Résidence Keur Khadim Rassoul : Une maison pas comme les autres   
11/07/2006

Vendredi 07 juillet, 16h45, à quelques encablures des jardins du 5ème arrondissement de Nouakchott, un muezzin convie les fidèles à la prière d’AL ASR. Sa voix de stentor ne provient nullement comme à l’accoutumée d’une quelconque mosquée banlieusarde mais bien au contraire d’une maison.

La Résidence Cheikh Ahmedou Bamba, du nom  du fondateur de la confrérie des mourides du Sénégal. Faite de chaux et de sable, la maison aux murs bleutés s’ouvre sur une rue quelque peu asphaltée, le plus souvent empruntée par les "moula lahmar"- charretiers.



Maintes fois réfectionnée, la maison compte aujourd’hui un rez-de-chaussée plus un étage, le tout comprenant une quinzaine de chambres d’environ 5m2 chacune.

En plus d’un appartement spécialement réservé aux hôtes de marque, une grande salle modestement aménagée pour les cinq prières annonce la couleur dans cette résidence :Ici tout tourne autour de la religion !

De prime visu, rien ne diffère le bâtiment de l’architecture mauritanienne, même si son univers aulique offre une kyrielle de représentations aux effigies du chef spirituel des mourides, Cheikh Ahmedou Bamba, et de son illustre disciple, Cheikh Ibrahima Fall, guide des Bay Fall.

Dehors, à la faveur de l’atmosphère vespérale, deux grands arbres offrent généreusement leurs dernières ombres à quelques "talibés" bien dans leur élément avec les KHASSA’ IDES - chants religieux- ou avec le CORAN.

Sortie de l’anonymat depuis 1997, date à laquelle Serigne Mourtala M’backé, fils du précurseur du mouridisme acquérra la Résidence. L’effervescence religieuse, l’ambiance toujours festives excitent la curiosité de bon nombre de passants et de badauds. Tant son quotidien sort de l’ordinaire que l’on s’interroge à son propos.

A peine se présente-t-on devant la Résidence, que les nombreuses jeunes gens dans leur aller-retour vous observent d’un regard méfiant. Ne leur posez surtout pas de questions relatives au mouridisme ou sur le pourquoi de cette maison, ils ne se feront pas prier pour s’épancher sur son histoire!

En l’absence du maître des céans, un certain Serigne Sidi M’backé, fils du défunt propriétaire, un nommé Serigne Sadikh M’backé se propose d’être notre Cicéron, non sans avoir eu à émettre des doutes sur nos intentions.

S’arrogeant le " N’DIGUEL", une sorte de sauf-conduit propre au mouridisme, l’interlocuteur d’en face donne un cours de vocabulaire: "ce n’est pas une maison mais un "DA’ARA", école coranique à l’ancienne comme il n’en existe que rarement ailleurs".

Prenant en témoin son entourage - tous des talibés dans les mahdara mauritaniens - il nous confie que la résidence est un point de ralliement de toutes les dahira - assemblée religieuse- mourides de Nouakchott.

L’enseignement islamique comme socle d’existence

Dans la pure tradition de l’esprit du mouridisme, alliant dévotion, sens du partage, de la solidarité et du travail, Serigne Mourtala propriétaire du da’ara aura sa vie durant, fait de l’enseignement islamique, son principal cheval de bataille. Ainsi il a ouvert de nombreuses écoles connues, surtout au Sénégal sous le nom d’Al AZAR.

Dans le même esprit, Serigne Sadikh M’backé soutiendra que: "cette résidence constitue un pied-à-terre pour toutes personnes, notamment les émigrés sénégalais, toutes confessions confondues."

A en croire ses propos, les lieux sont une vraie "maison du Bon Dieu", puisque "telle était la volonté du défunt acquéreur" souligne un talibé d’un ton, un tantinet condescendant.

Pour tout étranger donc, le gîte et le couvert lui sont accordés - gratis pro deo.

Toutefois, les lieux - d’une capacité d’accueil de 50 personnes- étant exigus, une réglementation a été adoptée afin de permettre à tout le monde,étudiants, talibés, aventuriers et autres d’y séjourner dans des conditions optimales. Conséquence logique de la philosophie mouride: ce sont les étrangers étudiants dans les mahdara mauritaniens qui y ont pignon sur rue. Ces derniers peuvent y résider indéfiniment.

Par contre, les "aventuriers" et autres expatriés n’y auront droit de cité que l’espace de trois jours.

Par ailleurs, assure un jeune homme visiblement confiant: "Ce n’est pas la seule maison que le marabout tient à sa disposition. A Nouadhibou, à Zouerate pour la Mauritanie, de par le monde, en Italie, en Amérique une centaine de ces résidences sont mises à la disposition de nos compatriotes, sénégalais ". Et son vis-à-vis de souligner le caractère particulier de la Résidence de Nouakchott : "Depuis toujours, nos chefs spirituels vouent un grand respect à la sagesse et à l’érudition des mauritaniens. Eu égard à la forte colonie mouride en Mauritanie, et au nombre croissant de nos talibés dans les écoles islamiques du pays, la Résidence nouakchottoise est à plus d’un titre un "khewél", une aubaine pour les expatriés"-.

Selon les résidents, la maison voit passer au fil des ans une cohorte d’étrangers; des sénégalais, des guinéens, et même des occidentaux  y résident pour les besoins soit de leurs études, soit d’une escale à Nouakchott

En outre, la maison abrite une intense activité religieuse: Tabaski, Korité, Mouloud et Grand Magal de Touba -principale fête des mourides- sont l’occasion pour les adeptes de cette confrérie d’étaler tout leur savoir-faire en matière d’organisation.

Mais c’est surtout à l’occasion de la visite de leurs marabouts que la Résidence se pare de ses plus belles couleurs. Les disciples, des différents dahira de Nouakchott s’y retrouvent pour  des veillées religieuses rythmées par les ’’khassaides’’ -les cantiques mourides- 

Regard des riverains sur la maison?

Serigne Sadikh soutient qu’ils leur vouent une grande estime. "Depuis que nous sommes ici, jamais nous n’avons été victimes d’une quelconque vindicte de leur part". D’ailleurs complète-t-il : "nombreux sont les voisins qui nous envoient leurs enfants pour l’apprentissage des rudiments islamiques "

Quand aux voisins que nous avons consultés, ils abordent tous dans le sens de notre interlocuteur: "tout dans cette résidence dénote d’une grande ferveur religieuse" dira laconiquement un père de famille. 

Et quels sont les problèmes auxquels ils sont confrontés? Aucun !

Serigne Sadikh et ses amis affirmeront qu’il leur est loisible de s’adonner à leurs activités: "Jamais nous n’avons été inquiétés".

Profitant de l’occasion, ils lancent un appel solennel aux autorités mauritaniennes: "Au vu des relations entre nos deux pays, nous aimerions que les liens entre les deux peuples se raffermissent davantage."

Mounirou Fall

 


Toute reprise totale où partielle de cet article doit inclure la source : www.journaltahalil.com
Réagir à cet article
Pseudo
E-mail
Commentaire
Entrer le code
La rédaction de Tahalil vous demande d'éviter tout abus de langage en vue de maintenir le sérieux et de garantir la crédibilité de vos interventions dans cette rubrique. Les commentaires des visiteurs ne reflètent pas nécessairement le point de vue de Tahalil et de ses journalistes.
Les commentaires insultants ou diffamatoires seront censurés.

TAHALIL 2006-2022 Tous droits reservés