Il n y a pas de sot métier. Les jeunes mauritaniens l’ont si bien compris qu’ils ont investi tous les secteurs dits informels; et ceci depuis quelques temps. En effet à coté des traditionnels marchands de toutes sortes et des rabatteurs opérants pour les vendeurs de dévises,depuis quelques temps la nouvelle trouvaille est la vente de crédit téléphonique au détail ou le "tawhiil crédit".
Il est dix heures du matin, un petit vent frisquet souffle et vous colle à la peau des pellicules de sable fin. Sur l’axe qui va du carrefour de la polyclinique jusqu’à hauteur de la caserne de la fanfare de l’armée nationale et même sur les petites allées qui entrent dans le petit marché appelé"marché du charbon", il est devenu fréquent que l’on se fasse aborder par des jeunes gens enturbannés. Ils vous disent simplement:"Tahwiil crédit" et accompagnent leurs propos d’un téléphone qu’ils vous tendent. Les initiés réagissent par un signe affirmatif ou continuent tranquillement leur chemin. Quant aux novices, ils restent plantés là l’air dubitatif. Alors, il s’en suit des explications très convaincantes et assez persuasives du vendeur sur l’aubaine que représente le transfert d’un crédit de 200,400 Um du sien vers le votre. Comme la plupart des piétons qui arpentent ce passage sont le plus souvent fauchés après quelques hésitations ils finissent en général par se laisser tenter. C’est le cas de Khattri, agent de sécurité" Je viens souvent acheter du crédit au détail pour passer quelques coups de fils ponctuels. Apres tout il vaut mieux se délester de 200Um que de 1000Um.Je trouve que c’est un procédé salutaire car il n y a pas que les appels téléphoniques à faire passer. Il faut bien faire bouillir la marmite et avec ces jeunes, j’arrive à faire des économies sur mon budget familial."
Brahim; vendeur de chaussures assis à même le sol devant une dizaines de paires disposés sur une monticule de sable n’est pas du même avis:"Ces jeunes ne sont pas crédibles ils profitent parfois de l’ignorance de certaines personnes qu’ils roulent dans la farine en leur assurant avoir envoyé du crédit et prennent la poudre d’escampette et personne ne pourra les confondre car ils sont toujours masqués et n’ont pas de places fixes".
Les avis sont donc visiblement partagés sur la conduite à tenir devant ces marchands du virtuel.
Habib, un jeune homme d’une vingtaine d’année est du sérail. Il s’est beaucoup fait prier avant de concéder à livrer quelques mots sur son univers."Nous sommes plus à féliciter qu’à incriminer.Vous savez, c’est la mentalité du mauritanien qui est ainsi faite. Dés qu’on voit quelqu’un entreprendre une activité nouvelle, des deux choses,l’une ou on se fait copier outrageusement ou on se voit diaboliser. Je pense que notre travail est plus valorisant que le vol. D’autre part nous "arrangeons" bien de personnes aux revenus modestes."Quant aux gains qu’ils engrenage, motus. Habib ne veut rien laisser filtrer. Un ouvrier assis à coté explique qu’ils font des gains substantiels sur le dos de Mauritel. En effet, le procédé consiste à acheter des cartes de 10 000Um sur lesquels ils obtiennent des bonus. C’est de ces mêmes bonus qu’ils font leurs bénéfices. Mais c’est quand la société de téléphonie mobile fait des promotions à raison de bonus de 100% qu’ils décrochent le jackpot. En effet, il suffit de faire entrer des crédits de quelques centaines d’ouguiyas et d’attendre que passe la période promotionnelle afin de réaliser des bénéfices colossaux.
Ainsi opèrent les vendeurs de crédit.C’est certainement une activité éphémère et passablement aléatoire car introduire de fortes sommes d’argent dans un appareil reste quand même risqué. Une défaillance chez Mauritel peut "vider" votre compte de crédit. Mieux cette concurrence déloyale peut inciter la même société à sévir afin de se débarrasser des parasites qui vivent sur son dos. Mais comme le dit l’adage"qui ne risque rien n’a rien" En attendant, Habib et ses congénères continuent à braver le vent et le froid pour faire du "Tahwiil crédit"
Biri N’DIAYE
youbiss@yahoo.fr
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