CommuniquĂ© du SNES   
06/11/2011

Le ministère de la Fonction Publique, du Travail et de la Modernisation de l’Administration examine actuellement un projet de loi abrogeant et remplaçant la loi n° 71-207 du 5 août 1971 relative à l’exercice du droit de grève des fonctionnaires.Le projet de loi...



...en question est soumis ces jours-ci au Conseil supérieur de la fonction publique et de la réforme administrative.

Compte tenu de la nocuité de ce projet, le Syndicat Indépendant des Professeurs de l’Enseignement Secondaire (SIPES) et le Syndicat National de l’Enseignement Secondaire (SNES) mettent un certain nombre de remarques, qui révèlent la dangerosité de ce projet, à la disposition des enseignants, de tous les travailleurs de la fonction publique, des syndicats, des partis politiques, des parlementaires et de toutes les bonnes consciences:

 

1. Concernant le droit d’émettre un prĂ©avis de grève, l’article 2 de l’ancienne loi stipule: « Le prĂ©avis Ă©mane du syndicat professionnel rĂ©gulièrement constituĂ© et reprĂ©sentatif sur le plan national. Il doit parvenir aux Ministères chargĂ©s de la Fonction publique et du Travail trente jours francs avant le dĂ©clenchement de la grève. Le prĂ©avis prĂ©cise les motifs, la date et l’heure du dĂ©but ainsi que la durĂ©e de la grève envisagĂ©e.».

Alors que l’article 3 du nouveau projet affirme : « Le préavis émane de l’organisation syndicale la plus représentative dans la catégorie professionnelle ou dans le service ou l’organisme intéressé.Il précise les motifs du recours à la grève, le lieu de la grève, l’heure du début ainsi que la durée limitée ou non de la grève envisagée. Le préavis doit parvenir 15 jours avant le déclenchement de la grève au Ministre chargé de la gestion du secteur concerné qui en informe le ministre de la fonction publique et le ministre du travail.».

 

L’étude comparative des deux textes révèle les dissemblances suivantes:

• L’ancien texte, malgré sa promulgation dans un contexte caractérisé par l’absence de pluralisme politique et syndical, a accordé ce droit à tout «syndicat professionnel régulièrement constitué et représentatif sur le plan national.»

Quant au nouveau texte, publié sous un contexte qualifié de démocratique et pluraliste, il limite le droit de grève au syndicat le plus représentatif. Une restriction qui ne peut avoir d’explication en dehors de la volonté de placer des barrières devant les grèves et de d’imposer l’unilatéralisme, souvent accompagné de clientélisme politique, de flatterie et de privilège. Le plus étrange est que le projet de loi, qui a monopolisé le droit de grève pour le syndicat le plus représentatif, est présenté par un gouvernement ne reconnaissant pas l’existence d’un syndicat plus représentatif que d’autres.

Ce qui signifie qu’aucun syndicat n’a le droit de décider une grève. Pour ce qui est de l’affirmation selon laquelle le gouvernement va organiser des élections visant à connaître les organisations syndicales les plus représentatives, il va sans dires que les lois ne peuvent se fonder sur des hypothèses d’avenir, en particulier dans une région dominée par l’instabilité et la volatilité des politiques.

• Le nouveau texte réduit le préavis de grève à 15 jours au lieu de 30 dans l’ancien texte, ce qui est acceptable, bien qu’il reste en deçà du secteur privé où le préavis ne dépasse pas 10 jours ouvrables.

 

2. Concernant les personnels en grève au moment de la grève, dans l’article 5 alinéa 1 du nouveau projet il est dit que: «Les personnels qui se mettent en grève doivent évacuer les locaux». Cet alinéa est un additif sur l’ancien texte.

Outre le fait qu’il n’est pas justifié dans la pratique, étant donné la maturité des travailleurs et leur lucidité, il fait fi de la particularité de nombreux secteurs où les travailleurs peuvent être en grève pour certains emplois et non pour d’autres, tels que les enseignants su supérieur qui peuvent cesser d’assurer la fonction d’enseignement et continuer leur travail de recherche scientifique, pour laquelle, entre autre autres, ils ont besoin d’être à l’intérieur des locaux.

C’est aussi le cas des enseignants du secondaire qui assurent un travail d’encadrement parallèlement à l’enseignement : ils peuvent arrêter d’enseigner en tant qu’enseignants et rester dans les locaux pour assurer les fonctions d’encadrement. Et c’est le cas de nombreuses autres fonctions.

 

3. En ce qui concerne le niveau d’exercice du droit et l’impact de la grève envisagée, les articles 6,7 et 8 du projet de loi – tous nouveaux – ont évoqué la notion de service minimal:

• Ainsi l’article 6 exige l’adoption de ce service minimal afin de préserver ce qu’il a appelé « l’ordre public, la sécurité des personnes et des biens ».

• Quant à l’article 7, il a confié la tâche de déterminer le service minimal à un « décret pris en Conseil des ministres ». Ce qui aggrave la répression de l’exercice du droit de grève. Qu’est-ce qui garantit, par exemple, que le décret ne décide pas que la plupart des secteurs sont des « besoins essentiels du pays » ne pouvant être lésés, et partant que la poursuite du travail dans ces secteurs relève du service minimal ?

Rappelons que le Comité de la liberté syndicale de l’OIT affirme que certaines activités ne sont pas essentielles et leurs travailleurs ne devraient donc pas être harcelés à propos du droit de grève. Parmi ces secteurs, par exemple: les travailleurs des ports d’une manière générale, le dépannage des avions, tous les services de transport, les banques, les activités agricoles, les mines, les industries métallurgiques et pétrolières, l’éducation, l’importation et la distribution des aliments…

• L’article 8, lui, stipule que le fonctionnaire « qui ne défère pas à un ordre d’exécution » de ce qu’il appelle service minimal, « pourra faire l’objet des sanctions, en dehors des garanties disciplinaires ». Ce qui ouvre grandement la voie aux administrateurs pour sanctionner tout travailleur en grève, au motif qu’il se soustrait au service minimal.

 

4. Pour faire de la loi une Ă©pĂ©e de Damoclès Ă  brandir sur la tĂŞte des syndicalistes, le projet de loi ajoute un nouvel article, le n° 10, qui considère que quiconque encourage ou organise un arrĂŞt de travail en violation des restrictions mentionnĂ©es dans le texte, « est responsable du dommage causĂ© aux usagers des services publics concernĂ©s. La juridiction civile de droit commun est seule compĂ©tente pour connaĂ®tre de toute action en responsabilitĂ© relative Ă  ces faits. L’action se prescrit par trois ans Ă  partir de la date de la reprise rĂ©gulière du service.».


Appel: Les observations susmentionnées reflètent la gravité de ce projet qui vise à nous ramener à des périodes lointaines de l’histoire la plus obscure, à l’ère de la répression aveugle et de la dictature légiférée. Au moment où des tsunamis de liberté et d’émancipation de plus en plus ravageurs envahissent le monde.

Compte tenu de ce qui précède, nous tirons la sonnette d’alarme afin d’attirer l’attention des enseignants, de tous les travailleurs de la fonction publique, des syndicats, des partis politiques, des parlementaires et de toutes les bonnes consciences. Nous les appelons tous à se dresser par tous les moyens contre ce projet, pour qu’ensemble nous puissions y apporter les corrections nécessaires ou le faire avorter.

 


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