Premier second tour dans une élection présidentielle en Mauritanie: Qui va gagner?   
14/03/2007

Les résultats provisoires du premier tour des élections présidentielles du 11 mars en Mauritanie sont tombés, l’après-midi du 12 mars 2007. Mohamed Ahmed Ould Mohamed Lemine, le ministre de l’Intérieur, en a fait la proclamation avant leur transmission au conseil constitutionnel. Aucun des dix-neuf candidats en lice n’a pu obtenir plus de 50 % de voix nécessaires pour ouvrir devant lui, le portail de la Présidence de la République. Trois candidats, respectivement, Sidi Ould Cheikh Abdellahi, Ahmed Ould Daddah et Zeine Ould Zeidane sont sortis du lot, avec des scores honorables.



Les deux premiers se sont qualifiés pour un second tour prévu le 25 mars prochain. Septuagénaires, les deux favoris appartiennent à la même génération, ils ont servi comme ministres sous Feu Moctar Ould Daddah, et sont originaires de régions limitrophes: le Brakna pour le premier, et le Trarza pour le second. Chacun d’entre eux se targue d’incarner le changement et l’espoir. Ils sont soutenus par deux familles politiques radicalement opposées. La première, celle qui soutient Ould Cheikh Abdellahi regroupe l’ex-majorité qui avait gouverné la Mauritanie de 1992 à août 2005, et qui malgré sa majorité parlementaire obtenue lors des consultations de novembre/décembre 2006, n’a pu drainer que 24,709 % de l’électorat au premier tour en faveur de son candidat. Cette contre-performance est liée à l’engagement dans la course au fauteuil du benjamin des candidats, Zeine Ould Zeidane qui a recueilli 15, 27 % des suffrages, faisant éclater la base de l’ancienne majorité, et l’empêchant de se reconstituer autour de Ould Cheikh Abdellahi, lequel aurait pu réaliser 41,53 % des suffrages dés le premier tour.
Ould Daddah le deuxième favori incarne quant à lui, une famille politique qui a eu ses heures de gloire de l’indépendance en 1960, jusqu’au 18 juillet 1978, avec la première incursion de l’Armée sur la scène politique. Il est revenu sur le devant de la scène à la faveur de la démocratisation entamée par Ould Taya en 1991. Ould Daddah a toujours été l’opposant irréductible à la majorité créée autour de Ould Taya. Il appartient à une mouvance politique regroupée au sein de la CFCD pour constituer une alternative au retour aux affaires de l’ancienne majorité déposée le 3 août 2005 par les militaires. Une mouvance qui n’a recueilli que 41 députés lors des élections législatives, et qui (si l’on fait le décompte des scores obtenus par ses six candidats : (RFD 20,68%, APP 9,80%, Islamistes 7,65%, Sarr Ibrahima 7,94%, UFP 4,08%¨et PLEJ 0,55%) est venue pourtant majoritaire avec 50,70 % des voix lors du scrutin présidentiel du 11 mars. Au finish, c’est la multitude des candidatures, l’émiettement de l’électorat et les votes particularistes qui ont empêché les deux pôles politiques qui se disputent le leadership national, d’avoir eu le dessus dès le premier round.

Qui gagnera ?

L’organisation d’un deuxième tour constitue une première dans l’histoire de la Mauritanie. Elle témoigne avant tout de la crédibilité du scrutin dans ce pays où l’alternance politique s’est toujours faite par les coups d’Etats.
En l’absence d’accord de désistement entre les candidats, d’intenses négociations sont lancées en vue du second tour du 25 mars, dans lequel le report des votes est présenté comme incertain.
Ould Cheikh Abdellahi et Ould Daddah ne peuvent définitivement compter sur le report de votes de leurs mouvances respectives. Ce report est incertain en raison de la faiblesse de concepts de la proximité politique, et de la discipline au sein des partis face à l’indiscipline de l’électorat, et la force des pesanteurs traditionnelles. Interrogé dimanche dernier sur ses relations avec Sidi Ould Cheikh Abdellahi, M. Zeidane Ould Zeidane a déclaré: "Beaucoup de mes soutiens sont du même camp politique que lui. Il y a peut-être certaines disponibilités à discuter." Mais en dehors de la proximité politique, Ould Cheikh Abdellahi candidat à un seul mandat concède un avantage de taille à Zeine qui pourra briguer la magistrature suprême dans 5 ans. Malgré cela, l’entourage de Ould Zeidane semble être partagé. Certains parmi cet entourage, tirent vers le soutien à Ahmed Ould Daddah (qui en cas de victoire au second tour pourra rempiler pour un second mandat), tandis que d’autres appellent au soutien de Sidi Ould Cheikh Abdellahi pour des raisons évidentes. Une option plus que probable compte tenu du profil du directoire de ce candidat et de son électorat généralement rétif à Ould Daddah. Surtout que ce ne sont pas seulement les 15, 27 % des suffrages recueillis par Zeine Ould Zeidane qui garantiront le succès à Ould Cheikh Abdellahi ; et pas non plus les 1,47 % recueillis par Ould Cheikh Ebilmaali président du conseil national du PRDR . Il faudra qu’en plus du report de 7,77% des suffrages recueillis par les 11 autres candidats hors CFCD, que Ould Cheikh Abdellahi réussisse à mobiliser l’électorat qui ne s’est pas manifesté au premier tour (estimé à 30 %) où qu’il obtienne le soutien de l’une des composantes de la CFCD. Ces défis relevés, Ould Cheikh Abdellahi sera élu haut la main au second tour.
Mais c’est justement sur le soutien et la solidarité de la CFCD que compte Ould Daddah, l’outsider de Ould Cheikh Abdellahi. En cas de report de votes et de respect de consignes de votes par les militants de la CFCD, Ould Daddah pourra gagner avec un score très serré. Il sera le président élu par la CFCD, et se heurtera à un problème de taille : Il aura en face de lui, un parlement où sa famille politique est  minoritaire. Bonjour les empoignades!

IOM

 

Les Favoris battent le rappel des troupes

Aussitôt après la proclamation des résultats du premier tour les deux candidats qualifiés pour ce second round ont tenus des conférences de presse pour ratisser large et battre le rappel de leurs troupes.
Le candidat Sidi Ould Cheikh Abdellahi souriant et détendu a indiqué "le peuple souhaite que pour les traitements des problèmes il y ait une préférence pour le plus grand consensus possible. Ce message, je l’ai bien entendu". Il a souhaité "répondre à cette volonté du peuple pour le plus grand consensus possible avec les candidats (éliminés au 1er tour), les partis politiques, tous ceux qui le souhaitent".
De son côté, le Candidat Ahmed Ould Daddah, plutôt tendu, a lu une brève déclaration à la presse, sans répondre aux questions des journalistes.
"Je lance un appel à toutes les forces politiques, à toutes les personnalités indépendantes et à tous les citoyens sans exclusive pour qu’ils saisissent cette opportunité historique de préparer et réussir l’avènement d’un changement démocratique dans le pays", a-t-il ajouté.
"Le 2e tour est une étape importante sur la voie de la victoire pour ceux qui espèrent une alternance ouverte et responsable", a-t-il insisté.
"Les citoyens ont exprimé leur préférence pour le changement, ils doivent le concrétiser pour le second tour", a-t-il conclu.
Ould Cheikh Abdallahi s’est également prononcé pour le "changement", en promettant de régler le problème de l’esclavage, officiellement aboli en 1981 mais qui subsiste encore.
"Si je suis élu, les autorités s’emploieront à débusquer les cas de tentative d’asservissement et les sanctions les plus sévères seront prises", a-t-il assuré.
Il a également promis un "traitement spécial" et une "discrimination positive" pour les anciens esclaves, les plus frappés par la pauvreté.

Zeine Ould Zeidane fait monter les enchères pour le second tour

"On soutiendra le candidat qui prendra comme projet celui que nous avons avancé. On se mettra avec le candidat qui acceptera notre programme et acceptera que des gens crédibles mettent en oeuvre ce programme", a déclaré mardi à Nouakchott, Zeine Ould Zeidane lors d’une conférence de presse. Arrivé en troisième position au premier tour du scrutin présidentiel du 11 mars, Ould Zeidane fait ainsi monter les enchères
"Nous n’avons pas encore commencé les discussions" avec les deux candidats du second tour, a-t-il affirmé. "Nous continuerons à nous battre pour qu’il y ait un changement. On va créer une formation politique", a-t-il poursuivi, confirmant son engagement en politique.
Ancien gouverneur de la Banque Centrale de Mauritanie, le benjamin des 19 candidats a obtenu 15% des voix pour sa première candidature à une élection présidentielle.

 

Les résultats globaux provisoires du premier tour du scrutin du 11 mars :

Nombre d’inscrits: 1134774
Nombre de votants: 795083
Nombre de bulletins nuls: 50708, soit 6,37%
Nombre de votes blancs: 3309, soit 0,41%
Nombre de suffrages exprimés: 741066
Taux de participation: 70,07%

En respectant l’ordre des candidats sur la liste établie par le Conseil constitutionnel, la répartition des suffrages exprimés entre eux est la suivante:

1 - Zein Ould Zeidane: 113194 voix, soit 15,27%
2 - Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi: 183743 voix, soit 24,79%
3 - Moulaye El Hacen Ould Jeid: 2536 voix, soit 0,34%
4 - Mohamed Ould Mouloud: 30265 voix, soit 4,08%
5 - Dehane Ould Ahmed Mahmoud: 15316 voix, soit 2,07%
6 - Ahmed Ould Daddah: 153242 voix, soit 20,68%
7 - Mohamed Ahmed Ould Babahmed Ould Salihi: 2789 voix, soit 0,38%
8 - Mohamed khouna Ould Haidalla: 12807 voix, soit 1,73%
9 - Isselmou Ould El Moustapha: 1790 voix, soit 0,24%
10 - Mohamed Ould Cheikhna: 14265 voix, soit 1,92%
11 - Messaoud Ould Boulkheir: 72611 voix, soit 9,80%
12 - Saleh Ould Mohamedou Ould Hanenna: 56718 voix, soit 7,65%
13 - Mohamed Ould Mohamed El Moctar Ould Towmi: 1470 voix, soit 0,20%
14 - Ba Mamadou Alassane: 4078 voix, soit 0,55%
15 - Rajel dit Rachid Mustapha: 1976 voix, soit 0,27%
16 - Mohamedou Ould Ghoulam Ould Sidati: 653 voix, soit 0,09%
17 - Sidi Ould Isselmou Ould Mohamed Dahid: 1804 voix, soit 0,24%
18 - Ethmane Ould Cheikh Ahmed Ebilmaali: 10874 voix, soit 1,47%
19 - Ibrahima Moctar Sarr: 58818 voix, soit 7,94%
20 - Chbih Ould Cheikh Malainine: 2117 voix, soit 0,29%.

 

                                          Les réactions
Le Président Ely Ould Mohamed Vall réagit au scrutin :«Nous quittons le pouvoir avec le sentiment du devoir accompli»
Le président Ely Ould Mohamed Vall, a déclaré dimanche qu’il quittait le pouvoir "avec le sentiment du devoir accompli". "Nous sommes venus au pouvoir pour des raisons précises. Nous avons accompli une mission. Nous quittons le pouvoir après cette mission avec le sentiment du devoir accompli", a-t-il déclaré à la presse après avoir voté pour le premier tour du scrutin. "Il n’y aura plus de putsch en Mauritanie car les raisons des putschs à répétition ont disparu avec le système de l’alternance démocratique", a assuré M. Ould Mohamed Vall, conseillant à son futur successeur de "maintenir le cap et respecter le choix des Mauritaniens". La présidentielle de dimanche est présenté comme le premier scrutin véritablement démocratique depuis l’indépendance du pays en 1960. Jusqu’à présent, les changements de pouvoirs se sont toujours effectués avec des coups d’Etat et les élections organisées avant août 2005 ont toutes été contestées.
Le président sortant a de nouveau salué une "campagne extrêmement correcte où il n’y a eu aucun incident" avant le premier tour de dimanche et a précisé qu’il donnerait une indication sur la suite de sa carrière "le jour de l’investiture du nouveau président, quand j’aurai terminé totalement ma mission".

La démocratie mauritanienne est un exemple pour le monde islamique, selon l’OCI

L’Organisation de la conférence islamique (OCI) a exprimé lundi sa satisfaction vis-à-vis de l’expérience démocratique mauritanienne.
Les opérations de vote pour l’élection présidentielle de dimanche se sont déroulées dans la « transparence totale et une grande souplesse Â», a assuré le chef d’une mission de l’OCI, Zamel Saiidi Hamoud.
M. Hamoud a aussi estimé dans une déclaration à la presse à l’issue d’une audience avec le président mauritanien, le colonel Ely Ould Mohamed Vall, que ce qui s’est passé dans ce pays est « un exemple à suivre dans le monde islamique Â».
Il a également salué la conscience dont a fait preuve le peuple mauritanien à l’occasion de ce scrutin

La Mauritanie est un «exemple» pour le monde arabe et africain

Le premier tour de l’élection présidentielle tenu dimanche en Mauritanie pourra "servir d’exemple pour le monde arabe et africain", a estimé lundi une responsable américaine chargée des Affaires africaines, Linda Thomas-Greenfield. "Ces élections pourront servir d’exemple pour le monde arabe et africain, et même pour le monde entier", a affirmé Mme Linda Thomas-Greenfield, premier adjoint du sous-secrétaire d’Etat américain aux Affaires africaines, dans un communiqué de l’ambassade américaine à Nouakchott transmis à l’AFP.
"Mais cela ne veut pas dire que nous soutenons les coups d’Etat, nous (les) condamnons", a-t-elle ajouté, en qualifiant le scrutin de dimanche de "crédible, libre et transparent".

Mohamed Ould Maouloud dénonce quelques dérapages

Mohamed Ould Maouloud, candidat à l’élection présidentielle de mars 2007, a déclaré au cours d’une conférence de presse qu’il a donnée lundi après l’annonce des résultats officiels du 1er tour de l’élection présidentielle du 11 mars dernier. que la "prochaine étape de la transition en Mauritanie requiert un haut degré de prise de conscience et de patriotisme afin d’épargner au pays les dérapages éventuels dangereux" Ould Maouloud a félicité le peuple mauritanien pour la réussite de cette opération électorale S’agissant des résultats, il a relevé trois facteurs qui ont influé sur leur cours:
- Le 1er facteur est l’appui de certains membres du CMJD au profit de certains candidats;
- le second est que le vote ait pris un caractère tribal et ethnique faisant que son parti, l’UFP en était victime;
- le 3ème facteur est le fait que certains candidats ont bénéficié de financements et d’appuis substantiels qui ont influé sur les résultats.
Le président de l’UFP a précisé qu’il respecte le choix du peuple mauritanien et reste prêt à poursuivre le processus et à contribuer efficacement à tout ce qui est de nature à garantir la stabilité du pays, son unité dans les conditions difficiles et complexes qui ne manqueront pas de marquer la prochaine phase de la transition.

L’exemple de la Mauritanie honore l’Afrique, déclare M. Pierre Buyoya

La mission de l’Organisation Internationale de la Francophonie, présidée par M. Pierre Buyoya, qui a suivi et observé le déroulement des présidentielles du 11 Mars a tenu mardi en début d’après midi à l’hotel Novotel Tfeila, un point de presse. Pour M. Pierre Buyoya, la mission de l’OIF tient d’abord à souligner le climat de sérénité, d’apaisement, de liberté et de responsabilité dans lequel s’est déroulé la consultation.
Il a aussi noté que leurs observations, le jour du scrutin, sur les opérations de vote attestent que ces dernières se sont déroulées dans un esprit consensuel et une nette amélioration des conditions d’organisation reflétant: un bon fonctionnement des bureaux de vote, un professionnalisme avéré des présidents et membres des bureaux de vote, une participation active des représentants de la CENI, une présence importante des délégués des candidats et la transparence et la rigueur des opérations de dépouillement. M. Pierre Buyoya a remercié les autorités et le peuple mauritaniens et souligné en conclusion que "l’exemple de la Mauritanie honore l’Afrique, la communauté internationale et l’OIF".

                           Communiqué de presse
Dans le cadre de la mise œuvre du projet d’observation électorale financé par la communauté internationale, le CyberForum de la société civile a déployé ce jour 224 observateurs appuyés par 46 points focaux départementaux dans 46 moughataas sur les 49 ciblées par le projet. En effet, des problèmes de logistiques et de temps n’ont pas permis de couvrir, à cause de leur éloignement, les moughataas de Bassiknou, d’Amourj et de Tamechaket.
A la mi-journée, des informations préliminaires recueillies par les observateurs du Cyberforum et traitées au niveau du siège central par une permanence mise en place la veille indiquent que le scrutin présidentiel du 11 mars 2007 se déroule dans des conditions normales. Dans la plupart des cas, l’ouverture des bureaux de vote s’est faite à 7 heures. Toutefois, certains points focaux signalent le retard de certains présidents de bureaux notamment dans la moughataa de Teyarett.
L’affluence est jugée bonne et l’accès des électeurs aux bureaux de vote ne connaît pas d’entraves particulières. On signale cependant une perturbation des moyens de transport dont l’origine n’a pas encore été déterminée. Certains candidats auraient monopolisé à dessein le parc des autobus.
Autre fausse note : des groupes de personnes continuent de faire de la propagande aux alentours des bureaux de vote pour orienter le vote des électeurs au profit de tel ou tel ou tel autre candidat.
A Boumdeid, un groupe d’observateurs du CyberForum a été empêché par le hakem d’accéder aux bureaux de vote. Mais ce problème a été résolu après l’intervention et la protestation des responsables du CyberForum auprès des autorités concernées.

Le CyberForum de la Société civile
Nouakchott le11 Mars 2007


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