Serie Histoire: Le pouvoir des hommes voilés(IVeme partie), Les Sanhadja de la tribu à l’Etat (VIIeme au XIeme siècle)   
17/01/2007

En dépit des obstacles qui se sont dressés devant l’entreprise  engagée sous l’égide de Abdullah ibnou Yacine,  la prédication «réformiste» s’est, très tôt, transformée en mouvement  de lutte armée (Djihad). Cette orientation belliqueuse  a visé, d’abord, l’anéantissement du pouvoir Zenâta qui régnait au Nord du Sahara ainsi que l’éradication complète des «poches d’innovation blâmable» constituées par les différentes sectes et autres prédications hérétiques.



Cette guerre sainte a, par la suite, été dirigée vers le sud, notamment contre la ville d’ Aoudaghost  qui a été saccagée et dont les habitants ont, lourdement, payé le prix du soutien qu’ils ont apporté au roi païen de l’empire du Ghana. C’est à la suite de cette expansion que le mouvement almoravide s’est transformé en Etat dont la territorialité  s’étendait de Marrakech vers le grand Sahara. Durant cette période  de fondation, la capitale de  Etat almoravide fut Azzougui  située dans l’Adrar mauritanien et, plus précisément, à proximité d’Atar . C’est à cet endroit que se trouve la tombe de l’illustre juge et rhétoricien Mohamed Ibn ou Al Hassan Al mourady connu sous le nom Al Hadramy (m. 1095 ap.JC).

Une chronologie du mouvement almoravide – 5eme siècle de l’Hégire
au XI éme siècle de l’ère chrétienne

 A fin de fixer les principales étapes de l’évolution du mouvement almoravide il conviendrait de retenir, en résumé, les dates approximatives qui suivent :
- 430 H – 1039 ap.JC  -  Pèlerinage de Yahya ibnou Ibrahim Al Gdaly  lequel comme son nom ne l’indique pas est un lemtouna
- 446 -- 1055 -conquête de Wad Draa habité par des berbères non islamisés, invasion de Sigilmassa, Destruction d’Aouadaghost
 - 448 -- 1056 - Révolte des Gdala ; au 21 du mois de Muharram qui correspond au 19 avril de cette année, Yahya ibnou Omar Al Lamtouny a été tué, son successeur Abu Bakr ibnou Amir Al Lamtouny a , au cours de la même année, envahi le Sousse et  soumis les Lamta de Assrir (actuel sud marocain) .
-Muharram 450-Février 1057  la ville de Sijilmassa a été saccagée sur ordre de Abu Bakr ibnou Amir.
450--1058  conquête du territoire des Masmouda sous le commandement de Abdullah ibnou Yacine, au mois de Rabi’e Athany qui correspond à celui de juin de cette année , la conquête a visé Aghmat dont la chute a eu lieu au 2 du mois de joumada al oula ( 27 juin), au premier jour du mois de Dhou Al gha’adaty ( 11 décembre , une campagne armée a été dirigée en direction des Barghwata à Tamemisna., dés la fin de ce mois décembre, la campagne a visé les Zenâta de Tadla.
451--1059--  Abdullah ibnou Yacine a été tué et peu après son successeur Ibn ou Addou trouva la mort .
460--1068  Abu  Bakr ibnou Amir Al lamtouny procéde à une décentralisation en nommant des gouverneurs,  Au cours du mois de Dhou Al ghaadaty  qui correspond au mois de septembre de cette année, l’émir Abu Bakr épousa Zineb al nifrawiya.
461--1068-- 1069--  le territoire du maghrib ( actuel Maroc) fut conquis à la suite d’une campagne dirigée par Youssef ibnou Tachfin qui a opté pour l’édification de Marrakech comme  capitale de l’empire
465--1072 -   Abu Bakr ibnou amir se dessaisit du pouvoir sur le Maroc au profit de Youssef ibnou Tachfine, l’armée fut repartie entre les deux émirs.
 468- 1076 --  La ville de Fès fut conquise par Youssef., Mort de Abu Bakr ibnou amir dans la plaine du Tagant ( Mauritanie)
475- 1082 --  Conquête d’Oran et de Telmsen ( Algérie)
480- 1087 -- Mort de Brahim ibnou Abu  Bakr ibnou Amir
481- 1087- 1088-- Règne de Mohamed ibnou Yahya ibnou omar au Sahara et désignation d’Al Hadramy comme juge de l’Etat.
489- 1095  Mort du juge Abu Bakr Mohamed ibnou Al Hassen Al hadramy, Al mourady.

Les campagnes des almoravides se sont poursuivies suivant le processus, bien connu, qui a été décrit par les sources de l’Histoire médiévale et dont l’aboutissement fut l’effondrement de l’Etat almoravide au Maghrib ainsi qu’en Andalousie.
Néanmoins, les grandes batailles qui se sont déroulées dans le  Sahara des hommes voilés n’ont pas été suffisamment commentées  et il semble même qu’ une certaine vision de l’Histoire les a complètement négligées.
Parmi les plus célèbres de ces batailles, celle dite «d’Al djebel» (la montagne) en référence à la montagne de l’Adrar (Nord-Ouest de l’actuelle Mauritanie), s’est traduite par des combats de longue durée. C’est, d’ailleurs, à lors de cette bataille remportée par certaines tribus Sanhadja  que le prédicateur Abdullah ibnou Yacine a désigné par le terme   «Al mourabitoun» (Almoravides) . 
A l’issue de  «la bataille d’Al djebel», les vainqueurs almoravides ont annexé la capitale de l’Adrar connue sous le nom de Azgui ou, selon une autre appellation  consacrée par certains textes, Azzougui.
C’est au milieu de l’oasis qui entourait cette ville que les Almoravides ont construit un fort qui a été encerclé par les Gdala et les païens  soudanais avant que ceux-ci ne  fussent affrontés par Yahya ibnou Omar Al lamtouny et son allié le combattant Soninké, émir du Tekrour : Labé ben War Diaby. Selon Al Bakri, les deux émirs alliés ont trouvé  la mort à Tiferly situé entre «Talyouyen et Azgui». Cet endroit est à 90 kilomètres du village Wakchadha qui dépend territorialement de l’actuel département d’Aouajeft ( dans la région de l’ Adrar mauritanien).
 Par-delà ces combats d’ordre militaire, le mouvement almoravide a exercé une influence  spirituelle considérable sur la société et a, profondément, marqué la vie culturelle à l’ouest du Sahara..
L’unité spirituelle.
L’une des premières conséquences du mouvement almoravide fut, sans doute, la liquidation des courants hérétiques qui se concentraient au Nord dans «des poches d’innovation blâmables» ainsi que l’éradication des séquelles du paganisme qui empêchaient l’expansion de l’islam vers le sud..
 Les effets probants de cette entreprise unificatrice, au niveau spirituel, résultent du fait indéniable qu’après le mouvement almoravide, aucun courant, historiquement connu, ne s’est réclamé d’une dissidence au sunnisme
(l’orthodoxie).  Les gens du Sahara n’ont jamais revendiqué de manière explicite, après l’apparition du mouvement almoravide, une quelconque appartenance aux divers courants et autres écoles hérétiques.
Il convient de souligner que l’islam tel qu’il a été pratiqué par les premiers Almoravides est plutôt salafite au sens littéral du terme. Cet islam était notamment débarrassé  des considérations rationalisantes.  L’adoption d’un littéralisme simpliste s’explique par le fait que la première génération des   malikites  étaient, essentiellement, des Fughahas rigoristes peu portés à l’enseignement «ash’arite»  de la parole dialectique.
Il semble, d’ailleurs,  qu’ils n’avaient même pas besoin du débat idéologique  autour des questions liées à la foi dans la mesure où ils n’avaient pas des adversaires capables d’apporter la contradiction d’un domaine aussi compliqué. De toute manière,  et malgré la présence relativement ancienne des rites et autres courants de pensée notamment ibadites et shiites  au Sahara,en aucun moment, les leaders spirituels  du mouvement almoravide tels que Ibn   Yacine et ses compagnons n’ont été  associés à des polémiques d’ordre idéologique ou dialectique. En réalité, les premiers Almoravides   ont affronté leurs adversaires, comme l’indique une célèbre formule par  «l’épée et le fer et non par la plume et la langue».


(A suivre)
 Hamahou Allah Ould Salem
 Professeur  d’Histoire à l’Université de Nouakchott, lauréat du Prix Chinguitti 2006


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