Gouvernement : Le verre à moitié plein   
09/06/2007

Alors que Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi ne fêtera ses deux mois au pouvoir que dans quelques jours et le gouvernement qu’il a nommé a déjà eu à peine le temps de prendre connaissance des dossiers, il peut-être prématuré de dresser un bilan de leur action. Pourtant, à entendre certaines déclarations d’une partie de l’opposition relayées par la rumeur et la presse qui lui sont affiliées, le Président de la République ne «gouverne pas» et le gouvernement le fait mal. Celui-ci assumerait d’ailleurs toute la responsabilité de la pénurie d’eau et des délestages du courant que connaît Nouakchott, de la hausse vertigineuse des prix et même de l’affaire de la drogue qui défraie encore la chronique.



C’est que ce gouvernement presque entièrement formé de jeunes technocrates qui s’assoient pour la première fois autour de la table du conseil des ministres a été injustement délesté –il faut le dire- d’un temps de grâce auquel il a droit au titre des conditions dans lesquelles il a reçu le commandement.
Et lorsque les inconsolés de la présidentielle de mars dernier cherchent à signaler d’autres griefs, ils se lancent dans des diatribes contre l’institution militaire coupable selon eux «de s’être maintenue au pouvoir», ou dans des appels de pieds à la réinstallation du monolithisme et de la politique du partage du gâteau, sous l’appellation tentante de «gouvernement d’union nationale» !

Un Président citoyen
Un observateur objectif ne peut cependant que constater, qu’en moins de deux mois, de nombreuses actions et chantiers de réformes ont été mis en route et que les critiques adressées au pouvoir actuel escamotent volontairement bien des points positifs au crédit de celui-ci.  Et d’abord dans l’exercice par le Président de la République de sa charge.
Depuis le 19 avril dernier, date à laquelle il a été investi, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi a déjà reçu l’ensemble des composantes du spectre politique national, y compris des organisations et des groupes sans existence légale, instituant une concertation inconnue jusqu’à présent de nos politiques; rapprochant le chef de l’Etat des porte-paroles des citoyens et donc de ceux-ci. Ces audiences, toutes jugées très fructueuses par les personnes reçues, ont largement contribué à tracer les contours d’un dialogue politique responsable autour des grandes questions nationales. Elles servent de prélude à la solution de nombreux problèmes qui hantent notre scène politique et en perturbent la sérénité.
Si on ajoute à cela les nombreuses fois où il s’est rendu à la mosquée pour prier avec le peuple et la visite qu’il a effectuée récemment à l’hôpital national pour compatir avec les malades, on a vite fait de constater que Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi se présente comme un Président citoyen qui garde le contact et cherche à décider avec le peuple et non comme un monarque que les escortes et les protocoles corsés maintiennent à l’écart de ses populations et de leurs problèmes. L’image que le premier des mauritaniens veut ainsi donner de lui mérite tout le respect de ses compatriotes, et en particulier de ceux qui lorgnent vers le fauteuil qu’il occupe.

L’espace de liberté élargi
La promulgation du décret d’application du texte portant statut de l’opposition démocratique et la nomination du chef de file de celle-ci sont venues couronner et consolider ce climat d’apaisement et de cohésion nationale. Elles participent aussi de l’élargissement de l’espace de liberté dont la presse nationale, publique et privée, jouissent aujourd’hui des innombrables avantages. Cette liberté absolue retrouvée après plusieurs décennies de brimades et de marginalisation est à mettre au crédit de la volonté sincère du Président de la République de n’attenter d’aucune manière aux libertés garanties par la Constitution. Cette volonté est d’autant plus réelle que ces libertés et en particulier celle de la presse, figurent en très bonne place parmi les priorités de l’action gouvernementale définies par le Président dans la lettre de mission du gouvernement.

Un gouvernement responsabilisé

Dans le même esprit et contrairement à une tradition bien ancrée, le Président a publiquement remis au Premier Ministre une lettre de mission claire, dans laquelle il trace les grandes lignes de l’action du gouvernement et les orientations à suivre. Le chef de l’Etat entend ainsi dire qu’il donne des pouvoirs à son Premier Ministre et que celui-ci en aura sur ses Ministres. Fini le temps des Premiers Ministres fusibles tout le temps court-circuités par leurs ministres et dont le seul rôle est de sauter quand il y a un problème ! N’est-ce pas là un signe fort d’une volonté de gouverner autrement ? L’action du gouvernement n’en sera-t-elle pas meilleure ? Le Président ne doit-il pas être encouragé à aller dans ce sens ?

Gage de probité

Une autre mesure instaurée par le Président de la république et appliquée en toute diligence par le gouvernement devait également être mise au crédit du pouvoir et susciter, ne serait-ce que du bout des lèvres, une approbation des opposants : l’obligation pour les membres du gouvernement et les hauts responsables de l’Etat de déclarer leur patrimoine au moment de prendre service. Il s’agit là d’un gage de probité et de droiture que le Président de la république et les membres de son gouvernement donnent à leurs concitoyens. Une mesure qui, si elle est bien appliquée, permettra de protéger les biens publics contre la prédation éventuelle, car elle rend plus facile le pistage des deniers publics détournés par les responsables indélicats. Pouvons-nous rêver de mieux aujourd’hui, alors que la corruption, la dilapidation des biens publics et autres formes d’arnaque de la communauté nationale gangrènent notre système de gestion ? Une opposition démocratique ne devrait-elle pas saluer une telle mesure ou tout au moins en mentionner l’opportunité ? 

Justice et apaisement des cœurs
Peu de journalistes et d’hommes politiques ont déjà eu l’honnêteté politique de le reconnaître publiquement, mais le gouvernement actuel a franchi, en matière de justice et de paix des cœurs, en quelques semaines, des pas que ces prédécesseurs n’ont pas réussi à esquisser en plusieurs années.
Le procès d’une première vague d’islamistes emprisonnés depuis plusieurs mois sans jugement, l’annonce pour très prochainement de la promulgation d’une loi criminalisant l’esclavage, l’amorce du processus devant aboutir au retour tant nécessaire de nos concitoyens qui vivent en exil suite aux événement douloureux de 1989 et le retour au pays de nombreux opposants en exil… ; toutes sont des actions qui dénotent d’une volonté réelle de solder les contentieux du passé, de réconcilier les mauritaniens avec eux-mêmes et de rétablir la cohésion nationale malmenée par plusieurs décennies de malentendus et d’arbitraire. Après la démocratie apaisée grâce à des élections transparentes, voici revenu le temps de la société fraternelle et réconciliée. N’est-ce pas là un des grands chantiers dont tous les candidats à la présidentielle de mars dernier s’entendaient sur l’urgence ? Les mesures prises ou annoncées par le pouvoir actuel ne doivent-elles pas susciter, sinon l’approbation, du moins l’intérêt des acteurs de l’opposition ?
Loin de nous l’idée de faire l’éloge du pouvoir, que nous serons du reste les premiers à clouer au pilori si dans quelques mois son action dévie de la trajectoire actuelle, mais à dire vrai, le travail mené jusqu’à présent par Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi et les hommes dont il s’est entouré suscite de l’espoir et présage de changements positifs pour le pays.
On peut ne pas être d’accord avec les actions menées jusqu’à présent et en proposer d’autres. On a le droit de signaler les insuffisances et même de remettre en cause le choix des priorités. Mais il est inacceptable de persister à pointer du doigt la partie vide du verre en escamotant totalement la partie pleine.
On avait espéré que cette manière d’exercer le ministère de l’opposition fondée sur l’adversité et le nihilisme politiques était révolue, et que notre pays était entré dans l’ère de l’opposition démocratique ; que les opposants du pouvoir démocratiquement élu par les mauritaniens étaient désormais disposés, après avoir consommé leur défaite, à jouer avec responsabilité et sens de l’efficacité politique, le rôle que le peuple leur a confié : s’opposer démocratiquement à la majorité c’est-à-dire, avec objectivité et avec respect du citoyen ! Ce dernier exige, en effet, de toujours rappeler que le verre est à moitié pleine, mais que l’objectif est bien de le remplir tout entier.

 


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