C’est un concours de circonstances serons-nous tenté de dire. Notre célèbre avocate, Me Fatimata M’Baye, avocat au barreau de Nouakchott, vice présidente de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), présidente de l’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH) et membre de la commission nationale des droits de l’homme, a subi, le 11 mars dernier, à l’aéroport Roissy Charles-De-Gaulle, le pire traitement de la part de la police française.
Dans l’avion qui devait la conduire en Mauritanie, le vol AF N°765, alors qu’elle revenait du Caire où elle a pris part à une réunion de la FIDH pour l’appui des ONG membres de cette organisation internationale des droits de l’homme, grande fut sa surprise de voir un jeune mauritanien répondant au nom de Mohamed Sidibé originaire du Guidimakha, ligoté et avec un morceau de tissu attaché à sa bouche pour l’empêcher de crier. Elle s’indigne, proteste et demande aux policiers chargés de sa reconduction, de le détacher. Cette scène inhumaine qui a alerté plus d’un à cause des cris de secours du jeune homme, n’a pas été du goût de notre avocate. Elle ne fut pas seule dans son indignation. Un médecin français, Pierre-Marie Bernard qui était aussi dans le même vol à destination de Nouakchott a eu la même réaction d’indignation. Devant ce traitement « inhumain et dégradant », les protestataires qui n’ont pas arrêté de demander à la police de libérer le jeune homme de cette situation, ont reçu l’appui et le secours du commandant de bord qui demandera aux policiers de le détacher. N’ayant pas obtenu satisfaction, le commandant a décidé tout bonnement de faire débarquer le jeune homme. Ecoeurés par ce comportement du commandant et des deux protestataires, les agents de la PAF sollicitent un renfort et font conduire Me Fatimata M’Baye et Pierre-Marie au Commissariat de l’aéroport où ils seront mis en garde à vue pendant 24 heures avant d’être libérés le lendemain 12 mars à 15h45 et ce, grâce à l’intervention de la FIDH qui a mobilisé un pool d’avocats après avoir été mis au parfum de l’affaire. «J’ai été dépouillée de tous mes objets de femme, même mon foulard. On m’a déshabillé comme une malpropre et enfermée dans une cellule crasseuse de la police judiciaire où j’ai été empêchée de faire mes prières» a déclaré Me Fatimata M’Baye, visiblement très remontée par ce traitement d’un autre âge. Elle poursuit, «J’ai dormi dans un semblant de lit de campagne accroché au mur». «Nous avons protesté non pas contre la reconduction à la frontière mais contre les conditions et la forme. C’est pourquoi nous avons porté plainte contre les agissements de la police à notre endroit ». Maître M’Baye trouve que le traitement qu’elle a subi «n’est autre qu’un viol, demander à la personne de se déshabiller comme un ver de terre ensuite de se permettre de vouloir fouiller son intimité etc. je pense que ça c’est des pratiques inhumaines et dégradantes». «C’est inadmissible aujourd’hui de dire que la France qui est une référence mondiale et internationale reconnue comme étant un pays des droits de l’homme qui retourne sa veste aujourd’hui se retrouve en train d’appliquer des méthodes barbares qui sont décriées sous d’autres cieux » ajoute-t-elle. Notre avocate soutient qu’elle et le français Pierre-Marie Bernard n’ont commis aucun crime mais ont tout simplement protesté contre un traitement dégradant. Elle a révélé que ce médecin français qui venait pour prendre service dans une société pétrolière de la place, précisément dans le site de Chinguitty, s’est vu retourner par son employeur au risque de perdre son boulot. Dans un communiqué distribué à la presse nationale et internationale venue prendre part au point de presse, les organisations de défense des droits de l’homme mauritaniennes et la fédération internationale des ligues des droits de l’homme ont manifesté leur indignation face à cet acte qu’elles considèrent aberrant et gênant. Et lancent à cet effet « un appel urgent aux autorités françaises d’intimer à leurs forces de sécurité aéroportuaires de respecter les droits fondamentaux de la personne humaine et de montrer moins d’agressivité dans l’exercice de leur mission ». Elles exigent dans le même ordre d’idées que les « pays africains et autres qui ont signé des accords bilatéraux concernant le rapatriement ou l’expulsion des étrangers, ressortissants de ces pays, de l’espace européen de suivre de près ces mesures d’expulsion et de reconduite aux frontières concernant leurs citoyens respectifs et de leur assurer le devoir d’assistance». Beaucoup d’observateurs s’accordent à dire que si au pays berceau des droits de l’homme l’on se permet de se livrer à de telles pratiques, cela suscite beaucoup d’interrogations. Compte rendu Ibou Badiane
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