Déficit public et taux de change : les causes des glissements sont-elles seulement structurelles?   
22/05/2006

Tahalil Hebdo publie, ici, un autre extrait de ‘les nouveaux défis de l’Ouguiya’ à propos d’une épineuse question dont l’évocation est maintenant de mise car le taux de change, notamment par rapport à l’euro commence à flirter avec des niveaux (355 UM le 20/05/06) qui ne vont pas sans nous rappeler une époque que l’on croyait révolue.
Nous précisons que le titre est de la rédaction du journal.
Le texte qui suit a été rédigé en 2002, mais il<présente l’avantage de présenter les différents aspects liés à la question posée ci-dessus.



Il convient, d’emblée, de rappeler que, dans l’absolu, toute monnaie -convertible ou pas- est tributaire en termes d’efficacité économique de la masse de moyens de paiements en circulation, en particulier sur le Territoire.

Selon les doctrinaux et les praticiens, plus le volume des signes monétaires injecté sur le marché est important, moins la demande globale de pouvoir d’achat est aisément maîtrisable, et comme «la propension à consommer l’emporterait, en définitive, sur la tendance à épargner» alors on se retrouverait fatalement en position de déséquilibre net de l’offre et de la demande de monnaie entraînant, de ce fait, la chute ou la hausse des cours, la montée ou la baisse des prix de biens de consommation et d’équipements sur la scène économique circonscrite.

Cela explique, en grande partie, les orientations de notre politique monétaire, de concert avec nos partenaires, en particulier le FMI, qui a connu deux grandes phases successives depuis 1995 :

1- une phase dite de contrôle global de la liquidité bancaire, – tout particulièrement le volume - assortie d’un resserrement de l’étau sur l’activité monétaire du Trésor, notamment en rendant inopérants ses soldes opérationnels sous formes de bons souscrits par lui-même au profit d’agents économiques excédentaires de liquidité sur le marché.
Cette phase de notre politique économique visant la circulation de capitaux réduisait, non seulement l’impact du crédit – en le limitant considérablement- sur le volume de monnaie utilisable dans les circuits économiques, mais freinait, du même coup l’effet budgétaire sur le marché de l’argent, car dans le principe les fonds collectés par le comptable de l’Etat étaient gelés au niveau de la Banque Centrale.
Il s’agissait pour les pouvoirs publics de limiter, voire de juguler les « impasses monétaires » potentielles par le jeu de l’action globale sur la liquidité de l’économie -masse contrôlée par les banques et le Trésor public.

2-une phase dite de déréglementation de l’activité bancaire, laissée en « libre arbitre » aux banquiers, à la charge pour ceux-ci de respecter les ratios de liquidité et, en général, la déontologie financière propre à la pratique du pouvoir régalien de l’Etat par les banques privées pour celles qui sont agréées pour le pratiquer sous forme, notamment, de création monétaire.

Cette politique concertée par les autorités publiques avec les institution de Bretton Woods est tout à fait normale et opérationnelle- ne s’acheminait-on pas vers la libre convertibilité de la monnaie, il y a à peine deux ans ?

En effet, rappelons que :

-Il s’agissait pour le Gouvernement de tenir compte du fait que l’économie est encore informalisée et essentiellement tournée sur le négoce d’import –export.

Les grands équilibres se fondent avant tout sur l’idée que les opérateurs se font de l’avenir : s’ils s’inquiètent, ils anticipent. Si les acteurs sont rassurés, ils observent une position de sagesse, car, en définitive, même l’anticipation économique a un prix.. De plus, la spéculation, quelle qu’en soit la nature et l’importance exposent son auteur à des risques stratégiques liés aux activités marchandes nouvellement adoptées.

-Il importait, dans une deuxième étape, pour les autorités publiques de prendre en compte les effets psychologiques des importantes mutations économiques et sociales survenues et à venir sur les agents économiques, opérateurs ou consommateurs nets de capitaux dans le Pays.

Si l’on veut développer sans perturber l’activité économique et ses rouages, il fallait que l’ensemble de l’action politique, économique et sociale des pouvoirs publics soit fortement crédible aux yeux de l’ensemble de la communauté, afin de capitaliser les bénéfices de la croissance au lieu de les brader.
A ce niveau, le rôle des opérateurs économiques et des acteurs centraux de tutelle est déterminant pour insuffler la confiance et l’esprit de défense des intérêts nationaux.

Dans ce contexte l’instauration de comportements anticipationnistes ou spéculatifs relève de deux états d’esprits complémentaires :

1- d’abord, pour tout acteur économique marchand, l’objectif stratégique est de s’assurer que son activité ne sera pas interrompue par défaut de moyens de paiement.
Au niveau des circuits économiques, notamment d’importation, qui constitue l’essentiel des activités productives du pays, l’enjeu, ici, sera, pour les négociants de maintenir un niveau minimal d’encaisses en devises fortes pour subvenir aux besoins de réapprovisionnement en stocks de tous genres.
Le danger, là, c’est l’effet multiplicateur de l’anticipation financière, les commerçants ne se contentant plus d’assurer le maintien d’un « stock minimum » en marchandises, en sollicitant le marché officiel ou parallèle, mais en développant, encore plus, leur anticipation de consommation.
Cette situation a l’inconvénient de réduire considérablement les réserves de changes, déclarées ou non, sans pour autant augmenter le volume des stocks disponibles sur le marché. Il s’ensuit que, de manière factuelle, la demande de devises augmente sans que l’offre de biens et services suive le mouvement. Aussi il s’établit, tout naturellement, une hausse mécanique des monnaies comparables avec l’Ouguiya sur le marché parallèle, hausse qui est, tout aussi mécaniquement, récapitulée par les négociants sur les produits fournis sur le marché des biens de consommation, notamment.

2-ensuite, comme corollaire de l’état d’esprit anticipationniste caractérisant la marché spéculatif, il s’établit chez l’acteur économique un comportement atypique de l’exercice de la citoyenneté, exercice qui est, en réalité, normalement, le véritable garde-fou face à toute dérive économique ou financière.

Ainsi, la notion de résidence, en termes de comptabilité nationale, est-elle diluée dans une mêlée de considérations tout aussi subjectives que diffuses et qui tiennent plus de phénomènes d’ignorance des principes de fonctionnement de l’économie de marché que de spécificités culturelles ou autres.
Ce phénomène, comme l’avait signalé une personnalité européenne, il y a quelques années à Nouakchott relève d’une vision fort primaire du principe des avantages comparatifs : l’accumulation de la richesse résulte alors, inévitablement, d’un acte de « soustraction » et
non d’«addition» de facteurs économiques , tels que normalement obtenus dans un environnement libéral classique.
(A suivre)


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