Le Temps des Hassanes (Veme et derniere partie)   
24/06/2007

Le personnage central qui avait Ă©tĂ© le porte- Ă©tendard de la première vĂ©ritable guerre que les Beni Hassan avaient livrĂ©, en 820 de l’hĂ©gire (1417 de l’ère chrĂ©tienne) au Sanhadja Ă©tait, incontestablement, l’ancĂŞtre des Kenta, Sidi Mohamed El Kenty. Mais il semble qu’il y’avait, aussi, un autre personnage qui portait le nom de Ededde ou Addad dont les traces ont, pratiquement, disparu.



Tandis que le premier rĂ©ussit Ă  mobiliser les diverses fractions des Oulad Nasser ainsi que les cousins de ces derniers issus d’autres tribus des Beni Hassan, le second a , quant Ă  lui, rassemblĂ© une forte opposition au pouvoir des Abdoukel qui se composait des groupements Sanhadja hostiles , notamment ceux de la confĂ©dĂ©ration Anieurzig et autres .
Ce personnage quasiment inconnu que certaines sources confondent avec Bebbe, le personnage de la guerre de char bebbe que nous Ă©voquerons ultĂ©rieurement, avait, en fait, rĂ©ussi Ă  coaliser tous ceux qui, Ă  l’intĂ©rieur des limites de l’Etat lemtounien ou dans les environs, ont souffert de la domination aussi arrogante que brutale des Abdoulkel.
Contre ces derniers, la guerre menĂ©e avec l’appel d’un saint marabout aux Beni Hassan, avait , d’ailleurs, au niveau du Droit musulman ( Fiqh) trouvĂ© un fondement dans la fatwa du juge de Tinigui , Yacoub Al jakany lequel s’était prononcĂ© en faveur de la lĂ©galitĂ© du combat (Djihad) contre les Abdoukel.
Dans cette optique convaincante pour ceux des opposants qui nourrissaient des scrupules religieux, le juge s’était appuyĂ© sur un document qui lui avait Ă©tĂ© remis par l’ancĂŞtre des Kenta.
C’est dans ces conditions que la guerre contre l’Etat Abdoukel fut dĂ©clenchĂ©e. Elle fut, durant vingt ans, une pĂ©riode d’instabilitĂ© marquĂ©e par les assauts meurtriers des Beni Hassan, les coups de poignard au dos que les opposants Sanhadja et autres portaient au pouvoir des Abdoulkel.
Il semble que ces derniers avaient Ă©tĂ© tenaces et que leur dĂ©faite finale a eu lieu dans des circonstances imprĂ©cises dans lesquelles les dĂ©boires des coalisĂ©s avaient conduit Ă  l’intervention d’une armĂ©e soudanaise soucieuse d’achever le tigre blessĂ©.
La dissolution de l’Emirat des Abdoukel fut l’objet d’un accord entre les coalisĂ©s. Ainsi il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© que la classe guerrière de l’émirat devrait, dĂ©sormais, s’acquitter des redevances ( Mahgarim) au profit des tribus victorieuses , notamment des Oulad Nasser et des tribus guerrières issus de la confĂ©dĂ©ration Sanhadja de Anieurzig.
Le statut des groupements Abdoukel qui s’étaient, auparavant, spĂ©cialisĂ©s dans le domaine de la religion et du savoir , n’a pas Ă©tĂ©, quant Ă  lui , modifiĂ© conforment aux engagements que les Oulad Nasser avaient, avant la guerre, donnĂ© Ă  l’ancĂŞtre des Kenta.
Le Saint marabout Ă©tait d’autant plus attachĂ© au respect de ces engagements qu’il Ă©tait soucieux de protĂ©ger l’intĂ©gritĂ© des Zawaya de l’Etat Abdoukel auxquels il Ă©tait fortement attachĂ© par une alliance matrimoniale et chez lesquels il a fait une grande partie de ses Ă©tudes.
Après la terrible dĂ©bâcle des Abdoukel, les tribus guerrières appartenant Ă  cet ensemble lemtounien s’étaient, rapidement, dispersĂ©es. Elles avaient, d’ailleurs, pour la plupart d’entre elles, pris le soin de dissimuler une appellation devenue encombrante et porteuse d’ennuis.
Un petit groupement tribal qui avait conservĂ© le nom des Abdoukel fut, nĂ©anmoins, signalĂ© Ă  Oualata d’oĂą il partit en l’an 1222 de l’hĂ©gire (1807 de l’ère chrĂ©tienne) vers Nema ( Ă  l’Est de l’actuelle Mauritanie). C’est dans cette ville que se trouve une petite collectivitĂ© qui porte, toujours, le nom des Abdoukel et c’est lĂ , que nous avons pu, rĂ©cemment, rencontrer ceux qui peuvent ĂŞtre considĂ©rĂ©s comme les derniers des Abdoukel.
Avec les Idekoudy, ces rescapĂ©s d’un autre age forment ce qui reste d’une antique et puissante confĂ©dĂ©ration lemtounienne qui avait, pendant longtemps, connu, une gloire aussi prestigieuse qu’aveuglante avant de s’enfoncer dans une indiffĂ©rente modestie.
Quelques fractions et autres familles des anciens Abdoukel qui ne portent plus ce nom sont, Ă  en croire des traditions orales transmises de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration, dissĂ©minĂ©es dans des diverses tribus maures . C’est, notamment de Ahl Tiki chez les Oulad Mhoumoud du Hodh et de Ahl Kenta chez les Ideichilly.
Pour conclure sur le chapitre de la guerre qui avait opposĂ©, essentiellement, les Oulad Nasser et les Abdoukel, Il faudrait garder Ă  l’esprit que contrairement, Ă  une opinion rĂ©pandue qui a tendance Ă  exagĂ©rer les consĂ©quences de la guerre de Char Bebba, la guerre contre les Abdoukel fut le vĂ©ritable tournant qui devait, considĂ©rablement , modifier le cours de l’Histoire dans ce pays.
En effet, comme nous l’avons dĂ©jĂ  soulignĂ© dans l’introduction de la prĂ©sente histoire des Maures ( Tarikh Al Bidhane), la guerre de Char Bebba dĂ©clenchĂ©e par Nacer dine (d’origine lemtouna) qui se dĂ©roula dans le sud ouest mauritanien Ă  la fin du XVIIeme siècle de l’ère chrĂ©tienne fut un Ă©vĂ©nement d’une courte durĂ©e , d’ailleurs, limitĂ© Ă  une zone bien prĂ©cise.
En revanche , c’est bien suite Ă  la première guerre qui avait Ă©tĂ© livrĂ©e aux puissants Abdoukel, que le plus important choc entre les Sanhadja du dĂ©sert, hĂ©ritiers du pouvoir des hommes voilĂ©s, celui des almoravides et les Arabes Maaqil fut enregistrĂ©.
Ce choc qui s’est traduit, entre autres, par l’institution d’un système de redevances (magharim) au profit des Hassan, l’interdiction de porter les armes prescrite aux Lemtouniens Abdoukel, la stratification fonctionnelle de la sociĂ©tĂ© maure : stricte sĂ©paration des fonctions religieuses et guerrières, l’arabisation linguistique et filiale etc. fut , en fait, le prĂ©lude Ă  la constitution de l’actuelle sociĂ©tĂ© maure.
Toutes ces consĂ©quences de la guerre contre les Abdoukel que seront Ă©voquĂ©es de manière plus dĂ©taillĂ©e, ultĂ©rieurement, sont en fait l’expression d’un contexte historique fondateur marquĂ© par ce que nous pouvons appeler : «la naissance des Maures Â»

 

Hama hou Allah ould Salem
Professeur d’histoire à l’université de Nouakchott
LaurĂ©at du Prix Chinguitti 2006.


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