Al-Qaïda cherche à regagner le terrain perdu dans la mouvance jihadiste   
15/01/2015

En revendiquant l’attaque contre Charlie Hebdo, Al-Qaïda a voulu montrer qu’il pouvait frapper un grand coup en Occident et s’en prévaloir pour regagner le terrain perdu dans la mouvance jihadiste face à son rival, le groupe Etat islamique (EI), selon des experts.



"L’attaque contre Charlie Hebdo remet indéniablement en selle Al-Qaïda dans sa rivalité avec l’EI", affirme Laurent Bonnefoy, spécialiste du Yémen, d’où a été annoncée mercredi la revendication, jugée "authentique" par les renseignements américains.
   2014 a été l’année de la remise en cause totale du leadership d’Al-Qaïda sur la mouvance jihadiste au Moyen-Orient, en particulier en Syrie et en Irak.
   L’EI a pris l’ascendant idéologique et militaire après des combats fratricides en Syrie ayant fait des milliers de morts et s’étant soldés par une perte d’influence du Front Al-Nosra, branche officielle du réseau de feu Ossama Ben Laden au pays de Bachar al-Assad.
   Al-Qaïda, dont le chef suprême est Ayman al-Zawahiri depuis l’élimination de Ben Laden en 2011, est en revanche resté puissant et dangereux au Yémen, menant depuis plus d’une décennie des actions spectaculaires et meurtrières contre les forces de sécurité et des cibles étrangères.
   En dépit d’attaques de drones américains, les chefs d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), né de la fusion des branches saoudienne et yéménite d’Al-Qaïda, ont tenu tête à Washington. Ce fut le cas en décembre lorsque leurs combattants ont mis en échec une opération des forces spéciales américaines pour libérer deux otages américain et sud-africain qui ont été tués.
   La revendication par Al-Qaïda de l’attaque qui a décimé le 7 janvier la rédaction du journal satirique français Charlie Hebdo vise, par son retentissement international, à remobiliser les combattants, à séduire des aspirants jihadistes et à reprendre l’initiative sur tous les terrains, y compris celui de la propagande, affirment des experts.
   
Propagande par l’acte

   
    Après la montée en puissance de l’EI, "Al-Qaïda essaie de réagir en menant des actions comme celles de la décennie 2001-2011", explique Mathieu Guidère, professeur d’islamologie à l’université de Toulouse (France).
   Charlie Hebdo, "c’est une opération de propagande par l’acte" qui peut faire revenir certains jihadistes ayant abandonné le réseau, estime M. Guidère, ajoutant qu’Al-Qaïda peut se renforcer, l’EI étant "affaibli par les frappes" internationales en Irak et en Syrie. "C’est le principe des vases communicants", selon lui.
   M. Bonnefoy note que "les moyens d’Aqpa sont plus faibles que ceux de l’EI", mais "Al-Qaïda continue à représenter une menace, d’autant plus que la rivalité entre les deux organisations peut produire une forme d’émulation".
   Selon une autre spécialiste du Yémen, April Longley, de l’International Crisis Group, "la faiblesse aiguë de l’Etat" yéménite depuis la prise de la capitale Sanaa en septembre par des miliciens chiites "offre de nouvelles opportunités à Aqpa".
   Elle explique que la volonté d’Al-Qaïda d’apparaître en première ligne dans le combat contre ces miliciens chiites permet au réseau sunnite de promouvoir un discours "confessionnel" et de "gagner de nouveaux alliés" parmi les tribus sunnites, "non pas en raison de son idéologie, mais plutôt de l’ennemi commun".
    Les événements à Paris se sont déroulés "sur fond de grandes manoeuvres dans la mouvance jihadiste", confirme Jean-Pierre Filiu, professeur à l’université Sciences Po à Paris.
   Selon lui, "l’homme-clef dans cette vaste conspiration" est Boubaker al-Hakim, jihadiste franco-tunisien qui était depuis 2004, quand il combattait aux côtés d’Al-Qaïda en Irak, "la personnalité de référence" des frères Kouachi qui "n’avaient pu alors le rejoindre".
   Ces deux frères, auteurs de la tuerie à Charlie Hebdo, ont été formés en 2011 au Yémen par Aqpa, sous la direction "spirituelle" de l’imam américano-yéménite Anwar al-Aulaqi, tué la même année par un drone américain, ajoute cet expert.
   "Il est donc logique" qu’Aqpa "tente de s’arroger le prestige de leur action", explique M. Filiu. Mais Boubaker al-Hakim, alias Mouqatel, "est devenu dans l’intervalle un cadre-clef de l’Etat islamique", qui a revendiqué l’assassinat en 2013 des opposants laïques tunisiens Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.
   "Nous assistons donc à une surenchère entre Aqpa ’historique’ et l’Etat islamique", auquel Amédy Coulibaly, le troisième assaillant de Paris qui a tué quatre juifs dans une épicerie casher, "avait prêté une allégeance explicite et inconditionnelle, confirmée dans sa vidéo posthume", note encore M. Filiu.
   L’EI n’a cependant pas revendiqué cette attaque.
   Selon Rita Katz, co-fondatrice de Site, spécialisé dans la surveillance en ligne de la mouvance jihadiste, "la revendication marque la première attaque officielle occidentale d’Aqpa menée avec succès, après des tentatives ratées" comme celle d’un jeune Nigerian ayant essayé de faire exploser en vol un avion américain en 2009 et celle de l’envoi de colis piégés à bord d’un avion cargo vers les Etats-Unis l’année suivante.
AFP


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