M’Bout : La cité qui a toujours soif   
17/03/2008

M’Bout, moughataa de la Wilaya du Gorgol, que l’on n’atteint qu’après avoir avalé des kilogrammes de poussière selon que l’on vienne de Kaédi ou de Sélibaby est situé au beau milieu de ces deux capitales régionales. Ville carrefour, la cité a vu venir et se fixer sur son terroir plusieurs générations de fonctionnaires ou de simples voyageurs qui en ont fait un espace de métissage très remarqué. Mais, M’Bout, malgré toute son aura peine à tenir la dragée haute. L’électricité est certes là, la téléphonie aussi, mais le plus important, l’eau, est rare. On a soif.



M’Bout est le creuset de la Mauritanie en ce sens que toutes les ethnies du pays s’y retrouvent représentées. Cette diversité culturelle qui fait le charme de la ville se confond avec l’histoire même de M’Bout. En effet, sur une très longue période, plusieurs familles sont venues se greffer à la ville suite pour des raisons diverses. Tantôt, c’est un jeune fonctionnaire qui s’y est vu affecter dans cadre de son travail, tantôt, c’est un travailleur saisonnier pris dans le piège de l’hospitalité, parfois, c’est un colporteur poussé sur les lieux au gré de ses pérégrinations qui s’est résolu de déposer définitivement ses baluchons, conquis par les avantages du  lieu. C’est pour cela que l’on  entend les gens répondre aux patronymes de toutes les localités du pays. Avant d’apercevoir la ville, il faut parcourir 120 kilomètres depuis Kaédi. La route Kaedi-Sélibaby qui se résume pour l’instant à un tronçon d’une trentaine de kilomètres tassée non encore bitumée n’offre au voyageur qu’un court répit avant l’épreuve des cahots et de la poussière de la latérite. Pour le reste, la voiture doit affronter une route impraticable et doit sans cesse emprunter les innombrables pistes qui reviennent systématiquement à la route mère. Il faut également traverser une multitude de ravins dont la confection des ponts retardera sans aucun doute les travaux de la future route. C’est après avoir traversé « Silewol », l’énorme ravin qui, en saison des pluies, constitue le cauchemar des chauffeur eu égard à son hostilité, après avoir roulé pendant plusieurs dizaines de kilomètres que se dresse la chaîne de montagnes qui bloque l’entrée de M’Bout. Il faut gravir l’obstacle naturel et ce n’est qu’arrivé en son sommet que l’on peut apercevoir au loin le «Edebaye» à l’entrée de la ville.

 

Voir M’Bout
 Pour une personne qui en est à sa première visite à M’Bout, ce premier contact peut décevoir au regard de la modestie des bâtisses de la cité par rapport à la popularité du seul nom de M’Bout. Les vieux quartiers aux maisons en banco n’offrent pas de charme quelconque. Mais, M’Bout, selon un professeur de philosophie, est  comme la ville d’Aleg : «Lorsque l’on y est affecté, on n’a qu’une envie : la quitter à la première occasion, mais au bout d’une année, il faut être tiré par la force pour la quitter.» En outre, la ville, comme plusieurs de ses semblables du sud, a connu très tardivement l’installation d’infrastructures susceptibles de provoquer son développement. L’électrification n’est intervenue que dans les dernières phases nationales. La téléphonie fixe n’est apparue qu’en 2003 et le mobile bien après. Mais le grand handicap de M’Bout réside dans son manque d’eau potable.
 
Mais où trouver de l’eau ?
 De tous les temps, les M’Boutois ont eu des difficultés à accéder à l’eau potable. La grande majorité des puits se situant à la sortie de la ville, les fûts d’eau se vendent à 300 UM en temps normal et peuvent grimper jusqu’à des pics de 800 UM  pendant la saison des pluies où l’eau se fait le plus rare. Pourtant en 2003, un château d’eau a été construit et les habitants de la ville croyaient avoir fini avec le spectre du manque d’eau. L’édifice a depuis longtemps été mis en fonction mais il ne couvre nullement les besoins en eau de M’Bout. Yacoub Ould Soueidatt, professeur de mathématiques au lycée de M’Bout confie : «Ici, on gère l’eau comme un bien précieux. On est obligé de nous priver de prendre des bains répétés pour économiser l’eau. Parfois, on a même honte de ne pas pouvoir offrir de l’eau de bain à nos hôtes. Tout est parcimonieusement rationalisé. Quant à moi, je peux m’estimer heureux car des cousins travaillant à Foum Gleita m’apportent quotidiennement des bidons d’eau. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde.» La gestion de l’eau est désormais une manière d’être des M’Boutois. Cette attitude est adoptée par toute une population qui vit dans une perpétuelle crise d’eau. En fait, si l’on ajoute à l’enclavement, l’absence de perspectives pour une population oubliée, la nécessité de se débattre sans répit dans une quête de l’eau, on peut estimer que les M’Boutois n’ont pas encore vu le bout du tunnel. A Nouakchott, on a pensé à tirer l’eau du fleuve Sénégal pour régler le problème d’approvisionnement de la ville. Il serait bien de méditer la même chose pour M’Bout en drainant les eaux du Gorgol Noir à seulement quelques dizaines de kilomètres de M’Bout. Si ça n’est de trop…
Biri N’diaye


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