Chronique d’une crise non annoncée, entre le CMJD et la CFCD: Un deuxième round incertain!   
15/01/2007

Une nouvelle crise secoue  les relations naguère  mielleuses entre la CFCD et le CMJD. Suscitée, cette fois, par le soutien qu’apporterait le CMJD non plus aux candidatures inependantes, mais à un candidat indépendant à la présidentielle : Sidi Ould Cheikh Abdellahi. Le camp du changement sous Ould Taya se durcit et en appelle encore, à l’Union Africaine, la Francophonie et l’Union Européenne. Sera-t-il entendu enfin, par le Commissaire Louis Michel?



Quoi qu’il en sera, il faut rappeler qu’après des échanges enflammés, en septembre et octobre 2006, la première crise s’était diluée dans la campagne électorale de novembre. Le second round de la crise CFCD /CMJD risque-t-il de suivre la même voie, en se diluant dans la campagne électorale de la présidentielle, ou au contraire, d’apporter du tumulte à une transition jusqu’ici douce?

Premier round : La CFCD se fâche, le président s’emporte

A la mi-août 2006 des notabilités, des hommes d’affaires  et des cadres indécis semble-t-il, face à la recomposition du paysage politique, ou  habitués (parait-il), à demander la conduite à tenir au Chef, ont été reçus à par le chef de l’Etat. Après ces audiences, ils quittent avec armes et bagages le PRDR et deviennent indépendants. C’est la naissance d’une «troisième voie» censée briser la bipolarité persistante de la scène politique entre les ténors de l’ancien système et de l’ancienne opposition. Les indépendants affluent vers la coordination nationale des indépendants qui deviendra par la suite le Rassemblement National des Indépendants  coordonné par Lemrabott Sidi Mahmoud Ould Cheikh Ahmed. Les partis politiques expriment leur mécontentement et crient à l’ingérence du CMJD. 
Première réaction. Le 28 septembre 2006.  La CFCD réagit en affirmant craindre  l’utilisation des moyens de l’Etat au profit des candidatures indépendantes, qui créeraient des entraves aux partis politiques.
Le 2 octobre 2006,  Messaoud Ould Boulkheir, leader de l’APP président en exercice de la CFCD accuse le CMJD d’avoir rompu le consensus autour de la transition en suscitant des candidatures indépendantes, estimant que cette démarche est de nature à fausser la sincérité des prochaines élections.
Le 8  octobre 2006, Ahmed Ould Daddah leader du RFD prend le relais : "Pour rétablir la confiance et sauver le processus démocratique, le CFCD demande   au CMJD de cesser immédiatement son soutien à des listes indépendantes factices, à leur orientation, leur financement et à la coordination de leurs activités » dira-t-il lors d’une journée nationale de défense de la démocratie.
Ahmed Ould Daddah  a estimé que le soutien apporté par le CMJD  aux  listes indépendantes a constitué pour la classe politique une "très grande déception après tant de travail en commun  pour des élections transparentes en Mauritanie".
Mardi 10 octobre quelques responsables de la CFCD sont  reçus au palais présidentiel par le chef de l’Etat entouré des membres du CMJD. Après le mini séisme politique qui avait ébranlé l’unanisme  monotonique  de  notre  scène politique,  la CFCD et le CMJD se sont rencontrés pour ne rien se dire. «Un p’tit f’tour puis s’en vont» avons-nous titré notre édito du 16 octobre 2006. Les malentendus étaient restés  entiers. Messaoud Ould Boulkheir n’a pas été à  ce rendez-vous manqué. Quelques jours après , Ely et Messaoud se rencontreront au palais ocre, pour un long tête -à –tête,  duquel rien n’a filtré jusqu’à nos jours.

Ely s’emporte

Nouakchott. 26 octobre. Palais des Congrès. Devant les membres du  CMJD, du  gouvernement, les responsables des  partis politiques et les représentants de la société civile le Colonel Ely Ould Mohamed Vall  chef de l’Etat s’emporte et appelle à la clôture du débat sur la neutralité du pouvoir. «Les procès d’intention qu’on nous fait depuis un an et les accusations ne nous amèneront jamais à modifier nos engagements». « Nous ne cherchons pas  à ménager nos arrières ou nos devants ». «Le pouvoir ne nous intéresse pas et s’il nous intéressait, qui peut nous empêcher d’y rester?». «Nous n’avons pas opéré le changement pour remettre le pouvoir à quelqu’un ». «Le peuple mauritanien est souverain, c’est à lui que revient le dernier mot, à vous de trouver l’astuce».  
 Â«Nous sommes entrés par la grande porte et nous ne reviendrons  pas par la petite fenêtre», a-t-il martelé sous les applaudissements. Le message quoique clair  n’a pas été bien reçu dans un premier temps. 
Le  27 octobre, vingt quatre heures après ce discours,  la  CFCD déclarait que  le  dialogue est le moyen pour trouver des solutions aux problèmes posés entre les différents acteurs, spécialement avec le CMJD et le gouvernement de transition. La CFCD insistait sur "la nécessité de gérer la crise actuelle avec le sérieux, la franchise et la responsabilité qu’elle requiert". Et que : "la perte de la confiance consécutive aux insuffisances constatées dans des conditions de déroulement du processus politique, fait que la clôture de ce dossier sans solutions adéquates, relève de l’impossible". Cette crise ajoute la CFCD  est "suscitée par l’action de parties connues qui doivent reconnaître et assumer leurs responsabilités dans ce qui est advenu et oeuvrer pour sauver ce qui peut l’être".La CFCD a demandé à ce que des mesures pratiques soient prises à la lumière de la plate-forme de revendications remise au président du CMJD  le 16 octobre, lors de l’audience accordée par le chef de l’Etat à une  délégation de la CFCD.

La CFCD satisfaite

Dans un deuxième temps, le message a semblé avoir été compris. Dans ce qui s’apparente à un dégel dans les relations entre le CMJD et la CFCD,  Mohamed Ould Maouloud  nouveau président en exercice de la Coalition exprimera le  1er  novembre au cours d’une conférence de presse tenue au siége de l’UFP,  la satisfaction de la CFCD par rapport aux  mesures de transparence prises par les autorités de la transition  pour les élections du 19 novembre.
Ould Maouloud qui venait de succéder à Saleh Ould Hannena à la tête de la CFCD  a estimé que l’impression d’un bulletin de vote sécurisé, le choix concerté des présidents de bureaux de vote, le transport aux frais de l’Etat des représentants de listes candidates et la mise sur pied d’un mécanisme de concertation permanent entre les partis et les autorités sont de nature à rassurer les partis politiques.
Nous étions  à deux jours de l’ouverture de la campagne électorale pour les élections municipales et législatives. Les protagonistes avaient  d’autres chats à fouetter. Les autorités se concentrent sur l’organisation de la campagne électorale et la tenue des scrutins. Les acteurs politiques sont sous la pression des enjeux. Ils descendent sur le terrain faire la pêche au voix. C’est la mi-temps ! On le verra,  les protagonistes escaladeront le  ring pour un second round.

Deuxième  round :  Coalisés contre Pactistes

A l’issue  des deux tours organisés le 19 novembre et 3 décembre, la CFCD rafle des conseils municipaux dans des principales villes du pays mais se fait écraser partout ailleurs par la déferlante indépendantiste. Au niveau du futur Parlement, les résultats sont implacables. Aucun parti, aucune coalition de partis ou d’indépendants n’a remporté les 48 sièges nécessaires pour former une majorité. En termes de majorité relative, la CFCD est en tête avec 41 députés, talonnée de prés par les indépendants  avec 39 députés. Mais  en termes de familles politiques, la CFCD aura essuyé un échec cuisant .Le changement prôné par la CFCD  n’a pas été plébiscité par les électeurs : 54 députés nouvellement élus au 3 décembre,  appartiennent en effet, à l’ex- majorité qui dominait la scène politique avant le 3 août,  contre 41 députés (et encore…) pour la CFCD.
Les municipales et législatives terminées, la présidentielle de mars 2007 est à l’ordre du jour. La CFCD compte déjà 5 candidats déclarés. Les indépendants en revanche se concertent et se regroupent avec les partis de l’ancienne majorité pour soutenir un candidat unique : Sidi Ould Cheikh Abdellahi. C’est naissance du «Mithagh» (le Pacte, en français).Les Coalisés de la CFCD ont maintenant un adversaire en les Mithaqistes, (les Pactistes, en Français).
Plutôt agressive, la CFCD ouvre les hostilités. Elle  va  dénoncer  le  28 décembre, au cours  d’une conférence de presse présidée par l’islamiste Jemil Ould Mansour, le soutien «manifeste» du CMJD  à l’un des candidats à l’élection présidentielle Sidi Ould Cheikh Abdellahi. «Contrairement aux engagements proclamés par les autorités transitoires et qui ont été à la base de la légitimité du changement du 3 août 2005, et en violation du principal pilier du consensus politique national, le président CMJD et certains de ses membres persistent à faire campagne pour l’un des candidats à la présidentielle» affirme la CFCD
La Coalition précise que l’immixtion du CMJD s’est illustrée par plusieurs contacts et encouragements ici et là, de multiples démarches à l’extérieur auprès de dirigeants de la Région. La CFCD a laissé entendre que toutes éventualités sont envisageables au cas où les militaires persistaient dans leur voie de parti pris, tout en exprimant leur souhait de voir le tir rectifié à temps.
Le 4 janvier 2007 Ahmed Ould Daddah président en exercice de la CFCD adresse une lettre au chef de l’Etat lui demandant de «bien vouloir étudier» l’opportunité de deux mesures : s’abstenir, sauf dans le cas de l’urgence ou de la force majeure, durant les deux mois qui nous séparent de la présidentielle de toute nomination ou dénomination  aux hauts postes de l’Etat et geler durant la même période, le lancement de nouveaux appels d’offres ainsi que  l’octroi de nouveaux marchés publics.
Quelques jours auparavant des hauts cadres de l’Administration supposés proches de Ould Daddah avaient en effet été remerciés dans des circonstances non élucidées. Leur limogeage et peut être bien la nomination de certains d’entre eux après le 3 août, ont été inscrits par les observateurs dans un cadre strictement politique.

Retour de la bipolarité ?
Depuis le début janvier la scène politique évolue vers une perceptible bipolarisation :  les indépendants d’une coté et la CFCD de l’autre
Le 08  janvier 2007 une nouvelle coalition «le Mithagh» (Pacte) voyait  jour. Les indépendants et 18 partis et formations politiques ont constitué une large coalition créditée de 54 députés  Le RDU, l’UDP, le PRDR, l’Alternative l’UPSD le PMDE le PTUN le PTG, l’UNDD et l’UCD ont signé avec les indépendants  la déclaration du 8 janvier dans laquelle ils ont exprimé leur accord autour d’une stratégie électorale commune, pour bâtir une majorité stable, capable d’asseoir un régime politique nouveau, source de rupture, avec les modes de gouvernement passés.
Le 9 janvier 2007 la CFCD réagit par une déclaration  dans laquelle elle souligne que les partis politiques disposent du  droit indéniable au regroupement qu’ils n’ont pas en revanche le droit  de leurrer les citoyens. La CFCD a précisé que le poids électoral de plusieurs partis membres du «Mithag» est insignifiant  et que ceux d’entre eux qui ont participé aux récentes consultations  n’ont réalisé sur la liste nationale que 44 % des suffrages contre 56 % pour les partis membres de la CFCD. La CFCD a également récusé l’allégation de la détention par le « Mithagh» d’une majorité parlementaire  affirmant que cela  relève de l’illusion et de la duperie avant d’ajouter que des députés indépendants seraient en pourparler avec la CFCD, en Assaba, au Brakna, dans les deux Hodhs, au Guidimagha, au Gorgol, en Adrar pour la rejoindre.
Sacrée CFCD ! On  s’offusque  quand les indépendants adhèrent ailleurs,  tout en leur ouvrant ses portes.

IOM


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