EVALUATION A MI-PARCOURS DE L’ACTION DU CMJD : Quand le président du CMJD insulte le Peuple   
16/05/2006

Monsieur le Président, notre célèbre adage indigène nous enseigne : «écoute la parole de celui qui te fait pleurer et non la parole de celui qui te fait rire ».
M’inspirant de ce sage adage populaire, je vais tenter de dresser une évaluation à mi-parcours de l’action du CMJD neuf mois après le déclenchement du mouvement rectificatif du 03 Août 2006.
Les termes de mes propos pourront s’avérer parfois acerbes, amers mais sincères et n’ont pour seuls mobiles que vous éclairer sur certains sujets de l’heure et vous communiquer le pouls de l’atmosphère ambiante délétère que nous vivons.



En effet, il est très clair désormais que le CMJD est tombé en disgrâce, le bénéfice du doute qui lui était accordé s’estompe, l’euphorie des sceptiques parmi nous se dissipe et le peu de sympathie dont il avait été crédité les premiers jours du coup d’Etat vole en éclats. Mon intervention s’articulera autour de 5 thèmes principaux :
Analyse du discours du 20 Avril 2006 du Président du CMJD prononcé au Palais des Congrès.
Visite du Président du CMJD dans les wilayas de l’intérieur du 28 au 31 avril 2006 (Nema, Aioun, Kiffa et Tidjikja)
Etat des lieux de la bonne gouvernance
Coup de projecteur sur la reforme de la justice
Suggestions des termes de référence à assigner au gouvernement de transition pour les 10 prochains mois restants
DISCOURS DU 20 AVRIL 2006
Monsieur le Président, l’opinion publique nationale s’indigne et se dit offensée profondément dans son ensemble par le discours du 20 avril 2006 au cours duquel vous avez purement et simplement traité le peuple de voleur sans aucune exception (en d’autres termes de l’Imam Bouddah O/ Bousseiry en passant par Bouna Oumar Ly, Baba O/ Maata, Hamden O/ Tah, nos mamans, nos sœurs, nos épouses et filles, etc. tout le monde a volé et érige le voleur en héros, même les citoyens qui n’ont jamais exercé une fonction publique sont des voleurs). Tels sont les propos que tout le monde murmure et chuchote tout bas. En convoquant au Palais des Congrès tout ce que compte la nation comme cadres, la vie a presque cessé à Nouakchott, même les mouches de nos ordures donnaient l’impression de s’arrêter de bourdonner sous l’effet du suspens entretenu. Tout le monde s’attendait à l’annonce d’un évènement majeur qui allait ponctuer voir même changer radicalement notre mode de vie. Hélas, notre Chef d’Etat s’intronise Grand Messie venant d’une autre planète et du haut du perchoir qui sied à son rang de moralisateur suprême ‘‘la bonne nouvelle’’ tombe crue : « le pays est constitué par un peuple de voleurs qui érige le voleur en héros, tout ce qui tuait jadis ne fait plus honte aujourd’hui ».
La consternation est totale dans la salle, la déception aussi, les hypocrites applaudisseurs balbutient au creux de l’oreille du voisin : « les paroles du Président ne sont rien d’autres que celles de quelqu’un qui a déjà pris ses provisions pour la future traversée du désert ». D’autres renchérissent : « Ely étant le plus grand propriétaire foncier de Nouakchott, comment peut-il avoir la témérité de nous donner des leçons et nous traiter de la sorte, il est le premier Président richissime du pays (milliardaire) ».
En effet, les 5 premiers présidents qui l’ont précédé n’ont jamais eu de penchant pour l’argent, ils sont repartis aussi pauvres qu’ils l’étaient à leur prise de fonction (Moctar O/ Daddah, Moustapha O/ Med Saleck, O/ Louly, Haidalla et Maaouiya).
Ces propos émanant du premier magistrat du pays sont très graves. Ainsi nos dirigeants se considèrent comme des créatures hors du commun, propres et intelligents, quant à nous (peuple) nous sommes sales, des cancres et pires ennemis à abattre.
Monsieur le Président, je vous rappelle ici la célèbre citation de Napoléon Bonaparte qui dit : « les hommes peuvent être injustes vers moi, mais il me suffit d’être innocent, ma conscience est le tribunal où j’évoque ma conduite, cette conscience est calme quand je l’interroge ». Vous prétendez avoir été déshonoré par les propos de 5 étrangers que vous aviez contactés en leur demandant de venir investir chez nous et qui vous aurez répondu qu’ils ont été escroqués par des Mauritaniens, mais ce que vous oubliez, Monsieur le Président, est que les déclarations que vous venez de faire sont gravissimes car ces 5 étrangers se réfèrent à quelques cas très isolés pendant que vous mêmes vous avez généralisé en qualifiant tout un peuple de voleurs, ce qui ne peut avoir comme conséquence qu’apeurer tous les investisseurs étrangers. Ces sorties inopportunes et incendiaires banalisent gravement votre action et constituent un lynchage politique sans précédent pour le peuple. Le moins que l’on puisse dire est que vous avez piétiné la bienséance morale que tout président doit à son peuple.
Lors de vos discours à Nema et Aioun, vous vous êtes fondus en excuses devant le peuple, vous avez tenté de faire un chaleureux mea culpa, exprimé vos remords, vos sentiments de regrets rectifiant le tir et précisant que vos propos ne visaient ni un régime, ni un groupe ni des personnes mais plutôt vous stigmatisez des tares, des habitudes et que votre but était de mettre tout le monde en garde contre les mauvaises transpositions et interprétations.
Monsieur le Président, notre adage autochtone nous dit : « le mot est comme la pierre, une fois lâché n’est plus maîtrisable » et un autre adage nous rappelle également : « si la parole est argent, le silence est de l’or».
Un Chef d’Etat doit peser lourd. Dans les grands pays, un président est souvent très avare de paroles et s’adresse rarement à la nation, une fois par an à peine et ce pour annoncer généralement de grandes décisions ou de nouvelles orientations majeures (chez nous, c’est tous les mois si ce n’est pas toutes les semaines pour nous dire : j’emprisonne Zeidane, je signe un protocole d’accord avec Wood Side, je m’excuse vous n’êtes pas un peuple de voleurs, votez pour la Constitution, etc.).
L’affaire Zeidane–Woode Side est similaire à celle de Med Aly O/ Sidi Med–Winterschell. Je vous avais écrit à son sujet le 30 janvier 2006 pour vous dire de l’éviter parce que j’étais persuadé que ça allait se terminer en queue de poisson comme ce fut le cas (solution de protocole fabriqué dans la précipitation pour sauver la face afin de simuler une issue plus ou moins honorable). Vous nous avez affirmé maintes fois que Zeidane est voleur, traître (ce que récuse formellement beaucoup de citoyens), puis vous l’amnistiez et vous l’innocentez après avoir fait couler beaucoup d’encres, tenu en haleine toute la république deux mois durant, dépensé plus de 60 millions d’ouguiyas indûment dans les frais de justice pour une panoplie de procès inachevé (cette importante somme aurait dû servir pour soulager les souffrances de nos populations des Hodhs qui baignent dans la misère absolue. La suite on la connaît : manifestation de soutien, cortège de véhicules (exactement un remake de l’issue du procès de Baba O/ Ahmed Youra ancien Commissaire de l’OMVS à sa sortie de prison sous le régime de Maaouiya où la solidarité des cousins avait pleinement joué).
Monsieur le Président, ce genre de montage d’affaires nous déboussole et nous laisse perplexes, on ne sait plus où donner de la tête ni à quel saint se vouer : vous brandissez l’épée de Damoclès sur la tête de chacun d’entre nous, nous menaçant de sanctions sévères mais les actes n’ont pas suivi les paroles. Aucune amélioration du système administratif n’est perceptible, même pas la police qui est la plus gangrenée par la corruption et les scandales. Ce corps de la police que vous avez dirigé 20 ans durant et que vous connaissez parfaitement bien aurait dû bénéficier en premier lieu d’un redressement et d’une attention particulière de votre part.
Monsieur le Président, vous vous innocentez et vous culpabilisez tout un peuple y compris ses vénérables érudits et citoyens lambdas qui n’ont jamais eu le ‘‘privilège’’ d’appartenir à un service public. Vous et nous sommes tous complices silencieux de cette perdition de probité morale que nous vivons. Acceptons avec humilité de nous ressaisir, d’assumer notre part de responsabilité dans ce qui nous arrive. Chacun doit soigner son image avant de se livrer à ce jeu combien périlleux et risqué de grand moralisateur tombé des nus. Ce genre de diatribes et de débats stériles est complètement honteux et ne peut avoir comme impact que nous éloigner les uns des autres. Cherchons plutôt les facteurs qui nous unissent et évitons les zones de turbulences aux conséquences souvent incalculables. A force de vouloir trop tirer sur l’ancien régime et ses acolytes, vous nous gavez d’insultes et vous rendez de piètres actes gravissimes. Vous tentez de construire des châteaux de cartes dont les bâtisseurs sont les plus médiocres et les plus compromis parmi nous (promotions fulgurantes de l’ignorance et de la médiocrité à l’image du régime déchu). De grâce, essayez de mesurer le degré d’impopularité croissante du régime transitoire actuel au dessus duquel commencent à planer des brouillards épais en formation déjà bien avancée qui vont bientôt atteindre des pics de désespoirs du genre des soubresauts des derniers jours du régime de Maaouiya (hausse excessive des prix, thésaurisation, emprisonnement injustifié des familles des islamistes, grève des enseignants, manifestations des ouvriers de la SNIM à Zouerate, etc). Les espoirs nés du mouvement rectificatif du 03 août 2006 sont emportés petit à petit par un ruisseau de mécontentements qui vont chaque jour crescendo. l
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MOHAMED ABDALLAHI OULD DMINE
Ingénieur Génie Civil - Tél. : 623 35 02


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