porte-parole des mouvements armés pro-gouvernementaux, Harouna Touré, a indiqué à l’AFP qu’il y avait deux hypothèses pour dimanche: "la première, les parties prenantes paraphent le document (...) La deuxième est un paraphe partiel". "Il y en a qui posent encore des conditions de délai d’une semaine. Mais la médiation (algérienne) semble décider à faire parapher le document par toutes les parties intéressées qui accepteraient de parapher", a-t-il estimé. Six groupes ont participé aux cinq rounds de négociation depuis juillet 2014: le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), le Mouvement arabe de l’Azawad-dissident (MAA-dissident), la Coordination pour le peuple de l’Azawad (CPA) et la Coordination des Mouvements et fronts patriotiques de résistance (CM-FPR). Les négociations débutées en juillet 2014 à Alger étaient les premières à rassembler l’ensemble des parties prenantes au conflit depuis celles qui avaient abouti à un accord intérimaire en juin 2013 au Burkina Faso. "Si cet accord est effectif, il constitue une grande victoire pour la diplomatie algérienne", a déclaré à l’AFP le politologue Rachid Tlemçani. Il a cependant dit être "sceptique pour l’instant" ne croyant pas que "les problèmes de fonds soient réglés et que cet accord satisfasse les groupes politiques". L’accord porte création d’une Zone de développement du Nord dotée d’une stratégie visant à le "hisser au même niveau que le reste du pays en termes d’indicateurs de développement" dans un délai de 10 à 15 ans. Cette stratégie serait financée notamment par la communauté internationale, appelée à contribuer "promptement et généreusement" à une Conférence d’appel de fonds. M. Moncef Mongi, chef de la Minusma, une des organisations internationales, engagées dans le dialogue intermalien inclusif a indiqué que le paraphe de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger constituait une base solide pour une paix durable et la réconciliation nationale. "L’accord (....) bien qu’il ne réponde pas à toutes les demandes et ne satisfasse pas toutes les parties, est basé sur un équilibre et constitue une bonne base pour une paix durable et la réconciliation", a précisé M. Mongi, lors de la cérémonie de paraphe de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Il a ajouté que la réussite de cet accord dépendrait donc de la capacité des parties à transcender les barrières idéologiques, culturelles et politiques et à servir une cause commune, celle de la paix, facteur de stabilité, de progrès et de développement. De son côté, le haut représentant de l’Union européenne pour le Sahel et le Mali, Michel Riverend a qualifié l’accord de réaliste, pragmatique pour le rétablissement de la paix et la stabilité au Mali et dans la région. "La communauté internationale, notamment l’UE a accompagné le Mali et continuera à l’accompagner jusqu’au retour à la paix et à la stabilité", a-t-il souligné. Pour sa par le représentant de l’OCI, Mohamed Compaoré, a appelé les parties maliennes pour prendre des mesures nécessaires pour l’application effective de l’accord sur le terrain. "J’appelle les parties maliennes à faire preuve de bonne foi, de sincérité pour le rétablissement de la paix et la stabilité au Mali", a -t-il dit. De son côté, le représentant de l’UA pour le Sahel et le Mali, Pierre Buyoya a, salué cette phase cruciale du processus d’Alger en dépit des négociations difficiles et délicates. "L’UA mettra toute son expertise pour accompagner les maliens pour faciliter la mise en oeuvre de cet accord en vue du rétablissement de la paix et de la stabilité au Mali", a-t-il souligné. Pour sa part, le représentant de la CEDEAO, Chiaka Abdoutouli, a salué l’engagement du gouvernement et du peuple algérien pour leur engagement en vue du rétablissement de la paix au Mali, soulignant la gratitude de cette organisation continental en faveur du président dans tous ses efforts pour la paix en Afrique. "C’est accord qui est venu suite à un accouchement douloureux mais il permettra de rétablir la paix, la stabilité et le développement au Mali", a-t-il dit. (Avec agences)
|