Interview avec Dr Sidi Ould Salem, DG de la SOCOGIM   
10/02/2008

Pour mieux comprendre  la situation de la SociĂ©te de Construction et de Gestion ImmobiliĂ©re (SOCOGIM), ses modules d’habitats dont la construction Ă©tait bloquĂ©e quatre annĂ©es durant, le tapage fait autour du problème du «marchĂ© marocain» ainsi que les spĂ©culations qui Ă©taient opĂ©rĂ©es sur les espaces locatifs du mĂŞme marchĂ©, nous reproduisons la traduction de l’interview accordĂ©e par le Directeur GĂ©nĂ©ral de la SOCOGIM, Dr Sidi Ould Salem (notre photo) Ă  notre confrère Houssein Ould Mahand d’«El Emel El Jedid».




Qu’avez-vous apportĂ© Ă  la SOCOGIM ? 


Sidi Ould Salem : Au lendemain du 03 aoĂ»t 2005, la SOCOGIM Ă©tait dans une situation difficile. Les problèmes Ă©taient de divers ordres. Il y avait des problèmes organisationnels et structurels. La sociĂ©tĂ© devait ainsi supporter un nombre très important de fonctionnaires qui ne se prĂ©sentaient qu’en fin de mois pour prendre leurs salaires. Nous Ă©tions  liĂ©s avec diffĂ©rentes parties par des contrats inappropriĂ©s. Tout cela crĂ©ait un grand dĂ©sordre et constituait un frein au dĂ©veloppement de cette sociĂ©tĂ© Ă  l’activitĂ© limitĂ©e. La SOCOGIM avait perdu toute crĂ©dibilitĂ© et les bailleurs de fonds demandaient sa liquidation. La nouvelle Ă©quipe a fait face Ă  la situation avec esprit patriotique Elle a tenu compte de l’impact des rĂ©formes Ă  entreprendre.
En ce qui concerne le personnel,  nous avons encouragĂ© le dĂ©part volontaire en contrepartie d’une enveloppe financière. 29 personnes en ont profitĂ©. La sociĂ©tĂ© a par ailleurs mis fin au contrat de travail des employĂ©s en abandon de poste. Après la rĂ©organisation de l’organigramme, nous nous sommes attaquĂ©s Ă  d’autres dossiers. Celui des modules d’habitat Ă©tait particulièrement complexe avec un coĂ»t qui a dĂ©passĂ© les 6 milliards. Cela a failli conduire la SOCOGIM au dĂ©pĂ´t du bilan. Pendant quatre annĂ©es les constructions Ă©taient arrĂŞtĂ©s  et la SOCOGIM a eu d’énormes problèmes avec ses clients ainsi que  les banques qui majoraient annuellement  leurs emprunts de12%, et il nous revenait  de payer l’addition. Après des efforts gigantesques, les modules d’habitat sont maintenant terminĂ©s, les banques sont satisfaites, les clients aussi et les 6 milliards ont Ă©tĂ© ramenĂ©s Ă  moins de 4.
En plus de toutes ces difficultĂ©s, il y avait une autre non moins importante. Il s’agit principalement  du problème liĂ© Ă  la gestion du centre commercial – le marchĂ© SOCOGIM – communĂ©ment appelĂ© « MarchĂ© marocain ». Nous avons rencontrĂ© beaucoup de problèmes pour rectifier l’état de gestion de ce marchĂ© mais nous sommes allĂ©s jusqu’au bout. Actuellement, les recettes ont Ă©tĂ© portĂ©es Ă  115 millions d’ouguiyas au lieu d’environ  50 millions les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes.


On parle beaucoup de ce «marché marocain». Qu’en est-il au juste?


S.O.S: Le marchĂ© de la SOCOGIM plus connu sous la dĂ©nomination «MarchĂ© marocain» a Ă©tĂ© construit en 1996 avec une enveloppe d’environ d’un milliard 250 millions d’ouguiyas. L’objectif principal de cet investissement Ă©tait de mettre Ă  la disposition des populations un marchĂ© stratĂ©gique accessible Ă  tous et oĂą l’on pouvait trouver toute sortes de marchandises Ă  des prix abordables. Au 03 aoĂ»t 2005 ce marchĂ© Ă©tait entre les mains d’une poignĂ©e de commerçants qui revendiquaient son achat. Ils arguaient qu’il leur aurait Ă©tĂ© vendu, car il serait non rentable. J’ai arrĂŞtĂ© cette opĂ©ration de vente car j’ai doutĂ© de son caractère lĂ©gal. Le marchĂ© Ă©tait bien bĂ©nĂ©fique mais jusque-lĂ  il ne profitait qu’à certains. La SOCOGIM Ă©tait exclue de tout. Après une Ă©tude que nous avons diligentĂ©, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait beaucoup d’anomalies dans sa gestion. Seuls 4% du parc locatif simple du marchĂ© disposaient de contrats en bonne et due forme et tous Ă©taient surendettĂ©s. S’agissant des hangars et des lieux d’exposition interne du marchĂ©, ils faisaient l’objet de toutes sortes de  spĂ©culations. Et ce, au moment oĂą les contrats de location simple du marchĂ© interdisaient Ă  toute personne de sous-louer ces endroits sauf s’il dispose d’une autorisation spĂ©ciale. Ces endroits ont en effet une vocation spĂ©ciale. Ainsi, certains se sont arrogĂ©s de dizaines d’emplacements (plus de 45 pour certains) qu’ils sous-louaient en toute illĂ©galitĂ©. Certaines places concĂ©dĂ©es par la SOCOGIM Ă  4.000 UM Ă©taient  louĂ©es Ă  9.000 UM. Quant aux kiosques ils sont louĂ©s entre 25 et 40.000 UM alors que la SOCOGIM ne percevait que 6.000 UM par kiosque. Les douches louĂ©es  Ă  6.000 UM sont sous-louĂ©es Ă  15.000 UM et plus. Avec la rĂ©organisation de ce marchĂ©, la SOCOGIM pouvait dĂ©sormais  tirer des recettes de 115 millions d’ouguiyas au lieu des 50 millions gĂ©nĂ©rĂ©s jusque-lĂ  .Pour rĂ©aliser un tel rĂ©sultat, il a fallu que la sociĂ©tĂ© rĂ©gularise la situation de tous les locataires en leur faisant signer de nouveaux contrats. Par ailleurs, les endroits rĂ©servĂ©s Ă  la location simple ont Ă©tĂ© interdits de sous-location comme le stipule le contrat. Il a Ă©galement Ă©tĂ© mis fin au système de double location. Il s’était avĂ©rĂ© en effet que la plupart des contrevenants initiaux Ă©taient des anciens ministres, des directeurs dans l’administration publique, des fonctionnaires de la SOCOGIM, des leaders politiques etc. Ces derniers sous-louaient ces endroits Ă  des tiers. Il s’agit lĂ  d’une situation inadmissible quand on sait que le marchĂ© est destinĂ© en prioritĂ© Ă  des gens peu fortunĂ©s.
D’un autre côté, nous avons procédé à l’assainissement et à la réfection de ce marché suivant les normes sanitaires. Nous avons par ailleurs rejeté l’idée de le vendre. La SOCOGIM n’est pas financée par l’Etat et ne dispose pas de ressources. Ce marché constitue donc un appoint non négligeable. Actuellement, nous avons préparé une requête à des partenaires arabes qui seraient prêts à financer la construction de 3100 logements. La SOCOGIM doit donc coûte que coûte accomplir sa mission sociale et éviter de sombrer dans la mauvaise gestion comme beaucoup d’autres sociétés.
Ma prise de fonction a coĂŻncidĂ© avec le ficellement du projet de vente de ce marchĂ©. J’ai trouvĂ© le protocole de vente devant moi. Ce marchĂ©, je le rappelle, avait coĂ»tĂ© 1 milliard 250 millions d’ouguiyas. La perte aurait Ă©tĂ© de plus d’un milliard d’ouguiyas. Le marchĂ© devait ĂŞtre cĂ©dĂ© Ă  un pool dĂ©nommĂ© l’Association des Usagers du marchĂ© Marocain. Mais dans ce projet de protocole d’accord, il a Ă©tĂ© dit que la vente ne pouvait avoir lieu que si le conseil d’administation de la SOCOGIM donne son accord en plus de celui de la tutelle. ImmĂ©diatement après ma nomination, j’ai arrĂŞtĂ© le processus de vente. Si la vente avait eu lieu avant mon arrivĂ©e, je n’avais rien Ă  dire,  mais comme cela ne fut pas le cas, et parce que je reprĂ©sente la sociĂ©tĂ©, je ne peux ĂŞtre d’accord sur la  vente ce marchĂ© avec une perte aussi importante. Je ne pouvais pas me permettre de donner mon accord pour la vente d’un marchĂ© dont les recettes gĂ©nĂ©rĂ©es tous les deux ans sont supĂ©rieures au prix de vente. Il est vrai que l’ancienne direction voulait vendre le marchĂ© suite Ă  une Ă©tude de la Banque Mondiale qui avait conclu que le marchĂ© n’a gĂ©nĂ©rĂ© 2002 que 56 millions d’ouguiyas avec des charges de dĂ©penses de 55 millions. Conclusion : il n’était pas rentable. Si cela Ă©tait vrai, c’était Ă  cause de la mauvaise gestion. Actuellement le bĂ©nĂ©fice est le double de ce chiffre et les dĂ©penses en constituent la moitiĂ©. Ceux qui Ă©taient derrière l’opĂ©ration de vente se sont inscrits en porte-Ă -faux contre  notre logique  et ont prĂ©fĂ©rĂ© s’en remettre Ă  la justice qui a tranchĂ© en notre faveur pour les raisons suivantes :
1-La signature du projet de protocole de vente a été faite avec une association illégale (sans reconnaissance juridique).
2-Le document présenté par la partie plaignante porte le titre : projet de protocole d’accord. Dans ce document il n’est pas fait mention de contrat de vente.
3-Dans l’avant dernier paragraphe du projet, on note que les dispositions pratiques pour la vente du marché seront définies (au moment de la rétrocession) avec des contrats signés par les occupants du marché.
4-Dans le dernier paragraphe, on souligne que les contrats de vente ne peuvent être valables qu’une fois l’accord de la direction générale de la SOCOGIM et le ministère de tutelle obtenus et ceci conformément aux dispositions de l’article 33 du règlement de la SOCOGIM.


Mais en dehors du problème de la vente du marché, il y a d’autres zones d’ombre dans vos relations avec certains exploitants du dit marché ?


S.O.S: Le problème c’est que certains voient d’un mauvais Ĺ“il la rĂ©gularisation de leur situation juridique. Ils prĂ©fèrent le statu quo et comptent poursuivre la spĂ©culation sur le dos des locataires faibles. Je leur ai expliquĂ© que notre politique ne fait pas recours Ă  la force de l’administration. Nous privilĂ©gions le règlement par voie judiciaire. Si la justice tranche en faveur d’un ayant droit, nous respectons la dĂ©cision. Et si la justice tranche  en notre faveur, nous prenons acte. Ce fut le cas pour le problème des boutiques dont certaines avaient des arriĂ©rĂ©s de plus d’un million d’ouguiya. Certains n’ont jamais versĂ© une seule ouguiya Ă  la SOCOGIM. La justice a ainsi dĂ©cidĂ© d’expulser  49 boutiquiers qui totalisent des arriĂ©rĂ©s de 32 millions d’ouguiyas. Et lorsque les gens ont vu notre dĂ©marche et sa justesse, ils sont venus rĂ©gulariser  leurs situations. Et comme il est de coutume chez certains, Ă  chaque fois que la justice tranche en notre faveur, ils se remettent Ă  l’interventionnisme. Mais,  mieux vaut appliquer la loi.
Il y a aussi une autre branche du marchĂ© composĂ© du hangar et de kiosques ayant un caractère plutĂ´t social. Nous avons trouvĂ© que certains les louaient illĂ©galement Ă  des prix exorbitants. Nous avions  trouvĂ© Ă©galement que certains avaient louĂ© des endroits avec des gens qui ne sont pas enregistrĂ©s Ă  la SOCOGIM. Nous avons fait un diagnostic de cette situation, que nous avons mis sur la table du Conseil d’Administration. Des recommandations  ont alors Ă©tĂ© Ă©mises pour rectifier le tir et ramener cette branche du marchĂ© dans le giron de la SOCOGIM. Dans les textes, on affirme clairement que ce secteur du marchĂ© est  rĂ©servĂ© aux citoyens les plus dĂ©munis et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une seconde location Ă  but spĂ©culatif. C’est ainsi qu’il a Ă©tĂ© mis fin aux activitĂ©s des groupes qui s’adonnaient Ă  ce « trafic ». La prioritĂ© a Ă©tĂ© donnĂ©e aux ayants droits c’est-Ă -dire aux plus faibles. Cette rĂ©organisation qui a touchĂ© 835 places a Ă©tĂ© bien accueillie. Il a Ă©tĂ© ainsi mis fin Ă  une situation qui a trop durĂ©. Des endroits qui Ă©taient louĂ©s par d’anciens ministres, des directeurs, des dirigeants politiques faisaient l’objet de spĂ©culation incroyable. La SOCOGIM louait le meilleur endroit Ă  6.000 UM au moment oĂą les gens-lĂ  le proposaient Ă  25.000 et 40.000 UM en tirant ainsi d’énormes profits.
Il s’agit là d’un investissement illégal. Ce sont ces gens-là, utilisant leur influence et leur poids qui ont essayé de freiner et de s’opposer à cette reprise en main de la SOCOGIM.
Ce redressement ne vise personne et nous avons convoqué les avocats et les oulémas pour leur expliquer la situation. Ils nous ont donné le feu vert nous assurant que cette réorganisation est nécessaire et légale.
Notre dĂ©termination Ă  aller jusqu’au bout et Ă  appliquer la justice a poussĂ© ceux qui ont vu leurs intĂ©rĂŞts menacĂ©s Ă  mener une campagne politique et administrative sur tous les fronts contre nous. Quant Ă  nous, nous nous en remettons Ă  la justice. Il est tout Ă  fait normal qu’il y ait un antagonisme  entre les intĂ©rĂŞts des personnes et ceux de la SOCOGIM. Mais la solution ne peut ĂŞtre trouvĂ©e que du cĂ´tĂ© de la justice et non du cĂ´tĂ© du ministère ou de la prĂ©sidence ou l’inspection gĂ©nĂ©rale de l’Etat et encore moins du cĂ´tĂ© de la presse ou du parlement. Nous avons constatĂ© avec regret que tous ces plaignants ont Ă©vitĂ© de s’adresser Ă  la justice car ne disposant pas d’élĂ©ments convaincants. Ils ont choisi d’induire l’opinion publique en erreur en s’en prenant Ă  la SOCOGIM.
Propos recueillis par Houssein Ould Mahand


 


 



 



Toute reprise totale où partielle de cet article doit inclure la source : www.journaltahalil.com
Réagir à cet article
Pseudo
E-mail
Commentaire
Entrer le code
La rédaction de Tahalil vous demande d'éviter tout abus de langage en vue de maintenir le sérieux et de garantir la crédibilité de vos interventions dans cette rubrique. Les commentaires des visiteurs ne reflčtent pas nécessairement le point de vue de Tahalil et de ses journalistes.
Les commentaires insultants ou diffamatoires seront censurés.

TAHALIL 2006-2022 Tous droits reservés