Après la crise des indépendants: Une première rencontre entre le président du CMJD et les partis   
12/11/2006

La rencontre entre le Chef de l’Etat, entouré des membres du Conseil militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD) et les leaders politiques, au cours d’un F’Tour de Ramadan, mardi 10 octobre, est pleine de symbole. Les protagonistes de la scène, quelque peu ébranlés par une mini-crise, réapprennent ensemble les gestes de la vie, manger, boire, alors que du ciel, tombe la fine Miséricorde divine.



Trois semaines après le séisme politique qui avait secoué la scène nationale sous fond d’accusations acerbes, de coups de meetings colériques et de déclarations enflammées de la part des partis politiques contre le pouvoir de transition, les principaux acteurs nationaux ont été conviés à une rupture de jeûn au Palais présidentiel. C’était le mardi 10 octobre 2006, en présence des membres du Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD) au pouvoir depuis le putsch du 3 août 2005. Ely Ould Mohamed Vall qui avait refusé depuis de début de la crise de rencontrer les principaux leaders, malgré leurs demandes d’audiences répétées, offre ainsi à la classe politique l’occasion de dissiper les malentendus et de recoller les morceaux brisés de la transition.
Malgré les boulets rouges expédiés dans la cour du CMJD par les 22 partis formant la Rencontre nationale pour la défense de la démocratie (RNDD), qui estiment que le processus démocratique a été dévoyé par l’immixtion délibérée du pouvoir de transition dans le jeu politique, malgré le refus de ce dernier à reconnaître son appui pour les initiatives indépendantes et même, leur existence, les invitations ont été acceptées.
Selon les analystes politiques, deux facteurs principaux expliquent la décision du Président du CMJD, le colonel Ely Ould Mohamed Vall, de  recevoir les leaders des partis politiques et à discuter avec eux. Un, ces derniers sont parvenus à taire leur dissension et à former un bloc de pression qui a fini par convaincre l’opinion publique de la justesse des accusations portées contre le pouvoir de transition. Deux, Ely Ould Mohamed Vall se voit contraint de redorer un blason terni sur le plan national et international et de sauver un processus de transition ainsi qu’un consensus national lynchés par une intense campagne médiatique.
D’autre part, le timing de la rencontre (entre le F’Tour et les prières Tarawih) a été laborieusement élaboré, de sorte que le maximum de leaders soient présents et que Ely puisse développer sa thèse sans beaucoup de polémiques. En plus, les organisateurs ont cherché à entourer l’entrevue de beaucoup de secrets en n’invitant que les médias publics, si l’on sait que les informations émanant des organes officiels font l’objet de réserves de la part de l’opinion.
Pourtant, à quelques jours de l’invitation présidentielle, les partis formant la RNDD avaient adressé de violentes critiques au CMJD au pouvoir, accusant les autorités de la transition d’immixtion flagrante dans le processus démocratique et d’avoir voulu détruire les équilibres politiques dans le pays, dénaturant ainsi l’esprit du 3 août 2005 qui avait cueilli l’assentiment de tous les Mauritaniens. Le porte-parole de la RNDD qui regroupe 24 partis politiques avait déclaré que le CMJD avait emprunté une voie nouvelle, totalement opposée à celle qu’il avait pourtant promis de prendre devant la Nation et le monde tout entier, au lendemain de son accession au pouvoir.
Ahmed Ould Daddah accusera ainsi, devant des centaines de citoyens réunis au Palais des Congrès à Nouakchott, le CMJD d’avoir appuyé, orienté et financé des dizaines de candidatures indépendantes, dans le but de fausser les données de la scène politique. Il avait même haussé le ton pour parler de coup d’Etat contre les principes de base et le modèle de gestion brandi par les militaires dès leur prise de pouvoir. Ould Daddah estime par ailleurs que le discours de Ely Ould Mohamed Vall sur les partis politiques, discours qu’il reprend à chaque entretien avec la presse nationale ou internationale, est assez provocateur. Il les accuse d’être sans programme, sans assise populaire. Cette attitude n’est, pour Ould Daddah, nullement acceptable et constitue même une sorte de terrorisme politique. Le leader du RFD avait, dans sa diatribe contre les listes indépendantes, pris le soin de les scinder en deux catégories. Celles qui sont sincères et spontanées, sans aucune accointance avec le pouvoir de transition et qu’il qualifie de partenaires privilégiés dans le jeu politique, comme les islamistes membres de la RNDD, d’une part. D’autre part, les listes «opportunistes», nées avec la volonté du CMJD et ne détenant aucune carte politique pour affronter l’opinion. Tandis que la première catégorie d’indépendants mérite pour Ould Daddah le respect et la considération, les autres sont comme une mauvaise herbe qu’il faut débroussailler. Tâche aisée, selon lui, pourvu que les militaires arrêtent de leur accorder un appui.  A propos des alibis avancés par le ministre secrétaire général de la Présidence, M.Habib Ould Hemet, à l’endroit des partis politiques, Ould Daddah considère qu’il s’agit là de faux alibis. Dès l’instant où le pouvoir se dévoie, peu importe dès lors, selon lui, l’origine ou la cause du dévoiement, ou de savoir qui le premier a commencé les confidences. 
Comme solution de sortie de crise, les 24 partis de la RNDD avaient demandé au CMJD de cesser immédiatement ses appuis aux candidatures indépendantes, de redynamiser le processus de dialogue et de concertation, d’élaborer un plan de communication pour expliquer les exigences de la neutralité à travers les mass médias, d’élargir les compétences de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et celles de ses structures décentralisées. Les partis politiques s’étaient enfin déclarés disponibles au dialogue avec les Autorités de la transition. Pour eux, la porte de la concertation restera ouverte pour rétablir le climat de concorde national qui a prévalu jusque-là et pour redorer l’image de la Mauritanie et de sa démocratie naissante.
Cheikh Aïdara
(Article paru dans l’Authentique quotidien N° 375 du lundi 12 octobre 2006)


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