Intégration économique en Afrique: Pourquoi le processus piétine?   
04/04/2007

Face à la mondialisation, aucun pays ne pourrait isolèment tenir sur la scène de la conccurence internationale. Les processus régionaux d’intégration sont une réponse adéquate à cette nouvelle donne. Cela fonctionne en Europe, en Amérique, en Asie, mais pas encore convenablement en Afrique, même si des efforts ont été faits.



La coopération sectorielle telle que la mise en place d’infrastructures est un important volet des efforts d’intégration en Afrique. La mise en place d’infrastructures multinationales présente d importants avantages, si les pays mettent en commun leurs ressources et travaillent de concert au niveau régional. C’est pourquoi les communautés économiques régionales (CER) s’emploient à promouvoir une coopération active entre les Etats membres dans différents secteurs en harmonisant les politiques, en mobilisant les ressources nécessaires pour les investissements et en élaborant des plans directeurs régionaux. Les domaines critiques d’intervention sont notamment les transports, les communications et l’énergie. Il convient d’avoir un bon système de transport pour faciliter le commerce et la mobilité de la main-d’œuvre, intégrer les marchés et réduire les coûts des transactions commerciales. L’Afrique est très en retard à cet égard, par rapport aux autres régions en développement. L’Organisation des Nations Unies a défini le cadre du développement du transport en Afrique en proclamant les Décennies des Nations Unies pour les transports et les communications en Afrique (UNTACDA), la première ayant eu lieu de 1978 à 1988 et la seconde de 1991 à 2000 (UNTACDA I et UNTACDA II, respectivement). Les Décennies avaient principalement pour objectif d’encourager la construction de routes transafricaines praticables en tous temps et de relier directement, dans la mesure du possible, les différentes capitales du continent. Il s’agissait aussi de contribuer à l’intégration politique, économique et sociale de l’Afrique, et de créer des infrastructures de transport routier entre d’importants centres de production et de consommation. La longueur totale des routes transafricaines, qui comprennent neuf principaux tronçons, est de 59 000 km, dont 25 % n’ont pas encore été construits ou ne répondent pas aux normes.

Des avancées dans la coopération énergétique

En ce qui concerne le secteur de l’énergie, le principal problème est la rationalisation de la répartition spatiale des ressources énergétiques. En fait, même si l’Afrique est relativement bien dotée en ressources énergétiques (pétrole, charbon, hydro-électricité, gaz naturel), ces dernières sont mal réparties dans l’espace et souvent éloignées des centres de demande. Ainsi, pour assurer un approvisionnement durable en énergie commerciale, il faut que l’énergie puisse être échangée. La mise en place et l’utilisation d’installations de production d’électricité sont probablement les plus grandes réussites de la coopération régionale. On peut citer à cet égard, la centrale électrique de Kariba Sud dans la SADC (666 megawatts), la centrale hydro-électrique de Ruzzi II dans la région des Grands Lacs (40 megawatts), la centrale hydro-électrique de Nangbeto de la Communauté électrique du Bénin en Afrique de l’Ouest (65 megawatts) et le projet hydro-électrique de Manantali de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal, encore en Afrique de l’Ouest (200 megawatts). En outre, la plupart des CER envisage de créer des réseaux d’interconnexion sous-régionaux. Par exemple, dans la SADC, douze Etats membres ont créé le réseau d’interconnexion de l’Afrique australe, qui pourrait servir d’exemple pour des initiatives similaires ailleurs.

La mauvaise volonté des Etats africains

Le processus d’intégration économique en Afrique n’a pas atteint son objectif d’accélérer les échanges entre les Etats membres. Plusieurs raisons sont souvent évoquées pour expliquer cet échec au rang desquelles l’étroitesse des marchés, les structures semblables des économies de cette région. Cependant, ces explications ne prennent pas en compte les comportements altruistes des populations mais aussi et surtout celui des hommes politiques. Les discours sur l’échec du processus d’intégration fait l’hypothèse que les hommes politiques africains sont des despotes bienveillants qui oeuvrent pour la bonne marche de cette politique. A l’épreuve des faits, il apparaît que l’intégration a constitué une menace sérieuse pour les pouvoirs politiques en Afrique dans la mesure où l’intégration tente de mettre fin à l’économie de rente qui entretient ces pouvoirs. C’est en partie pour cela, que «Les Africains ont peur de reconnaître le leadership d’un pays»comme le soutient Babacar N’Diaye, ancien président de la Banque africaine de développement (BAD) de 1985 à 1995. Selon lui c’est un tort, car «certains pays peuvent devenir des locomotives et favoriser le développement intégré». Des pays comme la Côte d’Ivoire et le Nigeria peuvent apporter des réponses satisfaisantes à l’économie d’intégration dans la région de l’Afrique de l’Ouest, comme l’Afrique du Sud et d’autres pays peuvent le faire ailleurs sur le continent. Ces deux axes de dynamisme ont incité l’ancien président de la BAD à prôner l’amorce d’une réflexion des Etats membres dans ce sens, dans l’intérêt du continent. La participation insuffisante des états membres de la BAD (autour de 7% des ressources globales) est une parfaite illustration de la mauvaise ou du manque de synergie entre les forces financières et commerciales africaines. «La BAD n’a d’africain que le nom. Que serait-elle devenue si des ressources provenant de capitaux internationaux n’avaient pas été réunies» regrette-t-il. Une telle mauvaise volonté s’est retrouvée dans le sommet du Nepad qui a eu lieu à Alger il y a quelques jours: les principaux chefs d’état africains n’étaient pas de la partie (Wade, Mbeki, Obasanjo), signifiant peut-être au passage la fin annoncée de cette institution intégratrice, avortée avant même d’être vraiment née.
Mamoudou Lamine Kane


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