Boko Haram, l’EI de l’Afrique de l’Ouest   
22/02/2015

L’organisation Jamā’at ahl a-sunna li-da’wa wa’l-jihad (l’Association des gens de la Sunna pour le Prédication  et le Jihad) connue avec le  surnom de «Boko Haram» est  apparue en 2003 dans le nord-est du Nigeria un Etat fédéral formé de 36 Etats. Elle dit rejeter la culture occidentale...



...l’enseignement de ses valeurs, et exigerait  une application stricte de la charia Islamique.
Fondée par le nigérian Muhammad Yusuf qui a étudié à  l’Université de Médine (Arabie Saoudite)  et qui est en fait un «Takfiriste» ,  Boko Haram  est née dans des zones secouées (stratégie de tensions?)   par  des violences épisodiques d’abord  entre Musulmans,  puis avec les Chrétiens, à partir de 2010.

Dans son berceau,  Boko Haram est parvenue  à cristalliser partiellement derrière sa perception de la religion,  les ressentiments des paumés de  certaines  populations qui s’estiment abandonnées par les élites locales, le pouvoir fédéral  et livrées à des services de sécurité  incompétents,  corrompus et agressifs.
Les centaines d’exécutions extrajudiciaires, dont celle de Yusuf lui-même en juillet 2009 radicalisent davantage Boko Haram qui  perd un chef suprême qui avait pignon sur rue  au profit de deux chefs en clandestinité et particulièrement violents : Aboubakar Shekau  et Mamane Nur.
Le premier fut l’un des adjoints de Yusuf. Il dirige l’organisation au Nigeria. Il est très prolixe. C’est lui qui inonde Youtube avec des revendications et  prêches en Arabe, Kanuri et  Haoussa,  jugés  incohérents, parfois. Le second Mamane Nur peut être considéré comme la vitrine internationale et le vrai chef de l’organisation. Il ne vit pas au Nigeria et serait en relation avec des organisations jihadistes comme les Shebab (Somalie), Aqpa (Yemen) ,  Aqmi (Algerie), Mujao (Mali) Ansar charia (Libye) et probablement l’EI  (Syrie). C’est lui l’architecte du changement des modes opératoires avec l’introduction en 2011 des attentats suicide au Nigeria.

Boko Haram  qui alignerait entre 8000 et 10.000 combattants, s’équipe de l’arsenal de l’armée nigériane qu’elle abandonne à chaque accrochage et se finance du racket "de protection" , des rançons  et des braquages.
Shekau a proclamé en août 2014 l’établissement d’un califat au Nigeria à partir de la ville de Gwoza. Un Etat Islamique (EI) en somme, mais cette fois, en Afrique de l’Ouest.
Avec l’état d’urgence décrété par le Gouvernement fédéral en mai 2013 dans le Borno et l’Adamawa et le Yobe (trois Etats du nord-est),  l’armée nigériane  et ses milices ont  recommencé à attaquer les campagnes, à bombarder des villages , des quartiers, à massacrer des civils et à violer des femmes: l’activisme du Boko Haram a également redoublé d’intensité.
Les populations du Nord du Nigeria, sont en réalité,  des otages,  prises en deux feux.
Et l’insurrection du Boko Haram s’est étendue début 2015 aux pays voisins du Nigeria (Tchad, Cameroun, Niger), qui interviennent désormais militairement dans le conflit.
La France fournit un soutien logistique et en matière de renseignement aux armées des pays concernés, mais, n’est pas allée jusqu’à intervenir,  notamment,  sur le plan terrestre.

Boko Haram qui contrôle une superficie de plus de 30.000 km2 dans le Nord-Est du Nigéria mène depuis février des attaques dans des pays de la région du Lac Tchad ,  lesquels, ont engagé des troupes qui combattent aux frontières du Nigeria et parfois à l’intérieur de celles-ci .
Ces pays avaient  convenu  le 7 février avec le Bénin, de mobiliser 8.700 hommes dans une «force régionale».

Les dix pays de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC, dont le Nigéria n’est pas membre)  s’étaient  retrouvés le 16 février  à Yaoundé pour élaborer une "stratégie de lutte", et s’étaient  engagés à apporter une "aide d’urgence" de près de 75 millions d’euros aux pays engagés dans cette guerre, principalement le Cameroun et le Tchad.
L’armée tchadienne est déployée de part et d’autres du Lac Tchad, dans le nord du Cameroun ainsi que dans le sud-est nigérien, deux zones de combats distantes d’environ 200 km .
Le Tchad qui est un pays enclavé, ayant pour débouché maritime le port camerounais de Douala avec pour voie stratégique  la route Douala-N’Djamena,  a vu son unique débouché  sous une  menace permanente.
Les  attaques de Boko Haram contre la  base militaire de Kolofata (nord-ouest du Cameroun) ont accentué cette pression sur le Tchad dont la capitale N’Djamena est à 50 km seulement, des fiefs de Boko Haram.
Au sommet de l’Union africaine à Addis Abeba fin janvier 2015, le président Tchadien a abandonné la langue de bois diplomatique pour celle du général en chef, déclarant sans détours: "nous sommes sur le terrain avec nos frères camerounais parce que trop de réunions et pas d’actes concrets (...)".
   "Nous ne pouvons pas attendre que telle résolution soit prise ou que telle autorisation soit donnée. Nous nous engageons et il appartient à tous ceux qui sont de bonne volonté de nous suivre et de nous appuyer dans notre action", a-t-il dit.
N’Djamena a donc déployé des troupes de part et d’autre du Lac Tchad. Au sud, elles ont rejoint les forces camerounaises dans la zone de Fotokol, où elles se sont battues  sur les sols camerounais et nigérian.
Les militaires tchadiens  ont aussi contourné le Lac Tchad  par le nord pour rentrer au Niger, où ils ont pris pied à N’Guigmi, une ville proche de la frontière Tchadienne, puis dans la région de Bosso, frontalière avec le Nigeria.
Le 3 février, l’armée Tchadienne a mené une grande offensive terrestre au Nigeria à partir du Cameroun, reprenant aux islamistes la localité nigériane de Gamboru après d’intenses bombardements aériens et de durs combats terrestres.
Le général Yaya Daoud, commandant les forces Tchadiennes déployées au Niger a été blessé par balle le 6 février  à Bosso près de la frontière nigériane.
Le général a reçu une balle dans le ventre tirée par un combattant de Boko Haram qui avait fait semblant d’être tué.
L’officier supérieur a été évacué vers l’hôpital de la Renaissance de N’Djamena
Le lendemain, Boko Haram a mené une contre-attaque à Fotokol, particulièrement sanglante: 13 militaires tchadiens, six soldats camerounais et 81 civils ont péri dans cet assaut, selon Yaoundé.

Le Tchad semble compter sur la mobilité et la rapidité de ses raids éclair menés avec des colonnes de pick-up 4x4 montés de mitrailleuses et maintenant avec des blindés lourds, des lance-roquettes multiples le tout bénéficiant d’un appui aérien,  sous une considérable puissance de feu. 
Pour preuve : l’extrême violence des bombardements qui ont précédé l’entrée des Tchadiens Ã   Gamboru, totalement dévastée.
Mais dès le lendemain lors d’une sanglante contre-attaque sur la ville camerounaise voisine (’Fotokol), les islamistes de Boko Haram ont montré que  eux aussi,  maîtrisent les raids éclair, avec leur moyen de déplacement favori : la moto.

Des combattants de Boko Haram, utilisant des bateaux pour traverser le Lac Tchad à partir du Nigeria, ont également attaqué le 13 février  pour la première fois le Tchad, faisant 5 morts à Ngouboua, sur la rive tchadienne au nord du Lac Tchad.
Une soixantaine de soldats camerounais sont morts depuis que Yaoundé a déployé des troupes pour lutter contre Boko Haram. Une lutte accompagnée de graves violations des droits de l’homme notamment avec des charniers dénoncés par le Réseau des Défenseurs des Droits Humains en Afrique Centrale (Redhac) et Amnesty.
Le sud-est du Niger est lui aussi depuis quelques semaines la cible de Boko Haram, qui a mené plusieurs raids sur son territoire.
Quelque 3.000 soldats nigériens sont massés dans la région de Diffa, frontalière du Nigeria.
Dégâts collatéraux à toute guerre : trente-six personnes sont mortes et 27 ont été blessées le 18 février lorsqu’une bombe larguée par un avion nigérian est tombée sur une cérémonie funéraire dans la localité d’Abadam au sud-est du Niger.
L’armée nigériane  dont les annonces  sont souvent démenties par les faits,  a dit avoir  repris le 21 février  la ville de Baga, située dans le nord-est du pays.
Baga est au bord du Lac Tchad, à la frontière du Nigeria avec le Tchad, le Niger et le Cameroun.
Sa reconquête, comme celle de la ville-garnison de Monguno ainsi que des villes de Gamborou et de Dikwa (par les Tchadiens  qui progressent vers Maiduguri) peuvent  être perçues comme un recul des islamistes nigérians qui semblent être en fuite dans plusieurs endroits du Nigeria sous le coup d’offensives menées  de tous les côtés.
Mais les islamistes nigérians ont par le passé semblé avoir été vaincus avant de  rebondir et de démontrer le contraire.
Malgré l’engagement militaire des pays du bassin du Lac Tchad , les assauts meurtriers de Boko Haram se poursuivent, comme en témoigne la dernière attaque menée jeudi 19 février: deux villages ont été entièrement rasés près de Chibok, dans le nord-est du Nigeria, où au moins 30 personnes ont péri.
Les actions du Boko Haram vont  à ce qui se voit  s’inscrire dans la durée tant au Nigeria qu’ailleurs, grâce à plusieurs atouts dont l’absence d’une perspective à l’éradication,   la brutalité des armées engagées  et l’utilisation  par Boko Haram de redoutables armes, parmi lesquelles,  les motos,  les pirogues et surtout les femmes kamikaze. Une fillette  de 7 ans a tué cinq personnes en se faisant exploser le  22 fevrier à Kasuwar Jagwal dans le nord-est du Nigeria, un énième attentat dans cette région de Potiskum, capitale économique de l’Etat de Yobe.
Mais au juste, elles sont où,  les 200  lycéennes enlevées en 2014,  à Chibok ?
Synthèse IOMS



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