Interview avec Hamahou Allah Ould Salem (II eme partie): «Depuis l’arrivée du nouveau régime, la Mauritanie va d’un problème à un autre.»   
13/08/2007

Dans notre édition n° 59 du 6 août 2007, nous avons publié -si vous vous souvenez bien- la première partie de l’interview accordée à notre journal, par le Docteur Hamahou Allah Ould Salem, professeur d’Histoire à l’Université de Nouakchott, auteur de nouvelles théories historiques et président du «Forum démocratique». Le Professeur Hamahou Allah y était revenu sur l’effervescence qui marque la scène nationale depuis le discours présidentiel du 29 juin. 



Hamahou Allah avait livré -sans états d’âme- ses sentiments sur les questions de l’heure. Dans la deuxième partie de cette interview, que nous publions ici, il répond à d’autres questions et livre son appréciation de l’action du Gouvernement.

 

Tahalil Hebdo : On avance dans diverses milieux que la mouvance nationaliste arabe en général, est responsable des événements de 1989 et de ce qui s’en est suivi…

Hamahou Allah Ould Salem : Les évènements de 89 ont débuté au Sénégal et ce sont les FLAM, une organisation raciste qui en furent les instigateurs de cette crise par laquelle ils ont tué 10.000 mauritaniens, incendié de milliers de boutiques et fait déporter 500.000 sénégalais et mauritaniens du Sénégal vers la Mauritanie. Ce qui est arrivé en Mauritanie n’était qu’une réaction à ce qui s’est passé au Sénégal. En Mauritanie, les arabes ont défendu les vies et les biens des négros-mauritaniens. Ce qui est arrivé dans la rue ici, était une réaction marginale.
C’est avant tout la France à travers ses services de renseignements dans les deux pays qui est responsable de ce qui est arrivé, à la fois en Mauritanie et au Sénégal. La France a voulu assener un coup dur au régime de Ould Taya à l’époque, à cause son orientation panarabiste. En plus, il y avait l’action d’extrémistes au sein du gouvernement sénégalais qui ont voulu résoudre les problèmes politique, économique et financier du Sénégal en créant des problèmes avec la Mauritanie.

Tahalil Hebdo : Des journaux, des sites et des partis politiques de mauritaniens d’origine arabe soutiennent dans une grande mesure une partie de la vision des FLAM. Cela veut-il dire que leur vision est juste ?

HAOS: Cela ne prouve pas que les FLAM ont raison. En tout cas il nous est plus facile de donner raison aux thèses des FLAM que celles de ces groupes arabes. Par exemple, le journal francophone «La Tribune» m’a dénigré en réponse à un article que j’ai publié sur les origines de la crise, dans lequel, j’ai évoqué la responsabilité de la France et de certains extrémistes négro-mauritaniens et où j’ai souligné que nos compatriotes negro-mauritaniens ne sont pas tous des extrémistes et sont autant enracinés que nous dans la civilisation arabo-islamique. Des journaux comme «La Tribune Â» représentent le courant francophone. Ce sont des hypocrites et des déracinés qui détestent leurs semblables. Je préfère leur dire qu’ils sont isolés au sein de leurs semblables et que le moment venu, les extrémistes leur feront en premier lieu, la fête.

Tahalil Hebdo : Quelles appréciations faites-vous des orientations du Gouvernement actuel ?
HAOS :
J’ai appartenu à une coalition qui soutenu le Président Sidi Ould Cheikh Abdellahi sur la base d’un seul principe : servir les intérêts de la Mauritanie. Malheureusement depuis l’arrivée du nouveau régime, du Président au Premier ministre, la Mauritanie va d’un problème à un autre. Le premier problème c’est le sort réservé aux arabisants. Des milliers de mauritaniens arabisants sont dans la rue.
Ce qui est curieux, c’est que le gouvernement de transition a octroyé un prêt cinq à six milliards à l’Université de Nouakchott et jusqu’à présent le projet de l’Université n’a pas vu le jour.
L’action du nouveau gouvernement vis-à-vis de l’arabe et de la gestion des deniers publics pousse au désespoir. Il y a eu également une répartition au sein du nouveau régime qui nous fait peur .Cette répartition des postes politiques et parlementaires inquiète. Il s’agit d’une système de quotas qui rappelle ce qu’il y a au Liban .Il ne doit pas y avoir de système de quotas. Cette répartition doit relever des résultats de la compétition électorale et démocratique. Certaines nominations comme celle du ministre de l’intérieur nous inquiètent également parce qu’elles nous rappellent la nomination d’une ministre de l’intérieur de la même communauté dans une époque donnée, ce qui a entraîné des bombes Ã  retardement en 1987.
Il y a une crise du pouvoir. Le Président ne détient pas tout. Le Premier ministre a sa marge de manoeuvre et ne traite qu’avec son groupe d’amis, les militaires ont aussi leur marge. Le Président de la République doit avoir tous les pouvoirs et doit rendre compte de ses engagements dans la lutte contre la gabegie, l’amélioration des conditions de vie et le règlement des dossiers en suspens, en concertation avec les forces vives de la Nation. Il y a une question consensuelle qui ne peut être retardée : il faut qu’il y ait une structure nationale forteresse chargée de l’état civil. Et je propose que le Président de la République annonce que tous les papiers d’état civil sont nuls et qu’ils seront renouvelés dans deux ans, le temps de vérifier la mauritanité de chacun de nous.

Tahalil Hebdo : Et si on abandonnait la politique pour aborder le système éducatif, du moment que vous êtes Professeur de l’enseignement supérieur…

HAOS : C’est la question la plus importante que vous me posez au cours de cette interview avec votre respectable journal qui bien qu’il soit francophone accepte tout de même de publier des opinions des arabisants. Je tiens à dire que l’enseignement connaît la pire de ses situations. La reforme de 1999 est une gabegie et occasionnera une catastrophe. L’arabe sera marginalisée et le français ne s’enracinera pas, parce qu’il connaît des problèmes au niveau mondial. La banque mondiale dépensera de l’argent pour une reforme sans résultats. L’enseignement a besoin de revalorisation des salaires, de titularisation suivant les critères de compétences et d’ancienneté .L’Université de Nouakchott traverse une des périodes les plus sombres. L’actuel recteur ne doit pas l’être. Ni ses diplômes, ni l’ancienneté ne le lui permettent. Il a été couvert par l’ancien directeur de cabinet du régime de la transition en raison de relations personnelles et en violation de la Loi. Le doyen de la Faculté de lettres est là depuis 25 ans. Il y a un système quotas régionaux et tribaux à l’Université de Nouakchott. L’Université est devenue un champ pour l’action policière et une arène pour les ratés. L’Etat doit respecter la loi sur l’enseignement supérieur s’éloigner des ingérences et de la chasse aux intellectuels crédibles.
Propos recueillis par IOM

 


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